Le désir est l'essence de l'homme de B. SPINOZA
Publié le 05/01/2020
Extrait du document
Spinoza montre ici que l'homme est un être de désir qui se définit de façon dynamique par son « effort » pour « persévérer dans l'être », c'est-à-dire pour conserver et accroître sa puissance d'agir. Le désir ne se subordonne pas au bien, c'est lui au contraire qui est créateur de toute valeur pour l'homme.
Chaque chose, autant qu’il est en elle1, s’efforce de persévérer dans son être. [...]
L’effort par lequel chaque chose s’efforce de persévérer dans son être n’est rien en dehors de l’essence actuelle de cette chose. [...] ~
L’Ame, en tant qu’elle a des idées claires et distinctes, et aussi en tant qu’elle a des idées confuses, s’efforce de persévérer dans son être pour une durée indéfinie et a conscience de son effort. [...]
Cet effort, quand il se rapporte à l’Âme seule, est appelé Volonté ; mais, quand il se rapporte à la fois à l’Ame et au Corps, est appelé Appétit-, l’appétit n’est par là rien d’autre que l’essence même de l’homme, de la nature de laquelle suit nécessairement ce qui sert à sa conservation ; et l’homme est ainsi déterminé à le faire. De plus, il n’y a nulle différence entre l’Appétit et le Désir, sinon que le désir se rapporte généralement aux hommes, en tant qu’ils ont conscience de leurs appétits, et peut, pour cette raison, se définir ainsi : le Désir est l’Appétit avec conscience de lui-même. Il est donc établi par tout cela que nous ne nous efforçons à rien, ne voulons, n’appétons et ne désirons aucune chose, parce que nous la jugeons bonne ; mais, au contraire, nous jugeons qu’une chose est bonne parce que nous nous efforçons vers elle, la voulons, appétons et désirons.
Baruch Spinoza, Éthique (1675), in, prop. VI-IX et scolie, Éd. Flammarion, coll. « G.F. », trad. Ch. Appuhn, 1965, pp. 142-145.
«
POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE
Chaque chose fait toujours un « effort » (conatus*) pour
persévérer dans son être, c'est-à-dire produit un effort
existentiel pour se conserver et accroître sa puissance
(1.
1-2).
Elle exprime une partie de la puissance de Dieu et,
en ce sens, n'a rien en elle par quoi elle pourrait être
détruite : rien de ce qui est en elle n'est contre elle, tout y
tend à sa conservatiori et à l'augmentation de sa puissance.
Chaque chose produit cet effort « autant qu'il est en elle »,
c'est-à-dire selon sa puissance d'être, mais ni plus ni moins,
parce que c13t effort qualifie proprement ce qu'elle est, il n'est
rien d'autre que son « essençe actuelle » (1.
3-4), ce qu'elle
est en acte (ce qui existe réellement, par opposition à ce qui
est« en puissance», seulement susceptible d'exister).
Spinoza d~nne une définition dynamique de l'homme
en identifiant son âme et ce désir d'accroître sa puissance
d'agir de façon « indéfinie » (1.
6-8).
Aucune limite tempo
relle ne l'entrave, et la mort vient toujours des causes
extérieures.
Ce désir n'est pas seulement désir de con'ser
vation (puisqu'il s'agit pour chaque être d'accroître sa puis
sance d'agir), ni de possession (puisque la joie qui résulte
de la possession d'un bien se définit comme conscience
d'un accroissement de la puissance intérieure d'exister) :
c'est un désir d'être, non pas de survivre ou de posséder.
Désir, volonté et appétit sont bien la même chose, le
même effort, mais envisagé de points de vue différents
(1.
10-19), de même que le corps et l'âme expriment la
même essence respectivement sous les attributs de l'éten
due et de la pensée.
L'idée d'une volonté libre qui pourrait
venir s'opposèr à l'appétit n'est qu\me illusion puisque tous
deux se rangent sous la dénomination' générale du désir.
E;nfin, puisque l'homme est d'abord un être de désir et
non pas un sujet de la connaissance ou de la morale,
l'essence de l'esprit est d'être désir.
Le désir est coexten
si.f à l'esprit, il est donc toujours conscient, et déterrnine
tout jugement de connaissance ou de valeur (1.
19-23).
Ce
texte illustre le renversement moderne qui consiste à
montrer que c'est le désir qui crée les v1~lleurs, et non la
valeur qui détermine le désir.
Pour les Anciens, le désir .
résulte de l'amour ; pour les Modernes, c'est l'inverse..
»
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