Le droit peut-il faire abstraction de la morale ?
Publié le 28/02/2009
Extrait du document
- Analyse du sujet
® « Dans un bois aussi courbe que celui dont est fait l’homme, on ne peut rien tailler tout à fait droit « : cette formule de Kant (Idée d’une histoire au point de vue cosmopolitique) dit bien ce qu’est le droit en son premier sen, à savoir l’effort pour redresser l’homme dans le bon sens, contraire à son égoïsme, au moyen de (droites) règles qui s’appliquent à tous. La règle trace le droit, le droit est un ensemble de règles ; qui ne se conforme pas au droit a trot, est dans son tort, a quitté le droit chemin pour emprunter les sentiers tordus. Le droit s’oppose au tort, et la formule de Kant suggère que cette opposition est en son fond irréductible : l’ensemble des faits ne saurait être entièrement conforme au droit. D’ailleurs, le droit est irréductible au fait, c’est-à-dire que le fait ne peut pas créer un droit (si ce n’est en vertu d’un droit antérieurement défini et posé).
® « On ne voit rien de juste ou d’injuste qui ne change pas de qualité en changeant de climat « (Pascal, Pensées, 294, Ed. Brunschvicg) : on parle ici de droit positif qui constitue le droit effectivement existant. Il se présente comme un ensemble plus ou moins fortement lié et systématique de règles de droit qui régissent la vie en société, tantôt en énonçant ce qui est interdit, tantôt en énonçant expressément ce à quoi les personnes ont droit (droits subjectifs).
® Ces règles peuvent avoir des sources diverses (= coutumes, constitution, pouvoir législatif, ministre, préfet, maire, etc.) par rapport auxquelles s’établit une hiérarchie de normes. Mais la règle qui symbolise à elle seule tout le droit, du fait de sa position éminente et de sa présence effective, est la loi.
® Il s’agit donc de s’interroger sur la fonction du droit, sur domaine d’application. Le « peut-il « doit s’entendre en deux sens coextensifs l’un à l’autre : d’abord il s’agit de la possibilité de fait (est-il possible qu’un droit soit indépendant de toute morale ?), mais aussi, et plus profondément, sur la possibilité de droit : un droit qui ferait abstraction de la morale serait-il légitime, c’est-à-dire serait-il encore un droit ?
® Il faut entendre ici le « droit « dans son sens fort de « loi «. Il s’agit en effet à proprement parler du droit positif plutôt que du droit naturel. Or, toutes les affaires humaines peuvent-elles et doivent-elles être réglées par des lois qui définissent les droits et les devoirs des individus (comme citoyens) mais qui aussi, a fortiori, implique des sanctions (pas seulement morales mais aussi, dans cette perspective, pénales) ?
- Problématique
Un droit qui ferait abstraction de toute morale, c’est-à-dire qui ne prendrait pas en compte dans sa formulation et dans son application la morale, est-il non seulement possible mais encore légitime ? Est-ce parce qu’il est possible de fait qu’il l’est de droit, c’est-à-dire qu’il est légitime ? C’est donc la nature du lien droit/morale qui est ici mise à la question : sont-ils indépendants l’un de l’autre ou au contraire réciproque, comme les deux facettes d’une même médaille ?
- I. Le droit est indépendant de la morale
- II. La nécessité d’un lien, la question de la relation légalité/légitimité
- III. Le droit comme ce qui rend possible l’idéal du respect de l’autre comme fin en soi
«
peuvent ni ne doivent être réglés par des lois.
En effet, pour ce qui est des échanges de base(communication, amitié, amour, etc.) la seulement conscience morale, ou à plus forte raison la loi moraleelle-même suffit.
Le droit naturel est donc bien ce sentiment de la justice, de la morale, du devoir, quisuffit à régler les comportements quotidiens des hommes entre eux · La fonction du droit positif n'est donc pas de régler toutes les affaires humaines, là où la morale fait partie de tous les domaines, car cette notion engage aussi celle de sanction.
Or, on ne peut passanctionner, à l'échelle de l'Etat, tous les comportements qui seraient non conformes au droit.
Onassisterait à une tyrannie du droit, qui se contredirait alors dans son essence même (à savoir donner unedroite règle en vue de sauvegarder les droits de chacun) Un droit étendu à tous les domaines ne fait dèslors plus droits.
Tous les échanges ne peuvent pas se fonder sur une telle relation de crainte quant à lasanction possible, dans c'est cas là, on ferait de l'échange entre les hommes quelque chose de purementconventionnel. · La distinction est alors fondamentale : le droit, dans ce qu'il a de positif est là pour régler, non pas toutes les affaires humaines, mais les affaires humaines dans leur ensemble.
