Le droit peut-il s'opposer aux traditions ?
Publié le 08/02/2004
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3.
Le droit a besoin du soutien de l'usage
A.
Les lois n'existent que parce qu'elles sont respectéesLe droit peut-il toutefois se dresser durablement contre l'usage? Comme nous l'avons rappelé pour la sociétégrecque qui a vu naître notre idée du droit, la raison juridique ne peut apparaître qu'au sein d'un peuple dont lescroyances traditionnelles sont affaiblies.
C'est la crise de l'autorité des traditions qui ouvre le chemin à la légitimitéjuridique.
Mais faut-il aller jusqu'à considérer qu'une société ne peut être régie par le droit qu'à la condition que sesmembres se soient libérés de toute tradition? II est difficile d'imaginer un homme dont le comportement ne porteraitla trace d'aucune convention, d'aucun usage.
Ne s'agirait-il pas d'un individu sans éducation, forcément tyranniquepuisque rien, en dehors de la crainte de la loi de l'État, ne serait susceptible de brider ses désirs? L'humanitérespectueuse du droit ne saurait donc avoir comme seuls critères d'action les règles juridiques.
Celles-ci ne peuventd'ailleurs avoir d'efficacité et orienter efficacement les moeurs qu'à la condition d'être compatibles avec cesdernières et de finir par passer en elles.
Ainsi, en France, la loi de parité dans la représentation des deux sexesparmi les candidats aux fonctions représentatives de l'État n'est pas encore parvenue à infléchir les pratiques: lespartis payent des amendes mais ne parviennent pas à accomplir cette révolution culturelle que de nombreux payseuropéens ont déjà effectuée depuis longtemps.
Le droit ne devient effectif non pas quand il est décidé, compris,accepté en principe, mais une fois qu'il est respecté spontanément, une fois qu'il s'est inscrit dans les moeurs.
Lesrègles juridiques ne sont pas les reflets des usages mais se doivent d'en forger et de passer dans les moeurs pourpouvoir exister socialement.
B.
L'exemple d'une tradition juridique: le droit jurisprudentielNon seulement le droit n'exclut pas la tradition, non seulement il doit passer lui-même dans les moeurs, maisl'autorité du fait est un principe qu'il peut reconnaître en son propre domaine.
En vertu du principe de rationalité quile gouverne, le droit ne peut en effet admettre que des décisions de justice, rendues sur des faits et en descirconstances semblables, puissent être totalement différentes.
L'institution juridique est donc tenue par sespropres décisions et peut aller jusqu'à faire de ce principe de cohérence son principal fondement.
C'est le cas dansles pays anglo-saxons où la jurisprudence, bien plus que la loi politique, est la source de la justice rendue.
Ériger unedisposition juridique, en règle ferme et très difficilement abrogeable, c'est bien retrouver l'esprit de la tradition: ons'incline devant un usage dans la manière de dire le droit.
Toutefois, une différence persiste.
Le propre de lavéritable tradition est de ne tirer sa légitimité que d'elle-même – alors que dans la jurisprudence, c'est l'idée d'égalitéqui élève le fait au rang d'une norme: c'est pour éviter l'injustice que le droit d'hier est érigé en modèle du droit dedemain.
Conclusion
Le droit entretient un rapport ambigu à la tradition.
D'une part, sa dimension rationnelle le pousse à se distinguerd'elle et à représenter un principe d'organisation sociale pouvant s'opposer à elle.
Mais d'autre part, sans l'appui desusages, sans entrer lui-même dans le domaine des habitudes et des coutumes, le droit se condamne à ne resterqu'un ensemble de principes abstraits dont l'application ne peut s'envisager qu'à partir du recours à la force brute.Le droit ne s'oppose donc pas par nature aux traditions: il cherche plutôt à les façonner, à les orienter et n'yparvient qu'au prix de tensions, parfois même de conflits provisoires.
Ces moments d'opposition ne doivent pasocculter que l'ambition du droit est de devenir tradition..
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