Le discours rationnel peut-il se passer d'un recours à la persuasion ?
Publié le 06/04/2014
Extrait du document

Si l'on part de l'idée que la fonction prem1ere du discours
rationnel est d'exprimer le vrai, d'en expliciter toutes les déterminations
afin d'en ressaisir les rapports et le fonctionnement,
la nécessité d'un recours à la persuasion ne semble pas avoir
de sens, puisque la question de la communication ne se pose
pas encore. La question de la vérité (ou de la ratio, à la fois
mesure, proportion, et raison d'être du réel) est, originairement,
posée dans son autonomie par rapport aux facteurs psychologiques
d'une communication linguistique. D'ailleurs, de nombreux
philosophes soulignent d'emblée la faiblesse et l'imperfection
du langage humain, marqué d'affectivité et d'empirisme, reflet
plus ou moins trompeur d'une condition humaine précaire, prisonnière
de la particularité et de la contingence. Si le discours
rationnel ainsi envisagé peut être perçu comme étrange, voire
ésotérique, c'est qu'il se situe en rupture avec l'univers des

«
devenue sienne.
En fait, s'il existe plusieurs façons de « mobili ser » un auditeur pour obtenir son assentiment, la persuasion semble se distinguer par une nuance particulière de sollicitation psychologique, d'incitation jouant plus ou moins sur l'affecti vité.
Ainsi, dans le sujet, le recours à la persuasion pourrait s'opposer de façon pertinente au seul recours à la raison, au
seul
discours rationnel.
La différence que présu'1pose le sujet entre les deux termes serait donc explicitée, du moins de façon
générale.
(On peut rappeler, pour préciser une telle différence, le propos de Pascal au début de son opuscule « L 'Art de per
suader» : « lart de persuader a un rapport nécessaire à la manière dont les hommes consentent à ce qu'on leur propose,
et aux conditions des choses qu'on veut faire croire ».) En fait, dans l'utilisation courante du langage, les frontières sémanti ques entre persuader et convaincre sont sans doute beaucoup plus floues.
Platon distinguait, pour sa part, deux types au moins de persuasion : celle qui est produite à l'aide de la
science, celle qui se passe de celle-ci, et produit la croyance « sans la connaissance » (cf.
sur ce point le Gorgias).
En réalité, la question peut-elle avoir un sens si l'on ne pose pas le problème de la visée du discours rationnel, et par conséquent aussi de sa réception ? Pour convaincre un audi teur, peut-on faire léconomie d'une certaine sollicitation de son
attention et négliger totalement ses motivations ? Ici, le vœu
de faire valoir le rationnel et lui seul ne peut totalement extra
der une certaine « psychologie de la communication » - ou
alors il se condamne à l'impuissance -puisque le discours qu'il
suscitera aura toutes les chances de ne pas être entendu.
Une
telle problématique concerne le statut même de l'intervention
philosophique dans «l'usage courant de l'entendement» dont
parle Kant.
Plus généralement, elle pose la question de I' effica
cité d'un énoncé pur et simple du rationnel dans des contextes
où préjugés et valorisations affectives inconsciences font obsta
cle à la recherche de la vérité.
La
démarche de réflexion peut donc s'organiser en explici
tant deux questions complémentaires de la problématique men
tionnée : dans quelles limites le discours rationnel peut-il se suffire à lui-même, et en quoi, par rapport à quel point de vue, peut-il paraître insuffisant ? A quel type de persuasion le dis
cours rationnel peut-il avoir recours sans entrer en contradiction
avec ce qui le distingue ?
96.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Le discours rationnel peut-il se passer d'un recours à la persuasion ?
- LE DISCOURS RATIONNEL PEUT-IL SE PASSER D'UN RECOURS À LA PERSUASION ?
- Le discours rationnel peut-il se passer d'un recours à la persuasion ?
- Le discours rationnel peut-il se passer d'un recours à la persuasion ?
- « Nous n'avons pas besoin de connaître l'auteur pour comprendre et aimer son oeuvre. On peut légitimement se passer de tout recours à ce que l'on sait de l'auteur en dehors de l'oeuvre pour examiner celle-ci. » Françoise Van Rossum-Guyon, Critique du Roman. En prenant appui sur des oeuvres ou des textes que vous connaissez bien, vous direz si vous approuvez ces remarques. ?