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Le droit est-il réductible aux faits?

Publié le 31/01/2020

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Même quand un Etat nouveau établit un nouveau droit à la suite d'un processus révolutionnaire, ce droit est un fait en un sens bien particulier. En effet, à la différence de tous les autres faits, ce fait dote tous les autres faits d'une forme particulière, celle de la légitimité ou de l'illégitimité. Autrement dit, ce fait est aussi une norme. Les lois établies par le communisme de guerre en 1918-1919 sont des faits que l'historien peut décrire minutieusement. Mais elles ont surtout été pendant ces années des normes s'appliquant aux actions des Russes. L'historien peut décrire les lois sur la propriété industrielle comme il décrit une bataille militaire, c'est-à-dire comme il décrit tous les autres faits, mais une bataille n'a jamais été une norme rendant d'autres faits légitimes ou illégitimes. Autrement dit, le droit est cet unique fait qui modifie radicalement la nature de tous les autres faits : c'est le seul fait qui les arrache à la forme de la contingence.

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« DISSERTATION dit, il existe différentes façons, pas nécessairement cohérentes, d'affirmer la légiti­ mité des faits.

Le droit est donc une norme qui s'applique aux faits en leur donnant une forme particulière, celle de la légitimité ou de l'illégitimité.

Dire d'une chose.

qu'elle est légitime, c'est dire qu'elle est voulue : le droit fait donc passer le fait de l'ordre de ce qui a simplement lieu vers l'ordre de ce qui est voulu.

Mais ce qui est légitime n'est pas simplement ce que je veux ou ce que les individus séparément veulent C'est ce que ma volonté et celle d'autrui s'accordent pour considérer comme devant être voulu.

Le droit donne donc au fait une forme qui l'arrache à la simple contingence: ce qui est de droit est voulu par autrui et par moi.

Pourtant, n'est-ce pas oublier que le droit est souvent lui-même un fait? Si le droit est la norme qui donne au fait la forme de ce qui est voulu par autrui et par moi, il se distingue essentiellement du fait.

Pourtant, le droit ne doit-il pas lui aussi exister? Ne naît-il pas et ne meurt-il pas? Et si c'est le cas, le droit est également un fait.

· L'État semble être la source principale du droit.

En effet, l'État établit des lois.

Et les lois déterminent par définition ce que les membres de l'État, citoyens ou sujets, j peuvent légitimement faire ou ce qu'il leur est interdit de faire.

·Or l'existence de I' l'État est elle-même un fait : les États se créent avec leurs législations propres.

Pensons, par exemple, aux processus révolutionnaires qui abattent un État pour ·1 créer de toutes pièces un nouvel État.

La Révolution Française de 1789 et les révo- ' lutions russes de 1917 ont ainsi abouti à l'abolition de l'État monarchique et de l'État tsariste et à la création de nouveaux États, doués de droits propres et fonciè­ rement différents des droits qui les avait précédés.

Les révolutions produisent donc des régimes juridiques nouveaux lors d'un changement non conforme au droit antérieur, alors que les réformes produisent de nouveaux droits en obéissant à des normes déterminant les conditions dans lesquelles le droit peut être légitimement modifié.

Les normes juridiques ont donc intrinsèquement une dimension factuelle.

Mais si le droit est un fait historique, une question doit être posée : quelle est la légitimité du droit? Le fait qu'il existe des droits injustes et illégitimes confirme la dimension factuelle du droit En effet, les faits peuvent être dits légitimes seulement en fonction de leur conformité à une norme différente d'eux-mêmes.

Songeons, par exemple, aux règles juridiques dirigées contre les Juifs, les homosexuels et les com­ munistes établies par le régime hitlérien : ce droit est tenu pour illégitime alors même qu'il a été établi par un État arrivé de manière légitime au pouvoir, c'est-à-dire confor­ mément aux processus électoraux définis par le droit de la République de Weimar.

Cela suggère que le droit doit être considéré comme un fait qui possède une dimension historique.

Pourtant, n'est-ce pas ignorer la nature particulière de ce fait? Autrement dit, le fait du droit est-il identique aux autres faits? Ce n'est que si le fait du droit est identique aux autres faits que la réduction du droit au fait est légitime.. »

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