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LE DÉBAT Philosophique de 1940 à 1949 : Histoire

Publié le 08/12/2018

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histoire

La production philosophique des années 1940-1950 n’est pas intelligible hors du mouvement des idées qui occupe le xxe siècle. L’émergence de l’existentialisme jette la philosophie au cœur de l’actualité.

 

Les composantes novatrices de la philosophie du xxc siècle viennent d’une part de la phénoménologie, introduite en France dès 1929 par son fondateur Edmund Husserl, lors de la présentation à Paris de ses Méditations cartésiennes, et de Martin Heidegger dont Être et Temps (Sein und Zeit) paraît en 1927; d'autre part, du renouveau des études hégéliennes et marxistes, auquel contribuent Gyôrgy Lukâcs, Antonio Gramsci, comme Jean Hyppolite et Alexandre Ko-jève. Ces deux composantes (phénoménologie et marxisme) caractérisent la philosophie continentale.

 

A l’opposé, le positivisme logique, qui rompt ostensiblement avec le passé, développe une autoréflexion de la science sur les fondements des mathématiques et sur les procédures de validation des sciences; son texte canonique sera les Principia Mathematica, que Bertrand Russell et Alfred Whitehead achèvent de rédiger en 1913. Dès 1929, le formalisme logique du Cercle de Vienne devient un instrument pour réduire à l’insignifiance toute problématique métaphysique. C’est dans la pensée anglo-saxonne, où il est associé à la recherche linguistique, qu'il prend son essor et évolue peu à peu, sous l’influence de Ludwig Wittgenstein, pour devenir la philosophie analytique.

 

La décennie 1940-1950 est ainsi parcourue par un débat contradictoire entre phénoménologie et marxisme. Contre l’optimisme rationnel que Hegel a légué au marxisme, avec la dialectique de la lutte et du progrès, on assiste, dans la philosophie comme dans la littérature, à un retour du pessimisme que Schopenhauer professa et que Nietzsche transmua en total renversement du sens de l’histoire.

La crise

 

L’événement

 

Une succession écrasante d’événements traverse le xxc siècle et le fracture. Il y aura désormais le monde des certitudes passées, l’avant-1940, et les incertitudes du monde présent, l’après-1950. L’Europe accouche d’une guerre dont le théâtre est le monde, et l’enjeu la suprématie mondiale. Or l’Europe s’impose à l’humanité comme l’agent de son histoire, produit et organe d’une civilisation universelle qui, née de la raison sous le signe des Lumières, s’est donné pour tâche l’émancipation de la puissance humaine et la réalisation de son autonomie. Cette histoire devient celle d’un crime contre l’humanité. Voilà ce qui désormais hante, divise et défie la conscience philosophique.

 

En effet, l’installation dans l’état de guerre mondiale, dès 1914, atteint la conscience occidentale non pas comme l’irruption d’une catastrophe externe ou absurde, mais comme la conséquence de ses contradictions internes et la mise en évidence du risque inhérent à son développement.

 

Symptôme

 

Un renouvellement des études philosophiques est amorcé dès le premier quart du siècle en Allemagne avec Husserl et Heidegger. L’influence que ces penseurs exercent, en France, sur la génération formée entre 1918 et 1939 prend, du fait de la Seconde Guerre mondiale, un tel ascendant qu’elle efface la philosophie française, dont les maîtres disparaissent: Bergson meurt en 1941; Alain, qui recevra en 1951 le Grand Prix national de littérature, s’est depuis 1939 retire de la vie publique. «C’est la guerre qui fit éclater les cadres vieillis de notre pensée. La guerre, l’occupation, la résistance, les années qui suivirent», écrit Sartre dans la Critique de la raison dialectique. Une volonté de changement radical et irréversible canalise aspirations et rejets hétérogènes dans un mouvement dont le succès a valeur de symptôme: l'existentialisme, dont Jean-Paul Sartre livre le manifeste dans L'existentialisme est un humanisme en 1946. Libérant un style de pensée qui est déjà un style de vie, il devient provisoirement le signe de ralliement de ceux qui entendent philosopher encore, mais autrement: littérature, art, politique en annexent l’expression; la philosophie cesse d'être l'instance ultime.

