Le feu de Prométhée
Publié le 18/03/2015
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Le feu de Prométhée
Comme Épiméthée n'était pas parfaitement avisé, il avait déjà, sans même s'en
rendre compte, distribué toutes les aptitudes disponibles pour doter les animaux, et
bien sûr, il lui restait l'espèce humaine à pourvoir; il ne savait que faire. Dans sa
perplexité, il voit venir Prométhée pour contrôler la répartition. Celui-ci remarque
alors que si les espèces animales sont pourvues de tout dans de bonnes proportions,
l'homme est nu, sans couverture, sans armes; or le jour fixé par le destin pour que
l'homme sortît de la terre et parût au jour était arrivé. Tourmenté par la difficulté
de savoir comment sauver l'humanité, Prométhée se décide à dérober la maîtrise
des arts d'Héphaïstos et d'Athéna en même temps que le feu - sans lequel une telle
maîtrise serait impossible à acquérir et inutile - et à en faire cadeau à l'homme.
Platon, Protagoras, 321c-d.
«
20 L'invention de l'homme
colère, Zeus avait privé l'humanité du feu salvateur.
Une autre
légende rejoint cette image d'une faiblesse première de
l'humanité.
Le frère de Prométhée s'appelait Épiméthée, dont le nom
même dit l'imprévoyance.
Chargé de pourvoir les différentes
espèces vivantes en moyens de survie, Epiméthée avait dilapidé
toutes les ressources disponibles en les distribuant aux ani
maux : vitesse sans la puissance aux uns, puissance sans la
vitesse aux autres, le tout s'agençant en un équilibre subtil au
sein duquel toutes les espèces animales peuvent coexister sans
se détruire.
D'où le dénuement de l'homme, pour lequel ne
restait rien de ce qui permet l'adaptation spontanée aux dures
exigences de la vie.
Ni dieu ni bête, l'homme ne jouissait en fin
de compte d'aucune prérogative vitale.
Ni dieu, car il ne pou
vait se suffire à lui-même par le seul fait d'exister.
Ni bête, dans
la mesure où ses qualités natives ne permettaient pas plus une
survie spontanée.
Bref, la vie ne lui était d'abord offerte que
pour être ensuite conquise.
Et la conquête serait à réitérer,
indéfiniment.
L'oubli légendaire d'Épiméthée n'est peut-être pas simple
inadvertance, car il appelle pour l'homme une autre façon
d'être, qui signe sa véritable nature, en l'engageant dans les
tourments d'une histoire.
Il y avait le feu dans la forge d'Héphaïstos, et le savoir-faire
habile du Dieu artisan, également partagé par Athéna, déesse
de la sagesse.
Prométhée les dérobe, et les porte aux hommes.
«J'ai pris dans la tige d'une férule la semence du feu que j'ai
dérobée, semence qui est pour les mortels la maîtresse de tous
les arts et une auxiliaire sans prix » (Eschyle, Prométhée enchaîné).
L'aventure de la culture commence.
Prométhée fait aux hommes le présent qui leur permet de
produire eux-mêmes leur existence, au lieu de déployer les
ressources déjà constituées d'une adaptation sélective.
La vie
n'est pas donnée, elle est à conquérir, à produire et à repro
duire dans le travail sur la nature mais aussi sur soi.
Culture.
Soin que l'homme prend de ce qui l'entoure pour y élire sa
demeure.
Soin qu'il prend de lui-même et de ses pensées,
pour construire ce monde sien où s'affermit sa liberté pre
mière : celle de décider de son être.
Prométhée refonde en
quelque sorte la condition humaine, en l'arrachant à la
détresse d'abord voulue par Zeus.
Le jeune Goethe lui fait dire.
»
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