En effet, le droit positifs'applique à aux comportements qui portent atteintes à l'intégrité de la société, à son fonctionnementadéquat, voire à sa survie.
Et c'est dans cette perspective qu'il apparaît difficile pour le droit, pour ne pasêtre seulement légal mais aussi légitime, de faire abstraction de toute morale. II.
La nécessité d'un lien, la question de la relation légalité/légitimité · Le droit naturel est de l'ordre du sentiment : il implique donc, au pire (ou au mieux) une sanction d'ordre moral ; à l'inverse, le droit positif opère du point de vue de la société, du point de vue général.
Ilrègle donc les principes des affaires humaines, mais pas toutes les affaires humaines en elles-mêmes quiprocèdent bien plutôt de la conscience morale de chaque individu (point de vue particulier). · Pourquoi obéir aux lois positives ? Pas seulement parce que ne pas y obéir entraînerait des sanctions, mais aussi parce qu'elles sont respectables : chacun se rebellerait, au moins en esprit, contre les lois quisemblent illégitimes.
Les lois positives ne fondent donc pas elles-mêmes leur légitimité.
Le droit positif adonc d'autant plus de force s'il s'appuie, ou du moins s'il est en conformité avec le droit naturel. · On ne peut donc faire du droit positif la règle pour toutes les affaires humaines.
Sa fonction n'est pas là.
Le droit positif est le garant du bon fonctionnement général de la société, il est ce qui trace les grandeslignes (justice, économie, etc.).
Seul le droit naturel doit être le garant des affaires humaines dans cequ'elles ont de particulier.
Là est le rôle de la morale.
Cependant, le droit est d'autant plus fort qu'ils'appuie sur la règle qui organise toutes les affaires humaines.
Le droit doit généraliser le particulier maisnon pas le régler à proprement parler. · En réalité pour être pleinement droit, le droit ne peut pas, tant dans sa formation que dans son application, faire abstraction de la morale, de sorte que l'un et l'autre sont coextensifs, ils apparaissentcomme les deux facettes d'une seule et même médaille.
Ainsi le droit ne doit-il pas seulement ce qui est del'ordre du légal, mais pour être conforme à son essence, il faut aussi qu'il revête le caractère de légitimité.En effet, la nécessité de lier droit et morale vient de l'exigence d'un idéal de justice. · La notion du juste en soi est loin d'être une utopie dont il faut poliment prendre congé.
Pour qu'un lien durable puisse s'établir entre les hommes, que la société ne soit ni un éphémère conglomérat d'intérêts niun hochet dans les mains du monarque, il est indispensable en effet de poser une norme qui règle larelation à autrui sans qu'aucune des parties ne soit lésée · Et l'on peut ainsi fonder cette norme sur une conception de l'homme.
Ce dernier peut être considéré comme libre et doué de raison par nature.
Sera donc juste tout acte ou toute législation qui respectera enlui ces deux aspects fondamentaux.
Au prix de cette définition d'une nature humaine universelle, on peutenvisager le juste comme une exigence adressée à chacun dans ses rapports avec autrui et à la loi.® Platon, Criton, pensons à la réaction de Criton qui va voir Socrate dans sa prison afin de lui dire des'échapper, considérant que le jugement a été injuste et que les lois qui le condamnent sont à rejeter.
Onsait que Socrate refusera de s'échapper.
L'obéissance à la loi ne doit pas se fonder sur un sentiment, celuidu juste ou de l'injuste par rapport à une conception individuelle de la justice ; au contraire, Socrate saitque toute loi suppose l'obéissance et qu'il serait contraire à son devoir que de s'enfuir.
III. Le droit comme ce qui rend possible l'idéal du respect de l'autre comme fin en soi · Dire que l'égalité est possible en société n'est donc pas suffisant pour dire l'essence du lien qui unit égalité et société.
Il faut le percevoir comme nécessaire.
Mais si ce lien est nécessaire, il l'est au titre decondition de possibilité de toutes société.
En effet, l'égalité comme respect de chacun comme fin en soi,c'est-à-dire également humain (et non pas simplement comme moyen) apparaît comme la condition detoute fondation et de toute pérennisation de la société. · Pour s'unir, il faut effectivement que les individus se considèrent tous, les uns les autres, comme des fins en soi, qu'ils ne s'utilisent pas seulement comme des moyens.
Un déséquilibre du fondement entraînenécessairement une fragilité du lien social, et donc un risque quant à son anéantissement. · Autrui est aussi celui qui m'oblige au respect.
Au-delà de la sympathie et du partage, comme au-delà de toute lutte pour la reconnaissance, il est à distance, parce qu'autre que moi.
Respecter autrui, c'estalors le poser comme limite à mon droit naturel d'user de toutes choses et des autres à mon profit.
Autrui.
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