Le doute est-il la manifestation de la liberté de l'esprit ?
Publié le 17/03/2004
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Voilà le point ferme grâce auquel j'échappe à la noyade dans l'océan du doute, par lequel je retrouverai la terre ferme de la science vraie.La difficulté provient de l'interprétation à donner à ce « je «. Il n'est pas l'individu concret. Ce n'est pas Descartes, homme du XVIIième siècle, c'est tout individu pensant qui peut dire « je pense donc je suis «, pour peu qu'il refasse, pour lui-même, l'expérience entreprise.Ce « je « est, par définition, désincarné ; tout ce que je peux affirmer, à ce moment, de l'itinéraire cartésien, c'est mon existence comme pensée, puisque, répétons-le, je dois encore, temporairement, nier l'existence du corps.Les deux conséquences majeures que Descartes tire de sa découverte sont d'une importance cruciale pour l'histoire de la philosophie. D'une part Descartes montre que la nature de la pensée et celle de la matière sot différentes. Ce qu'on nomme dualisme : « Je connus de là que j'étais une substance dont toute l'essence ou la nature n'est que de penser [...] En sorte que moi, cad l'âme par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement distincte du corps. « Le corps, en effet, n'est qu'une portion de matière, ayant une forme, et susceptible de recevoir du mouvement.
La question est ici de savoir en quoi le doute pourrait bien être une manifestation de la liberté de l'esprit. Douter, c'est questionner, interroger les évidences, c'est ne pas accepter ce qui est dit ou fait sans interrogation. Dès lors, le doute semble bien être une puissance critique de la pensée. La possibilité même d'une mise à distance de ses opinions. Dans une telle perspective, l'acte de douter semble être indissolublement lier à celui de la liberté. Par la possibilité même du doute, l'homme fait la preuve et l'épreuve de sa liberté. Les analyses de Descartes (cf. ci-joint) concluent de la sorte. Et, à la suite du penseur français, l'on pourrait dire: "je doute donc je suis libre". Toutefois, le doute est-il bien à la manifestation de la liberté ? Il semble bien qu'il faut distinguer différents niveaux de doute. Le doute cartésien est dit méthodique et systématique: il s'agit de douter de tout pour découvrir le roc et le socle de la première certitude. Mais si le doute nous est apparu comme témoignage de la liberté de l'esprit, on peut se demander si un doute aveugle ou sceptique ne serait pas plutôt le signe d'une pensée mal assurée et d'une raison mal employée. A cet égard, vous pouvez faire référence au scepticisme ou au relativisme d'un Protagoras, par exemple.
«
prend toute sa valeur gnoséologique.
Et c'est bien ce que l'on peut voir chez Descartes avec son doute systématique dans la première de ses Méditations métaphysiques .
Par le doute se manifeste la liberté de l'esprit en tant qu'il peut se libérer de tous lespréjugés qui l'hatitent.
Il s'agit donc d'une entreprise de destruction nécessitépar une volonté de vérité.
Et afin de radicaliser son propos, il fera l'hypothèsefictionnelle de l'existence d'une « malin génie » qui chercherait à la tromperconstamment.
Révoquant tout en doute, il arrive à une proposition qu'il nepeut pas nier et donc il est qui est « je pense, je suis » qui devient dans leDiscours de la Méthode : « je pense donc je suis ».
Et ainsi, il détient alors la pierre angulaire lui permettant de rebâtir tout l'édifice des sciences.
b) Si le doute comme méthode, tel que le propose Descartes dans les Méditations métaphysiques , manifeste la liberté de l'esprit c'est que par ce dernier, l'esprit peut mettre de côté tout ce qui l'entoure et se retrouver seulavec lui-même.
L'esprit se libère de la coutume, des préjugés, des besoins ducorps etc.
Cette liberté est donc essentiellement négative en tant qu'elle estdestruction mais se transformera en positivité dès la suspension du doute.
Ledoute sera donc radical en tant qu'on examinera plus les choses elle-même,libération par rapport à la matérialité – ce qui s'oppose par ailleurs à laspiritualité de l'esprit et constitue donc une double libération –, pour en veniruniquement aux principes des choses ; le savoir est attaqué sur sa base, àtous les niveaux, rien ne lui échappe ; et c'est dans l'audace d'une telleentreprise, l'esprit affirme sa liberté : « Maintenant donc que mon esprit est libre de tous soins, et que je me suis procuré un repos assuré dans une paisible solitude, je m'appliqueraisérieusement et avec liberté à détruire généralement toutes mes anciennes opinions […] mais parce que la ruine desfondements entraîne nécessairement avec soi tout le reste de l'édifice, je m'attaquerai d'abord aux principes surlesquels toutes mes anciennes opinions étaient appuyées.
