Le jugement appartient-il uniquement à la conscience individuelle, ou bien dépend-il aussi de conditions sociales ?
Publié le 18/03/2004
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Le jugement appartient-il
uniquement à la conscience individuelle ou bien dépend-il aussi des
conditions sociales ?
INTRODUCTION
A) - Le jugement et l'esprit critique (c'est à dire étymologiquement
l'esprit de jugement) semblent la suprême ressource et comme la forteresse
inexpugnable de la liberté individuelle, la seule qu'Épictète menacé et
torturé par une brute conserve intacte ; b) à cet égard le jugement apparaît
comme un principe d'affranchissement de l'individu à l'égard des deux
menaces d'obscurantisme qui pèsent toujours sur lui et qu'on peut appeler
les raisons du coeur et les raisons du Prince.
B) - Pourtant il tient par deux cotés à des conditions sociales a) par sa
direction ; b) par sa liberté même, fruits d'un affranchissement dont le
progrès social est le principal artisan.
I - SA DIRECTION
A) - Tout jugement se réclamant de la raison peut être envisagé a) comme la
conclusion d'un raisonnement tacite ; b) la contrainte sociale peut peser de
deux manières sur ce raisonnement : soit en faussant le rapport de
conséquence par des conclusions préconçues, et c'est la mort de l'esprit :
lier par exemple l'honneur d'une caste à une décision judiciaire et trouver
des raisons de condamner un innocent (ou d'innocenter un coupable) soit en
dirigeant seulement l'attention sur un sujet d'études intéressant, la
conclusion devant être infirmée ou confirmée impartialement.
B) - Il faut donc distinguer deux sortes de présuppositions du jugement
(selon l'expression de W. James), a) les unes interfèrent avec le jugement
lui-même et en brouillent l'objectivité, donc en détruisent l'esprit même :
à cet égard le « pragmatisme » n'est autre chose que la philosophie de
l'idée obscure et confuse ; b) les autres président seulement au choix des
concepts lequel dépend de conditions sociales : nous réagissons en face des
choses par une désignation verbale qui recouvre une définition latente,
fruit de l'expérience du groupe ; c) et d'une façon plus générale nous
situons notre propre expérience dans les cadres (espace, temps, ordre
causal) que la civilisation nous a légués.
II - SA LIBERTÉ
A) - Elle n'est pas menacée par la socialisation des concepts mais par celle
des conclusions : justifier systématiquement un ordre économique, par
exemple, en, imaginant à cette fin un système de lois pseudo-naturelles.
B) - Elle est donc, a) en raison directe de l'objectivité c'est à dire de
l'impartialité b) définition : être partial c'est juger selon ses partis
pris, être impartial C'est prendre parti selon son jugement, être neutre
c'est n'oser point prendre parti. L'impartialité consiste donc à reconnaître
au-dessus du pour et du contre, la souveraineté du vrai.
C) - Parmi les- conditions qui la favorisent a) figure au premier rang
l'évolution sociale elle-même, b) qui met en évidence la loi suivante :
l'individu gagne en liberté ce que le cercle social dont il fait partie
gagne en extension : l'État par exemple l'émancipe des servitudes
familiales, c) à la limite l'humanité ne serait pas comme la concevait Aug.
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