Le désir est révolutionnaire de G. DELEUZE
Publié le 05/01/2020
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Deleuze montre ici que le désir est créateur, en ce sens qu'il structure des flux d'énergie d'une manière productive, voire « révolutionnaire ». Il critique donc la psychanalyse qui, comme le moralisme qu'elle rejette pourtant, assimile toujours le désir à un manque et le comprend en référence à la maladie.
Contre la psychanalyse nous n’avons dit que deux choses : elle casse toutes les productions de désir, elle écrase toutes les formations d’énoncés. Par là, elle brise l’agencement sur ses deux faces, l’agencement machinique de désir, l’agencement collectif d’énonciation. Le fait est que la psychanalyse parle beaucoup de l’inconscient, elle l’a même découvert. Mais pratiquement, c’est toujours pour le réduire, le détruire, le conjurer. L’inconscient est conçu comme un négatif, c’est l’ennemi. « Wo es war, soll Ich werden. » On a beau traduire : là où c’était, là comme sujet dois-je advenir - c’est encore pire (y compris le « soll », cet étrange « devoir au sens moral »). [...] Des désirs, il y en a toujours trop, pour la psychanalyse : « pervers polymorphe ». On vous apprendra le Manque, la Culture et la Loi. [...]
Nous disons au contraire : l’inconscient, vous ne l’avez pas, vous ne l’avez jamais, ce n’est pas un « c’était » au lieu duquel le « Je » doit advenir. Il faut renverser la formule freudienne. L’inconscient, vous devez le produire. [...] L’inconscient, c’est une substance à fabriquer, à faire couler, un espace social et politique à conquérir. Il n’y a pas de sujet du désir, pas plus que d’objet. Il n’y a pas de sujet d’énonciation. Seuls les flux sont l’objectivité du désir lui-même. Le désir est le système des signes a-signifiants avec lesquels on produit des flux d’inconscient dans un champ social. Pas d’éclosion de désir, en quelque lieu que ce soit, petite famille ou école de quartier, qui ne mette en question les structures établies. Le désir est révolutionnaire parce qu’il veut toujours plus de connexions et d’agencements. Mais la psychanalyse coupe et rabat toutes les connexions, tous les agencements, elle hait le désir, elle hait la politique.
Gilles Deleuze, Dialogues avec Claire Pamet (1995),
Éd. Flammarion, coll. « Champs », 1996, pp. 95-97.

«
POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE
Selon Deleuze, la psychanalyse est considérée à tort
comme une entreprise de libération du désir, alors qu'elle
vise à sa destruction {elle « casse », elle « écrase », elle
«brise», 1.
1-3).
Elle renonce certes à assimiler le désir au
mal, elle veut comprendre plus que juger.
Mais elle pré
tend aussi guérir, comme si le désir devait nécessaire
ment se manifester sous forme de maladies, plus précisé
ment de névroses (1.
1-13).
En ce sens, elle ne fait que
reproduire le schéma classique de la philosophie qui consi
dère le désir comme un manque (1.
13) ou une souffrance
qu'il faudrait combattre : elle n'accepte de découvrir le
désir qu'à condition de le « réduire », de le « détruire », de
le « conjurer » (1.
7).
Il ne faut pas, en réalité, définir le désir par son objet,
mais comme une énergie (un «flux», 1.
20) dont l'orienta
tion n'est pas fixée par avance : le sens du désir ne se
situe pas non plus dans le sujet qui éprouve, mais dans la
série des signes qu'il produit (1.
17-23).
Par exemple, le
désir d'un enfant pour sa mère {modèle de l'inconscient
freudien) ne révèle pas seulement un manque, mais il
remet radicalement en cause la structure rigide de l'inter
dit.
Désirer, c'est provoquer l'apparition d'une nouvelle
configuration dans le rapport que nous établissons avec
les autres.
C'est pourquoi le désir est révolutionnaire
(1.
23-28) : il substitue, dans la violence, une structure à
une autre; il renverse l'ordre établi en posant une nouvelle
valeur..
»
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- Si le désir n'a pas le plaisir pour norme, ce n'est pas au nom d'un Manque intérieur qui serait impossible à combler, mais au contraire en vertu de sa positivité, c'est à dire du plan de consistance qu'il trace au cours de son procès. G. Deleuze, Dialogues, Flammarion. page 120. Commentez cette citation.