»
c) Et c'est bien en tant que cartésien qu' Alain dans Libres propos affirmera à la suite de Descartes la liberté de l'esprit magnifié par le doute : « Le doute est le sel de l'esprit ; sans la pointe du doute, toutes les connaissancessont bientôt pourries.
J'entends aussi bien les connaissances les mieux fondées et les plus raisonnables.
Douterquand on s'aperçoit qu'on s'est trompé ou que l'on a été trompé, ce n'est pas difficile ; je voudrais même dire quecela n'avance guère ; ce doute forcé est comme une violence qui nous est faite ; aussi c'est un doute triste ; c'estun doute de faiblesse ; c'est un regret d'avoir cru, et une confiance trompée.
Le vrai c'est qu'il ne faut jamaiscroire, et qu'il faut examiner toujours.
L'incrédulité n'a pas encore donné sa mesure.
Croire est agréable.
C'est uneivresse dont il faut se priver.
Ou alors dites adieu à liberté, à justice, à paix.
Il est naturel et délicieux de croire quela République nous donnera tous ces biens ; ou, si la République ne peut , on veut croire que Coopération,Socialisme, Communisme ou quelque autre constitution nous permettra de nous fier au jugement d'autrui, enfin dedormir les yeux ouverts comme fond les bêtes.
Mais non.
La fonction de penser ne se délègue point.
Dès que la têtehumaine reprend son antique mouvement de haut en bas, pour dire oui, aussitôt les rois reviennent.
» Le doute estdonc bien la manifestation de la liberté de l'esprit et permet ainsi l'édification des sciences.
Transition :
Il apparaît clair alors que le doute en tant que méthode destructive est bien la manifestation de l'esprit, de sapossibilité de se détacher de ses croyances et incertitudes.
Néanmoins, si ce doute est une méthode, il ne peutêtre qu'un moment de la liberté de l'esprit.
En effet, n'y a t-il pas un risque à systématiser le doute pour la liberté del'esprit si ce dernier n'arrive pas à ce sortir de ce doute : le scepticisme ne serait-il pas alors l'humiliation del'esprit ?
II – Limites positives du doute
a) En effet, et c'est déjà une mise en garde que l'on peut voir chez Descartes dans les Méditations métaphysiques en disant notamment que son doute était méthodique mais surtout hyperbolique et qu'il doit se résoudre dans unsavoir positif au risque sinon de ne devenir qu'un scepticisme.
Le doute doit être provisoire et méthodique : unepropédeutique au vrai.
Il a une fonction épistémologique de discrimination et doit permettre de séparer ce qui relèvede l'opinion et de la certitude : « Or bien que l'utilité d'un doute si général ne paraisse pas d'abord, elle est toutefoisen cela très grande, qu'il nous délivre de toutes sortes de préjugés, et nous prépare un chemin très facile pouraccoutumer l'esprit à nous détacher des sens, et enfin en ce qu'il fait qu'il n'est pas possible que nous puissionsjamais plus douter des choses que nous découvrions par après être véritables.
» L'essentiel est dit : le doute n'estqu'un moment de l'esprit en quête vers le vrai et c'est pour cela que dans la sixième méditation il reviendra sur lecaractère hyperbolique du doute.
Pourtant, n'est-ce pas ici avoir ouvert la boîte de Pandore ?
b) En effet, si Descartes par son doute comme liberté de l'esprit a voulu s'écarter du doute sceptique ne voulant jamais rien n'affirmer dans un sens ou dans l'autre d'où l'idée de balancement propre à l'étymologie du terme mêmede doute.
Il est important de voir que la solution du doute cartésien n'est possible que par l'existence du concept de« certitude ».
Sinon ce doute ne serait pas alors un liberté de l'esprit mais bien son humiliation en tant que signe deson ignorance.
Ou signe du fait que nous savons que nous ne savons pas.
Or pour échapper à ce doute sceptique.
»
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