Le droit doit-il régler toutes les affaires humaines?

Le monde moderne a considérablement modifié cette ancienne séparation. On a vu, en effet, progressivement, la oi pénétrer à l'intérieur du domaine privé. L'autorité du pater familias n'est plus aujourd'hui sans limite, elle se heurte à l'égalité de droits que les individus privés peuvent légiti­mement revendiquer. En 1791, Olympe de Gouges rédigera une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne; en 1959, l'assemblée générale des Nations Unies adoptera une Déclaration des droits de l'enfant. Le droit pénètre aujour­d'hui largement au sein de la sphère privée.

Si cette évolution du droit peut paraître sur bien des points Positive, il convient de s'interroger sur ses éventuelles imites. Le droit doit-il absolument tout régler, c'est-à-dire :traque détail de la vie privé? Faut-il une loi qui dise tout ce que les individus doivent faire chez eux, comment ils doi­vent se nourrir, se vêtir, élever leurs enfants? Est-ce à la loi de déterminer ce que l'on doit dire ou faire chez soi, ce qu'on doit lire, ce cu'on peut entendre? Pareille incursion dans le domaine privé n'est-elle pas le propre des États tota­litaires? Ce sont le nazisme et le stalinisme qui ont poussé à l'extrême cette logique de pénétration de la vie privé. Franz Kafka, dans Le Procès, avait pressenti dès le début du xxe siècle quelle horreur représenterait un monde dans lequel l'institution judiciaire serait devenue toute-puissante. De même, le romancier anglais George Orwell décrira, dans 1984, un monde terrifiant dans lequel plus aucune intimité du domaine privé ne subsisterait.

Nous sommes en présence d'une difficulté fondamentale que Paul Valéry a bien résumée à propos de l'État: s'il est « fort, écrit-il, il nous opprime ; s'il est faible, nous péris­sons «. Il en est de même des règles du droit. Si le droit pré­tend tout légiférer au sein des affaires humaines, c'est la liberté des sujets qui disparaîtra ; mais si le droit n'est pas suffisamment présent, les individus risqueront d'être soumis à l'arbitraire de tous les tyrans que les passions humaines feront naître.

Avant de commencer

· Notion abordée

Le droit.

· Analyse du sujet

— Il conviendra de s'interroger sur le sens du terme « toutes «. Le sujet vous invite à réfléchir autant sur la possibilité que sur la valeur d'une société entière¬ment régie par le droit.

— Il faudra donc, après avoir précisément défini la notion de « droit «, s'interro¬ger pour savoir s'il existe des domaines dans lesquels celui-ci ne doit pas pénétrer.