Le droit se fonde-t-il sur l'intérêt privé ?
Publié le 27/02/2008
Extrait du document
«
On peut prétendre en paroles se soustraire à leur empire alors qu'en fait on y reste soumis au moment même où on leprétend.
Le principe d'utilité reconnaît cette sujétion et en fait le fondement du système dont l'objectif est d'élever l'édificedu Bonheur à l'aide de la raison et de la loi...Par utilité, on entend la possession de tout objet grâce auquel on tend à obtenir un profit, un avantage, un profit, un bienou le bonheur (ce qui dans le cas présent revient au même) ou (ce qui revient généralement au même) à prévenir un échec,une peine, un mal, ou le malheur de qui que ce soit, qu'il s'agisse de la société en général ou de l'individu...On peut dire d'une action qu'elle est conforme au principe d'utilité ou plus simplement qu'elle est utile (relativement à lasociété en général) lorsque sa tendance à accroître le bonheur de la société est supérieure à ce qui le diminue.
» La seconde partie peut s'appuyer sur la doctrine utilitariste – défendue notamment par Jeremy Bentham et Stuart Mills –pour placer le seul intérêt au fondement de la communauté des hommes et du droit qui la régit.
Pour l'utilitarisme, lasociété et le droit ont pour seule fin la satisfaction de tous les intérêts personnels, satisfaction qui garantirait le bonheur detous.
Cette position présente une importante difficulté : une société ayant de tels objectifs paraît en effet difficile àconcevoir en pratique.
* La difficulté à définir l'intérêt de chacun ou de la communauté et la nécessité de s'en remettre à des principessupplémentaires pour fonder le droit Rousseau « C'est une des singularités du coeur humain que malgré le penchant qu'ont tous les hommes à juger favorablement d'eux-mêmes, il y a des points sur lesquels ils s'estiment encore plus méprisables qu'ils ne sont en effet.
Tel est l'intérêt qu'ilsregardent comme leur passion dominante, quoiqu'ils en aient une autre plus forte, plus générale, et plus facile à rectifier,qui ne se sert de l'intérêt que comme d'un moyen pour se satisfaire ; c'est l'amour des distinctions.
On fait tout pours'enrichir, mais c'est pour être considéré qu'on veut être riche.
Cela se prouve en ce qu'au lieu de se borner à cettemédiocrité qui constitue le bien-être chacun veut parvenir à ce degré de richesse qui fixe tous les yeux, mais qui augmenteles soins et les peines et devient presque aussi à charge que la pauvreté même.
Cela se prouve encore par l'usage ridiculeque les riches font de leurs biens.
Ce ne sont point eux qui jouissent de leurs profusions et elles ne sont faites que pourattirer les regards et l'admiration des autres.
Il est assez évident que le désir de se distinguer est la seule source du luxe demagnificence, car quant à celui de mollesse il n'y a qu'un bien petit nombre de voluptueux qui sachent le goûter et luilaisser la douceur et toute la simplicité dont il est susceptible.
C'est donc ainsi qu'on voit par le même principe toutes lesfamilles travailler sans cesse à s'enrichir et à se ruiner alternativement.
C'est Sisyphe qui sue sang et eau pour porter ausommet d'une montagne le rocher qu'il en va faire rouler le moment d'après.
» Alain, Propos d'un normand « Qu'est-ce que le droit ? C'est l'égalité.
Dès qu'un contrat enferme quelque inégalité, vous soupçonnez aussitôt que lecontrat viole le droit.
Vous vendez ; j'achète ; personne ne croira que le prix fixé après débat, et d'un commun accord, soitjuste dans tous les cas ; si le vendeur est ivre tandis que l'acheteur est maître de son jugement ; si l'un des deux est trèsriche et l'autre très pauvre, si le vendeur est en concurrence avec d'autres vendeurs tandis que l'acheteur est seul à vouloiracheter, si le vendeur ignore la nature de ce qu'il vend, livre rare ou tableau de maître, tandis que l'acheteur la connaît,dans tous les cas de ce genre je dirai que le prix payé est un prix d'occasion, et non le juste prix.
Pourquoi ? Parce qu'il n'yavait pas égalité entre les parties.
» La troisième partie pourra donc consister en une critique de l'utilitarisme, ce qui amènera à formuler l'exigence d'unerecherche, pour le droit, de fondements autres que l'intérêt.
Cette critique pourra porter sur deux points : sur la grandecomplexité du rapport que l'homme entretient avec ses intérêts, qui fait que la quête de la satisfaction des intérêts est unequête sans fin d'une part (cf.
le texte de Rousseau) ; sur la nécessité de s'en remettre à des principes autres que ceux del'intérêt pour fonder un droit juste d'autre part.
L'intérêt ne peut alors fonder qu'un droit d'occasion, et non un juste droit,pour reprendre les mots d'Alain sur les prix.
Conclusion Il semble pertinent de placer l'intérêt au fondement de l'existence du droit, en raison du rôle moteur généralisé qu'il jouedans les relations interhumaines.
Cependant, limiter le droit au domaine de la satisfaction des intérêts est insuffisant, enraison de la nature complexe de l'intérêt et de l'exigence d'un fonctionnement juste de la société.
L'intérêt est alors bien, enun sens, un fondement du droit, mais il doit être tempéré par d'autres exigences qui seront elles aussi des fondements dudroit – les exigences de l'égalité ou de la justice, par exemple..
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