Le désir est il synonyme de manque ou de plénitude?
Publié le 19/12/2005
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- A l’inverse de la tradition, la philosophie spinoziste ne poursuit pas la mort du désir, même sous la forme déguisée de sa rationalisation. Il s’agit de rechercher une connaissance vraie de la nature humaine. Ainsi, selon Spinoza, le désir traverse l’expérience humaine et la constitue comme telle : l’homme est un être de désir, mieux il est l’essence de l’homme, et non la marque de sa misère ou de sa finitude.
- Le désir est la puissance d'agir de l'individu; l'homme est un être concret et dynamique dont toute l'essence est de déployer activement un effort existentiel. “Chaque chose, autant qu’il est en elle, s’efforce de persévérer dans son être”. Point de corps, point d’idée, qui ne résiste à sa propre destruction. Point d’être qui ne soit puissance d’être, force, action, énergie. Nous ne voulons pas mourir. D’où l’effort perpétuel de vivre que Spinoza appelle Conatus, et qui est la vie elle-même, en tant qu’elle s’oppose à la mort (cf : Bichat , “la vie est l’ensemble des fonctions qui résistent à la mort”). Le désir est l’effort de vivre ou la force d’exister, la jouissance indéfinie de l’exister, si rien ne l’empêche. Le conatus ne se réduit pas à la simple survie biologique mais exprime l'essence d'une chose dans toute sa richesse et sa complexité.
- Le désir, selon Spinoza, est donc un mouvement d'affirmation et non souffrance de vivre ou de manquer. Il est l'effort constant pour déployer son existence, c'est-à-dire à la fois la conserver et l'accroître.
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nous les désirons .
C'est le sujet lui-même comme désir qui est à la source de la définition des biens et le fondement des valeurs.
- Exemple de l'habitation : " Quand nous disons que l'habitation fut la cause finale de telle ou telle maison, nous voulons dire exactement ceci : un homme ayant imaginé les avantages de la vie domestique a eu le désir deconstruire une maison " ( Ethique , quatrième partie, préface).
C'est le désir de jouir des commodités d'un abri qui est cause première de l'habitation et non l'inverse.
L'habitation n'est pas une fin en soi mais un moyen au service d'undésir de confort.
Le désir est ici la cause efficiente, celle qui engendre l'effet escompté – la maison.
Dit autrement :l'habitation ne constitue pas un bien en soi qui, en vertu de ses qualités propres, éveillerait nos appétits.
C'estparce que nous désirons nous protéger efficacement que nous allons juger qu'elle est une bonne chose.
- Spinoza invalide donc la thèse d'une objectivité absolue des valeurs .
Les choses ne sont pas bonnes en elles-mêmes mais relativement à notre désir et notre constitution.
Comment se fait-il alors que les hommesintervertissent l'ordre et la connexion des choses et soient intimement persuadés que la représentation d'une finjugée bonne – l'habitation, par exemple – est la cause première du désir.
Il s'agit là d'une illusion due au fait que les hommes ignorent les causes de leurs désirs : "…il sont conscients de leurs actes et de leurs désirs, mais inconscients des causes qui déterminent ceux-ci " (ibid.).
- L'illusion en question est le fruit d'une conscience partielle qui se croit totale .
Les hommes ont conscience de leurs désirs, car ils en ressentent les effets e eux et peuvent naïvement imaginer qu'ils sont produits par des objetsextérieurs attrayants ou repoussants.
Les causes réelles qui les déterminent ne sont pas directement perceptibleset ne se manifestent qu'à travers leurs effets.
Elles peuvent donc être totalement occultées.
Ainsi, comme j'ai bienconscience que je suis désireux d'habiter une maison, et comme j'ai bien conscience que j'agis dans ce but, je puiscroire en toute bonne foi que l'habitation est la cause finale de mon désir.
Je nourris de ce fait l'illusion qu'il existeun objet désirable en soi, qui préexiste à sa réalisation.
En réalité, j'ignore la cause véritable qui détermine mesaspirations et mes actes : je suis en quelque sorte aveuglé par ce que je perçois consciemment, j'oublie que c'est le désir qui m'a poussé à concevoir l'habitation .
- D'où l'idée, au fondement de l'éthique spinoziste, que seule une connaissance vraie de la nature humaine permet de comprendre et régler la pratique de l'homme, au mieux de ses intérêts, c'est-à-dire en recherchant l'utile.Nécessité de comprendre la nécessité du désir et d'en déduire toutes les propriétés.
L'attitude moralistetraditionnelle est irrecevable parce qu'elle oppose ce qui doit être à ce qui est.
En voulant purifier la réalité desimperfections qu'elle recèle, elle indique que la réalité pourrait être ou devrait être autre qu'elle n'est, et elle imagineune nature plus conforme à ses exigences.
Elle sépare le plan du droit de celui du fait, comme si le fait lui-même nerésultait d'aucune loi, d'aucune nécessité.
Vouloir réformer l'humanité, c'est supposer qu'elle aurait pu être autrequ'elle n'est, que nulle nécessité ne préside à son existence actuelle et réelle.
C'est réserver dans la nature,soumise à des lois strictes, une enclave de liberté où les hommes feraient leur loi.
C'est supposer un empire dans unempire.
Freud se souviendra de cette analyse et du mythe d'Aristophane: il reconnaîtra dans le désir, sous le nom de «libido», le moteur de toute notre conduite, forgé dans l'expérience originaire de satisfaction du nourrisson.
Lacanretiendra que le désir, lié à une demande toujours insatisfaite, est constitué d'un manque qui ne peut être comblé..
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