Le désir est-il la marque de la misère de l'homme?
Publié le 07/04/2005
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Dans cette première partie, nous allons donc analyser les aspects positifs que peuvent avoir nos désirs. En effet, les désirs ne sont-ils pas à la source du progrès ? Par ce que l’homme ressent un manque et qu’il tend à le combler, qu’il va se fixer des objectifs qui vont lui permettre de se perfectionner. C’est en désirant la connaissance que les hommes ont élaboré des lois de la physique et c’est en voulant défier la nature qu’ils sont allés sur la Lune. En désirant maîtriser le temps ils ont crées la médecine. Parce que l’homme est dotée de volonté et donc de désir, elle détient le pouvoir de changer les choses et d’arriver à ses fins en se fixant des objectifs.
L’homme, depuis tout temps est doté de désir : désir d’être riche, ou encore d’être immortel, de défier le temps et la nature. Tous les philosophes s’entendent sur le point que les désirs naissent d’un manque au plus profond de son être, et qui tend à être comblé par la satisfaction de ses désirs. Car les désirs sont à l’essence même de l’âme humaine et qu’ils sont la source de la moindre de nos ambitions ; désirer n’est-ce pas être l’esclave de nos appétits ? D’autre part, l’homme désirent-ils réellement pour assouvir ses désirs ou ne veut-il que désirer ? Le désir est-il donc la marque de la misère de l’homme ? Car il ne représente peut-être que le garde-fou de nos peurs, de nos angoisses, un prétexte pour oublier notre condition ? Ainsi, nous allons voir dans un premier temps que les désirs ne sont pas synonymes de la misère humaine pour enfin voir en quoi cela peut-être le cas.
«
fut engendré au jour de naissance de la déesse, et parce qu'il est naturellement amoureux du beau, et qu'Aphroditeest belle.
Étant fils de Poros et de Pénia, l'Amour en a reçu certains caractères en partage.
D'abord il est toujourspauvre ; et loin d'être délicat et beau comme on se l'imagine généralement, il est dur, sec, sans souliers, sansdomicile ; sans avoir jamais d'autre lit que la terre, sans couverture, il dort en plein air, près des portes et dans lesrues ; il tient de sa mère, et l'indigence est son éternelle compagne.
D'un autre côté, suivant le naturel de sonpère, il est toujours à la piste de ce qui est beau et bon ; il est brave, résolu, ardent, excellent chasseur, artisande ruses toujours nouvelles, amateur de science, plein de ressources, passant sa vie à philosopher, habile sorcier,magicien et sophiste.
Il n'est par nature ni immortel ni mortel ; mais dans la même journée, tantôt il est florissant etplein de vie, tant qu'il est dans l'abondance, tantôt il meurt, puis renaît, grâce au naturel qu'il tient de son père.
Cequ'il acquiert lui échappe sans cesse, de sorte qu'il n'est jamais ni dans l'indigence, ni dans l'opulence et qu'il tientde même le milieu entre la science et l'ignorance, et voici pourquoi.
Aucun des dieux ne philosophe et ne désiredevenir savant, car il l'est ; et, en général, si l'on est savant, on ne philosophe pas ; les ignorants non plus nephilosophent pas et ne désirent pas devenir savants ; car l'ignorance a précisément ceci de fâcheux que, n'ayantni beauté, ni bonté, ni science, on s'en croit suffisamment pourvu.
Or, quand on ne croit pas manquer d'une chose,on ne la désire pas.
» Platon, Le Banquet, Discours de Diotime.
De la plénitude perdue
Dans Le Banquet, Platon présente le récit fabuleux suivant : à l'origine, l'humanité comprenait un seul genrede créature, ce que nous pourrions appeler l'androgyne, mixte de mâle et de femelle.
Ces êtres étaient rondsde forme, disposaient de quatre jambes, quatre bras, de flancs circulaires, de deux visages opposés l'un àl'autre sur une même tête ronde, et jouissaient dune force extraordinaire ; leur orgueil immense les poussaientà provoquer les dieux auxquels ils en étaient venus à se comparer.
Zeus décida de mettre un terme à leurindiscipline en les affaiblissant.
Pour ce faire, il les coupa en deux dans le sens de la longueur et chargeaApollon de ramener leur peau sur le ventre (le point de suture qui subsiste est le nombril), ainsi que de tournerleurs visages.
Il s'ensuivit que ces êtres séparés mouraient de chagrin et de malheur, se laissant dépérirauprès de leur moitié distincte.
