Le dialogue abolit-il la violence ?
Publié le 08/04/2005
Extrait du document
- I) Dialoguer, c'est abolir la violence.
- II) Le dialogue n'exclut pas la violence.
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possible, ou plutôt, pour désamorcer le désaccord.Mais comment un dialogue permet-il d'arriver à cette pacification, à cet accord? Permet-il réellementd'arriver au résultat escompté?Le plus souvent, ce à quoi on assiste, c'est que le dialogue se transforme en négociation, et l'accordauquel on arrive, ce n'est jamais qu'un compromis, ce qui n'est pas un accord.
En effet, un compromisconsiste toujours en ce que chacune des deux parties renonce à un peu de ses exigences, en rabatte.Le compromis, c'est le plus souvent, le moyen terme, qui ne satisfait personne pleinement et qui relancele conflit à plus ou moins longue échéance, plutôt qu'il ne l'apaise.
Plutôt que un accord, c'est undésaccord encore plus radical qui en sort.
On pourrait parler d'un faux accord en ce cas.Ce à quoi il faut donc s'efforcer, ce vers quoi il faut tendre dans un dialogue, c'est à une réelleconversion de l'interlocuteur, qu'il adopte à l'issue du dialogue mon opinion à moi, et qu'il en soitconvaincu aussi fermement qu'il l'était de son opinion à lui au début du dialogue.
En ce sens, le seulvéritable accord auquel on arrive par un dialogue, c'est de faire changer d'opinion à son interlocuteur.Pour cela, le meilleur moyen, ce n'est pas d'avoir raison, mais de bien parler.
En effet, cet accord-làn'est jamais obtenu que par des artifices de rhétorique: il s'agit d'être persuasif, plutôt que d'être dans levrai.A la différence de convaincre, où je m'adresse à la raison de mon interlocuteur, lorsque je veux lepersuader, je m'adresse à ses passions, je l'attaque par ses points faibles (s'il est ambitieux, je lui montretout ce qu'il peut gagner à adopter mon point de vue, s'il est obstiné, je commence par faire semblantd'être d'accord avec lui pour l'amener progressivement à rallier mon point de vue...).
La persuasion n'est jamais qu'une ruse, et si elle a le mérite de faciliter l'accord, elle y arrive tropfacilement: l'accord qu'elle extorque ne vaut pas grand chose.
Et on sera bien arrivé à un accord, maisau détriment du dialogue: le dialogue n'est plus qu'une lutte, l'interlocuteur un adversaire.
Tout se passecomme si on était placé devant une alternative: soit on arrive à un accord, soit on dialogue.
Le problème, c'est que même cet accord obtenu par le détour de la persuasion n'a rien de durable.
Ildure aussi longtemps que le charme du discours qui l'aura produit.
On aura bien amené l'autre à changerd'opinion, mais le propre de l'opinion, c'est d'être versatile, changeante.
La vraie difficulté n'est pasd'amener l'autre à changer d'opinion: elle est changeante par nature, il n'y a rien d'autre à faire que delui faire préférer une opinion à celle qu'il a déjà.
La vraie difficulté, c'est de le faire se tenir à cettenouvelle opinion.
[Le dialogue est un outil polémique puisque rien n'interditde prêter à l'un des participants des opinions que l'on veut - critiquer.
C'est un artifice qui permet de venir à bout d'un opposant sans violence apparente.]
Mais tous les dialogues se valent-ils ? Platon oppose la dialectique philosophique, dialogue véritable, àl'éristique des sophistes qui n'en est que le faux-semblant.La première se fonde sur la possibilité d'un accord entre les interlocuteurs et, surtout, elle organise laconfrontation en vue de la recherche sincère de la vérité.
La seconde, au contraire, est polémique et necherche qu'à réduire l'adversaire au silence.
En ce sens, pour Platon, la pratique sophistique du dialogue n'estau fond qu'une forme déguisée de violence.
Le dialogue n'exclut pas nécessairement la violenceSocrate semble quémander son instruction auprès des autres, comme pour devenir leur disciple.
Mais il sepose tout d'un coup comme un maître qui dénonce les fautes.
Son art du dialogue pourrait bien être un art dedissimuler sa supériorité sur l'interlocuteur, une feinte soumission pour mieux le dominer, à la fin, par quelqueruse.
Dialogue et mensonge La rhétorique est la maîtrise du discours persuasif, qui ne se soucie guère de connaître ce dont elle parle.Elle rend l'orateur plus convaincant sur un sujet que celui qui connaît à fond ce sujet, et ferait presqueprendre l'âne pour un cheval.
En ce sens, la rhétorique se confond avec la sophistique.
Le sophiste prétend àun savoir universel ; expert en l'art de rendre habile à parler sur tout, il ne rend pas véritablement savant surtout, mais en donne l'apparence.
La sophistique, comme la rhétorique, est une flatterie, imitation néfaste d'arts utiles fondés sur un véritablesavoir : législation, justice.
La sophistique, comme la rhétorique, veut, sans souci de justice, montrer parlaparole et par l'action le plus d'efficacité dans les affaires de l'État..
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