Le désir n'est-il que l'expression d'un manque ?
Publié le 12/06/2014
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Plan :
I. Thèse : le désir est manque, pauvreté, pénurie, « béance « Ex :
le désir platonicien est manque d'être et s'origine dans le manque.
II. Antithèse plus que manque, le désir est production et
création.
III. Synthèse le désir est manque, dépassement de son manque et,
simultanément, construction.
La conclusion : le désir est une production où je me forge et me
construis.
Introduction
Qu'est-ce, tout d'abord, que le désir ? Il désigne une tension vers un objet que
l'on aimerait posséder, objet que l'on imagine source de satisfaction. Le désir ne se
confond ni avec la volonté, organisation réfléchie de moyens en vue d'une fin, ni avec
le besoin, manque essentiellement matériel alors que le désir est de l'ordre de
l'existentiel et me concerne dans ma réalité profonde. Dans le désir, il semble que je
tende vers quelque « objet « fondamental dont j'ai, en quelque sorte, la nostalgie. Au
contraire, le besoin est un manque, d'essence physique. Que désigne, maintenant, le
terme « expression « ? Exprimer, c'est rendre sensible par un signe. Quant à
l'expression, elle signifie, ici, la manifestation sensible de quelque chose d'autre, de
plus profond, à savoir, dans cet intitulé de sujet, le manque. Ce terme de manque vient
du latin mancus, manchot, défectueux et signifie le défaut, l'absence ou la grave
insuffisance d'une chose nécessaire.
Dans la notion de manque, il y a celle d'une pénurie, d'une rareté, d'une lacune
(inscrite en notre être). Si nous portons également notre attention sur le « ne...que «
qui figure dans l'intitulé, le sujet, dès lors, possède le sens suivant : la tension vers un
objet que l'on aimerait posséder se rattache-t-elle uniquement à l'incomplétude qui est
en nous, n'est-elle que la manifestation d'une détresse fondamentale et s'origine-telle
en elle ?
Le problème est, alors, de savoir si le désir n'est pas, également, créateur et
producteur : n'y a-t-il pas, dans le désir, une production authentique de soi-même
mettant l'existant sur la voie de l'humanité ?
«
douloureuse pé nurie, tension vers l 'objet et creux affectif.
Le désir n 'est donc que le
signe sensible d'une pénurie faisant partie de nous -même, que la manifestation d'une
détresse qui s'identifie à notre existence même.
Exister, c'est être en détresse, c'est
souffrir, c'est être fondamentalement « vide », et le désir témoigne de cette pénible
incomplétude existentielle.
Pour illustrer concrètement cette vision du désir en tant qu'il s'origine dans le
manque, nous pouvons donner l'exemple de l'Eros platonicien, de l'Amo ur du
Banquet .
Et, en effet, dans le Banquet , Platon a fondé la théorie du désir, qui
informe tout notre savoir occidental : le désir n'est point plénitude, mais
incomplétude.
Le père d'« Amour -Désir » est Expédient.
Sa mère est Pauvreté
(Pénia ).
Le célè bre mythe de la naissance d'Eros nous conduit donc bien à souligner
que le désir est, fondamentalement, l'expression , d'un manque.
L'Amour crie misère,
il est en détresse et semble un gueux que jamais la misère ne lâche : « ...il crie
toujours misère, et i l s'en faut qu'il soit tendre et beau, comme on le croit
généralement : il est dur, desséché, il va nu -pieds et n'a pas de maison ; il couche
par terre sans couverture, en plein air, au seuil des fermes et sur les routes ; c'est
qu 'il a la nature de sa mèr e que la misère ne le lâche pas » (Le Banquet) .
Ainsi, le désir ne serait -il pas le manque lucide se connaissant en tant que tel ?
Le désir (et nous ne parlons point seulement ici du désir sexuel) témoigne de cette
incapacité d'être apaisé, rassasié, assou vi, incapacité qui nous caractérise.
Le désir
manifeste cet état de « non -repos » qui est nôtre.
Il ne se confond pas avec
l'inquiétude, mais la manifeste.
On remarquera, d'ailleurs, que le désir paraît, à ce
niveau, non point manque lui -même, mais express ion d'un manque, ce qui n'est pas la
même chose.
Il naît du manque et ne se confond pas avec lui.
Mais cette analyse du désir, pour classique qu'elle soit, ne comporte -t-elle pas
des aspects gênants ? En particulier, ne fait -elle pas du désir une sorte de « maladie »
que l'homme découvre dans son être même ? Rattacher le désir à une incomplétude,
n'est -ce pas le comprendre comme un simple « défaut » de l'homme, cet animal
malade et souffrant ?
Peut -être ce point doit -il être davantage creusé et élucidé, de manière à mieux
approfondir la vérité et l'essence du désir.
II.
Plus que manque, le désir est production
Ne voir dans le désir que l 'expression et la manifestation sensible d'un manque
originel, suscite, en effet, tout un ensemble de critiques dont la plu s manifeste et la
plus évidente vient d'être énoncée : ceci suppose qu'on voit en l'homme un animal
malade, souffrant, inquiet, dont toute l 'existence est une quête inassouvie vers l'objet
et les objets.
Mais on nous rétorquera qu 'après tout, cette descrip tion « classique » est
vraie et légitime, que définir le désir à partir du manque, c'est, tout simplement,
enraciner l'homme dans cette « pathologique » condition qui est sienne.
Tentons, par
conséquent, d'entrevoir quelque autre faille dans le discours de la thèse énoncée plus
haut, thèse originant le désir dans le manque.
Un autre argument semble infiniment plus fondé : chaque fois qu'on origine le
désir dans le manque, ne double -t-on pas notre monde (sensible) d'un autre monde
purement idéal, de type « p latonicien », un univers d'« Essences » ? Et, en effet, si
l'objet fondamental semble toujours au -delà de tout désir, peut -être est -ce parce que
l'objet (essentiel) se situe ailleurs...
Ainsi, en insistant sur un manque où s 'originerait
le désir, on procèd e par opération doublant, de manière platonicienne, notre univers
sensible par des Idées ou Essences.
« ...l'objet manque au désir ; donc le monde ne.
»
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