 

Diagnostic philosophique

 

«Les nations européennes sont malades», déclare Husserl dans sa dernière conférence au cercle culturel de Vienne, les 7 et 10 mai 1935, sur «la Philosophie dans la crise de l’humanité européenne». La crise, depuis le début du siècle, est latente. La rationalité, soumise aux remaniements de la pensée logique, mathématique et physique, n’est pas en crise dans son expansion mais dans la validation des formes ou processus auxquels elle se ramène. La philosophie se trouve directement en cause. Pour autant qu’elle concerne les principes de la pensée, cette crise de l’épistémologie est solidairement crise des valeurs morales et politiques.

 

Face à la croissance de la culture technicienne, à la progressive absorption de l'homme dans l'objectivisme scientifique, à la menace impérialiste, qu’actualise le nazisme, l'appel de Husserl retentit comme la conscience de la responsabilité historique du philosophe: «Ou bien l'Europe disparaîtra en se rendant toujours plus étrangère à sa propre signification rationnelle, qui est son sens vital, et sombrera dans la haine de l'esprit et la barbarie ; ou bien l’Europe renaîtra de l’esprit de la philosophie, grâce à un héroïsme de la raison qui surmontera définitivement le naturalisme. Le plus grand péril qui menace l’Europe, c’est la lassitude.» Husserl dénonce l’assimilation de l'homme à l'environnement objectif. «Partout à notre époque se manifeste le besoin pressant d’une compréhension de l’esprit.» C’est cette connaissance de l’esprit que Husserl a entreprise ; la phénoménologie en définit la méthode et les deux «tâches infinies» (entendons inépuisables) : la constitution de l’objectivité dans «l’étagement de ses régions» (le monde) et la constitution de l'intersubjectivité (l'humanité).

 

La neutralité phénoménologique

 

Husserl définit la neutralité du regard philosophique pénétrant l’immédiate conscience que nous avons du monde et de nous-mêmes. La phénoménologie impose, contre le marxisme, une restauration de l’autonomie de la conscience. Le point de départ en fut la découverte par Brentano de l’intentionnalité : la conscience n’est pas une réalité spirituelle, mais «conscience de», acte de visée en fonction duquel se caractérise et s'impose toute présence objective.

 

De la phénoménologie

 

AUX PHILOSOPHIES DE L’EXISTENCE

 

L’analyse de Husserl comporte une ambivalence qui entraîne la division de l’héritage phénoménologique et le passage aux philosophies de l’existence. On pourrait, certes, rattacher leur généalogie à Kierkegaard et Nietzsche : contre Hegel, le premier affirma les droits de la conscience malheureuse et divisée, dénonça («Il ne peut y avoir de système de l'existence») les excès d’un rationalisme oublieux de la chair existentielle qui lui octroie sens et vie. Le second ouvrit la voie, dans le Gai Savoir, à la libre création des valeurs humaines, et seulement humaines.

 

Tout semble désormais graviter autour de l’homme. Mais la décennie 1940-1950 conduit aussi, par nécessité, à s’interroger sur le bien-fondé de «l’humanisme», à méditer sur la barbarie que Simone Weil, dans ses Écrits historiques et politiques, considère «comme un caractère permanent et universel de la nature humaine, qui se développe plus ou moins».

 

Inclassable simone weil

 

Personnalité solitaire et souvent mal comprise, Simone Weil, disparue en 1943 à l’âge de 34 ans, demeure aujourd'hui encore

histoire

« recevra en 195l le Grand Prix national de littérature.

s'est depuis 1939 retiré de la vie publique.

•C'est la guerre qui fit éclater les cadres vieillis de notre pensée.

