Le désir du vrai n’est-il que l’expression d’un sentiment religieux ?
Publié le 01/06/2012
Extrait du document
«
dire rechercher la vérité en vue d’une vie sage et raisonnable.
Philosopher permet, en effet,
qu’acquérir la connaissance de vrais biens, de ceux qui apportent une satisfaction juste à l’individu
comme à la Cité.
Le savoir rationnel permet d’orienter l’action en vue du bonheur sans se laisser
aller par des mirages.
Le désir du vrai apparaît alors comme l’ ex-pression du désir de bonheur .
Mais Socrate va plus loin, plus hautement, plus profondément.
Le désir de la vérité n’est pas
en dernière analyse une simple expression du désir de bonheur, du désir d’Éternité.
Il faut retourner
cette proposition : le désir du vrai est le désir fondamental de l’existence humaine dont le bonheur
n’est que la satisfaction.
Le savoir authentique, la pleine possession du vrai, donne le bonheur
suprême dans la mesure où il comble le désir qui définit notre être essentiel, c’est- à-dire l’âme : le
désir de toute connaissance.
C’est pourquoi la mort ne peut inquiéter Socrate : elle est « un raccourci
qui nous mène au but, puisque tant que nous aurons le corps assoc ié à l’âme dans notre recherché,
nous attiendrions jamais complètement ce que nous désirons, et nous disions que l’objet de nos
désirs, c’est la vérité ».
( Phédon, 66b).
Tout amour , tout désir, est amour , désir du vrai.
Ce désir de connaissance du vrai, P laton
nous montre que c’est lui qui se révèle derrière ce qui a première vue nous paraît en être fort
éloigné : l’amour.
Dans Le Banquet, Socrate observe, en effet, que l’ amour -désir qui ne serait dirigé
que vers la beauté des corps serait vite source de souffrance et de déception ; en revanche, l’amour
peut conduire à la félicité si, par une « dialectique ascendante », nous parvenons à passer de l’amour
des beaux corps à celui des belles âm es et enfin à la contemplation du B eau lui-même .
C’est-à -dire à
ce savoir absolu du fondement de toutes les beautés particulières .
Le Beau en soi qui est l’éclat du
Bien et du Vrai en soi.
Le mouvement ascensionnel , ascendant de l’amour épouse donc exactement
celui d u désir du vrai.
Aussi, chez Platon, le désir du vrai est in fine sentiment du rel igieux dans la
stricte mesure où l’ascension dialectique progressive nous permet de s’élever de la beauté des
choses matérielles à la beauté absolue, qui n’est que « l’illumination de vrai » (Ion ).
Mais l’analyse socratique qui voit dans le désir du vrai le désir fondamental de l’homme,
n’est- t-elle pas victime d’une illusion, ne repose- t-elle pas sur une méconnaissance de ce qui est
réellement le désir existentiel de l’être humain ? Ne prend-il pas en effet ce que le désir croit être
pour ce qu’il n’ est pas ? Tel est le renversement de Nietzsche.
Pour Nietzsche, le désir du vrai e st bien un désir de bonheur, mais il masque le refus d’une
vérité que l’être humain n’a pas la force de renoncer : qu’il y a pas de vérité, puisque la vérité est « le
flux éternelle toutes choses » dans lequel s’abîment toutes les vérités.
Le « vrai », le « savoir » ne
son t que des illusions substituées à d’autres illusions, une surestimation des seules valeurs qui
puissent rendre « heureux » ceux qui, à travers elles, évitent de rencontrer l’insupportable tragédie
du Devenir, de la Vie
Paradoxalement, donc, le désir du vrai masque le désir de ne pas connaître la vérité.
Le désir
du v rai, l’entreprise philosophique toute entière c omme la recherche scientifique apparaissent alors
comme autant de fuites devant la mortelle Vérité.
Ces deux modes de connaissance doivent être
compris comme une quête de « vérités » illusoires, mais utiles puisqu’ils permettent de réconforter
d es hommes malades : ce bonheur par le savoir –illusoire engourdit comme un narcotique..
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