Pour remédier à ce désastre, Zeus ramena leurs parties génitales qu'ils avaientderrière sur le devant, et ceux-ci purent s'accoupler, soit pour créer un nouvel être unique, soit pours'accorder un plaisir qui leur offrait pour un moment le bonheur de leur union passée, et l'esprit libre, leurpermettait ensuite de vaquer à leurs affaires.Le fond de la nature humaine porterait désormais la trace de cette union ou plénitude originaire, dont le désird'amour serait la nostalgie.
Désirant l'autre, nous visons ce paradis mythique de la fusion, lorsqu'il n'existait niséparation ni différence, mais seule une toute-puissance qui nous plaçait à l'égal des dieux.
Suivant ce mytheplatonicien, l'essence du désir serait un manque d'être, la recherche d'une totalité, à laquelle il nous estimpossible d'accéder, suite à une opération des dieux, sinon par l'expérience fugitive d'une union sexuelle.
Le mythe des Androgynes
Le discours d'Aristophane est doublement placé sous l'égide d'Empédocle : d'abord par sa référence auprincipe selon lequel le semblable désire le semblable, ensuite par la valorisation ontologique de la sphère.
Ilraconte que, à l'origine, les hommes étaient sphériques et possédaient quatre paires de membres.
Ils étaientde trois genres : les uns masculins, les autres féminins, les derniers, enfin, des deux sexes.
Il est donc abusifde parler du mythe des Androgynes, puisque une seule catégorie relève de ce genre.
Leur puissance étaittelle qu'ils décidèrent d'escalader le ciel pour renverser les dieux.
Zeus les punit en les divisant en deux parpeau sur le ventre et fit une couture en lieu et place du nombril, marque toujours située sous nos yeux de lafaute des hommes.
Bien qu'ils aient diminué leur puissance, les dieux tenaient à les garder en vie pour qu'ilscontinuent à les honorer de leurs sacrifices.
Mais voilà qu'ils dépérissent.
Soit que chaque moitié, désespéréede ne pas retrouver sa partie manquante, se laisse mourir, soit que, s'étant retrouvées, les deux moitiés neveulent plus se détacher l'une de l'autre et, ne prenant aucun soin de leur survie, finissent par mourir.
Unefois encore, le comble du désir est de mourir d'amour.
Mais le trait comique est de plus en plus accentué.
EtAristophane nous entraîne dans le carnaval le plus strict —puisque le carnaval a toujours été un moment devictoire de la vie à la faveur d'un mélange de la mort et de la sexualité.
Donc : deuxième opération dechirurgie plastique : Apollon ramène sur le devant le sexe de chaque moitié.
Ainsi est rendue possible lapossession sexuelle, d'où résultent une satisfaction et un apaisement du désir permettant de vaquer auxoccupations nécessaires à la survie.
Ce mythe est, une fois encore, l'occasion de magnifier les amourshomosexuelles et masculines.
Les hommes qui désirent d'autres hommes sont issus d'un être sphériqueentièrement masculin dont le modèle cosmologique est le soleil ; les femmes qui désirent les femmes, d'un êtreentièrement féminin dont le modèle est la terre.
Quant à l'amour hétérosexuel, il est le signe d'uneimperfection ontologique, puisque le fait d'un être originairement mixte, dont le modèle est la lune.La tradition a donc vu dans ce mythe l'expression la plus parfaite du désir, dont le but serait de ne faire qu'unavec l'être aimé et, finalement, de nier la différence sexuelle qui le fonde.
En témoigne, aux xviiie et XIXesiècles, le mythe de l'Ange androgyne présent chez des illuministes, comme Swedenborg, ou dans denombreux récits fantastiques.
Le succès de ce mythe tient aussi à la glorification de la sphère, qui, duSphairos d'Empédocle à la figure géométrique du cercle ou à la forme des planètes, a toujours figuré laperfection d'une sorte de jouissance autarcique.
Le désir ne viserait pas un objet ou un autre, mais soi-mêmedans l'autre.
Il serait donc de nature narcissique, même dans l'hétérosexualité.
Or, à bien y regarder et à bienécouter l'histoire farfelue d'Aristophane, l'accent est plutôt mis sur la coupure, la division, voire la castration,comme origine du désir.
D'où le commentaire de Lacan :Platon a l'air de s'amuser à faire un exercice comique sur sa propre conception du monde, et de l'âme du.
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