La guerre, l'occupation, la résistance, les années qui suivirent"· écrit Sartre dans la Critique de la raison di alec· tique.

Une volonté de changement radical et irréversible canalise aspi­ rations et rejets hétérogènes dans un mouvement dont le succès a valeur de symptôme: l'existentialisme, dont Jean-Paul Sartre livre le manifeste dans L'existemialisme est un humanisme en 1946.

Libérant un style de pensée qui est déjà un style de vie, il devient provisoire­ ment le signe de ralliement de ceux qui entendent philosopher encore, mais autrement: littérature, art, politique en annexent l'expression; la philosophie cesse d'être l'instance ultime.

DIAGNOSTIC PHILOSOPHIQUE «Les nations européennes sont malades», déclare Husserl dans sa dernière conférence au cercle culturel de Vienne, les 7 et 10 mai 1935, sur «la Philosophie dans la crise de l'humanité euro­ péenne».

La crise, depuis le début du siècle, est latente.

La rationali­ té, soumise aux remaniements de la pensée logique, mathématique et physique, n'est pas en crise dans son expansion mais dans la validation des formes ou processus auxquels elle se ramène.

La philosophie se trouve directement en cause.

Pour autant qu'elle concerne les prin­ cipes de la pensée, cette crise de l'épistémologie est solidairement crise des valeurs morales et politiques.

Face à la croissance de la culture technicienne, à la progres­ sive absorption de l'homme dans l'objectivisme scientifique, à la me­ nace impérialiste, qu'actualise le nazisme, l'appel de Husserl retentit comme la conscience de la responsabilité historique du philosophe: «Ou bien l'Europe disparaîtra en se rendant toujours plus étrangère à sa propre signification rationnelle, qui est son sens vital, et sombrera dans la haine de l'esprit et la barbarie; ou bien l'Europe renaîtra de l'esprit de la philosophie, grâce à un héroïsme de la raison qui sur­ montera définitivement le naturalisme.

Le plus grand péril qui me­ nace l'Europe, c'est la lassitude.» Husserl dénonce l'assimilation de l'homme à l'environnement objectif.

«Partout à notre époque se ma­ nifeste le besoin pressant d'une compréhension de l'esprit.» C'est cette connaissançe de l'esprit que Husserl a entreprise; la phénomé­ nologie en définit la méthode et les deux «tâches infinies» (entendons inépuisables): la constitution de l'objectivité dans« l'étagement de ses régions» (le monde) et la constitution de l'intersubjectivité (l'humanité).

LA NEUTRALITÉ PHÉNOMÉNOLOGIQUE Husserl définit la neutralité du regard philosophique péné­ trant l'immédiate conscience que nous avons du monde et de nous­ mêmes.

La phénoménologie impose, contre le marxisme, une restau­ ration de l'autonomie de la conscience.

Le point de départ en fut la découverte par Brentano de l'intentionnalité: la conscience n'est pas une réalité spirituelle, mais •conscience de», acte de visée en fonction duquel se caractérise et s'impose toute présence objective.

DE LA PHÉNOMÉNOLOGIE AUX PHILOSOPHIES DE I.:EX IS T EN CE L'analyse de Husserl comporte une ambivalence qui en­ traîne la division de l'héritage phénoménologique et le passage aux philosophies de l'existence.

On pourrait, certes, rattacher leur généa­ logie à Kierkegaard et Nietzsche: contre Hegel, le premier affirma les droits de la conscience malheureuse et divisée, dénonça («Il ne peut y avoir de système de l'existence,.) les excès d'un rationalisme oublieux de la chair existentielle qui lui octroie sens et vie.

Le second ouvrit la voie, dans le Gai Savoir, à la libre création des valeurs humaines, et seulement humaines.

Tout semble désormais graviter autour de l'homme.

Mais la décennie 1940.1950 conduit aussi, par nécessité, à s'interroger sur le bien-fondé de. »

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