Le goût est-il naturel ou dépend-il de la culture ?
Publié le 27/02/2008
Extrait du document
«
Goût et éducationNous savons tous qu'un enfant n'a pas les mêmes goûts qu'un adulte.
Cela vient du fait que le goût se formepetit à petit par les expériences vécues et les savoirs acquis.
On peut donc dire que le goût dépend toujoursde la culture.
L'homme ne peut aimer que ce qu'on lui a appris à apprécier tant sur le plan du sensitif que surcelui de l'esthétique.
Certains mets demandent un apprentissage, certaines oeuvres nécessitent une initiation.
Le goût exige une culture esthétiquePour entrer dans l'univers d'un artiste, il est besoin de faire un effort.
Le beau n'est pas toujoursimmédiatement accessible.
Ce n'est qu'en étendant ma connaissance de l'art que je peux saisir toutes lesfinesses et les qualités d'une oeuvre et ainsi parfaire mon goût.
Avoir du goût, c'est être capable de juger dubeau.
Si je veux juger Dante, il faut que je m'élève à sa hauteur.Si la connaissance vient à l'appui du sentiment, elle ne saurait le remplacer.A son actif, il y a bien des raisons de la défendre.
Aimer, cela s'apprend.
Souvent, nous nous sommes mis àaimer des oeuvres parce qu'un connaisseur a su nous les faire voir en nous ouvrant à leur signification.
D'une façon générale, un connaisseur reconnaît autant qu'il connaît, il sait reconnaître autant qu'il prendplaisir à connaître.
Il sait donc dépasser les apparences et dénicher les choses rares.
L'art étant unique etrare, il faut donc être connaisseur.
Enfin, une oeuvre d'art n'a pas que du sens par rapport à elle-même ou ànous.
Elle en a parce qu'elle fait histoire.
Comme l'a dit Hegel elle fait événement.
Cela dit, il convient d'êtreprudent.
La connaissance peut être un piège.
Connaître peut donner la tentation d'aborder l'art avec lepréjugé du connaisseur qui croit connaître ou qui veut connaître.
Or, l'art ne doit-il pas être abordé sanspréjugé ? Ne doit-il pas étonner ? N'est-il pas quelque chose qui nous apporte ce que l'on ne connaissait pasen bousculant nos préjugés ? Bref, être face à l'art c'est naître au monde ; comme l'a dit Bachelard, avoir unregard neuf.
Aussi la connaissance est-elle mise en échec.
Si l'art requiert qu'on s'éduque toujours, ainsi quel'a vu Kant, il n'est pas une science.
Le goût est d'origine socialeLes analyses sociologiques (inspirées plus ou moins fidèlement de Marx) ont montré que le goût de l'individuest formé en grande partie par sa classe sociale et les conditions de vie qu'elle implique.
C'est pour cetteraison d'ailleurs qu'il peut fonctionner comme un moyen de «distinction»: «Dis-moi ce que tu aimes et jesaurais qui tu es!» Les statistiques sont formelles, il faut être l'héritier (Bourdieu) de milieux aisés pourapprécier comme pour produire une oeuvre d'art ; le sachem iroquois n'appréciera jamais, à Paris, que lesrôtisseries (Kant).
Dans L'Amour de l'art, Pierre Bourdieu montre que les étudiants issus des classes populaires sont nettementmoins sensibles que les autres à la peinture moderne, à celle d'artistes moins connus que Renoir, Van Gogh,Cézanne.
D'où la difficulté de «briser le cercle qui fait que le capital culturel va au capital culturel»
Faire de la culture une condition de possibilité du goût, ce serait réduire le beau et le bon à n'être quel'expression d'une classe sociale, et l'acquisition du bon goût constituerait alors un instrument de dominationsociale: manifester du «bon goût» reviendrait à affirmer son appartenance à la classe dominante ou sonsouhait d'y parvenir.
C'est du moins ce que l'on peut dire si l'on suit les analyses de Pierre Bourdieu dans LaDistinction.
Victor Basil n'est pas loin non plus de cette position lorsqu'il écrit: «Le bon goût est la faculté dejuger immédiatement de ce qui doit me plaire» (Essai critique sur l'esthétique de Kant).
Cependant, si l'éruditionest souvent superflue (on peut aimer un vin sans être capable de parler savamment de sa robe, on peut aimerMozart sans connaître le solfège), la culture n'est jamais absente des plaisirs du goût.
Qu'il soit sensitif ou qu'ilsoit esthétique, le goût se perfectionne et s'affine dans son commerce avec les oeuvres de l'art et, pour cetteraison, dépend toujours nécessairement d'une culture et d'un apprentissage..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Le jugement de goût dépend-il de la culture à laquelle on appartient ?
- Le goût est-il propre à une culture donnée ?
- « La véritable tare de Mlle de Bauret, qui était en partie la tare de son âge (1), et en partie celle de son époque, était que pour elle nouveauté était synonyme de valeur. C'est là signe certain de barbarie : dans toute société, ce sont toujours les éléments d'intelligence inférieure qui sont affamés d' « être à la page ». Incapables de discerner par le goût, la culture et l'esprit critique, ils jugent le problème automatiquement d'après ce principe, que la vérité est la nouveauté. »
- «Un long avenir se préparait pour (la culture française) du XVIIe (siècle). Même encore au temps du romantisme, les œuvres classiques continuent à bénéficier d'une audience considérable ; l'époque qui les a vu naître bénéficie au premier chef du progrès des études historiques ; l'esprit qui anime ses écrivains, curiosité pour l'homme, goût d'une beauté harmonieuse et rationnelle, continue à inspirer les créatures. Avec cette esthétique une autre ne pourra véritablement entrer en concur
- Le beau dépend-il du goût de chacun ?