Le corps est il un ennemi?
Publié le 12/04/2005
Extrait du document
L’influence judéo-chrétienne a marqué notre société occidentale d’un dualisme qui sépare radicalement le corps de l’esprit. Elle subordonne même le corps à l’esprit, de manière quasiment incontestable, faisant du premier une entrave au second. Cette relation de maître à esclave pose les bases de notre conception du corps. Car même si ce dualisme tend à être réfuté par la science moderne, qui donne une part de plus en plus importante au corps, il demeure cependant bien présent dans les présupposés de notre conscience collective. Notre corps est donc toujours considéré comme la partie inférieure de notre être, puisqu’il est maintenu dans son opposition avec l’esprit. C’est précisément dans le cadre de cette opposition qu’il peut être pensé comme un ennemi. Mais qu’est-ce que le corps porte en lui qui puisse légitimement être le germe de l’hostilité et de la menace pour l’esprit ? Il faudra tout d’abord envisager l’idée que le corps, débordé par l’esprit, soit une gêne pour celui-ci. Ce qui permettra alors de mettre au jour la mauvaise foi dont peut faire preuve l’esprit, et qui pénalise à tort le corps. Bien plutôt, il sera lieu enfin de ré-interroger le postulat de la supériorité de l’esprit sur le corps, afin d’en cerner la pertinence.
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qui a quelque chose "en travers de la gorge").
(Freud) III Le corps a ses raisons que la raison ne connaît pas 1.
L'altérité Le corps est notre première donnée, notre première ouverture sur le monde.
C'est lui et non l'esprit qui nous permet de rentrer en contact et de développer des relations avec d'autres êtres.
(Husserl) Si je me demande comment des corps étrangers comme tels, c'est-à- dire des animaux et d'autres hommes en tant que tels, sont donnés dans monexpérience et comment ils peuvent l'être dans le cadre universel de maperception du monde, alors la réponse est celle-ci : mon corps propre jouedans ce cadre (...) le rôle du corps primordial dont dérive l'expérience de tousles autres corps ; et ainsi je ne cesse d'être pour moi et mon expériencel'homme primordial dont l'expérience de tous les autres hommes dérive sonsens et sa possibilité perceptive (...).La perception d'un corps organique étranger est perception pour autant queje saisisse précisément l'existence de ce corps comme étant immédiatementlà «en personne».
Et de la même façon l'autre homme en tant qu'homme estlà pour moi dans la perception.
J'exprime en effet sa présence perceptiveimmédiate en l'accentuant au maximum en disant justement: ici devant moi setrouve donné en chair et en os un homme.
Ce n'est pas une déduction,quelque pensée médiate qui conduit à la position de la corporéité étrangère etde mon semblable (...).Dans le cas de ce dernier [mon corps propre], nous l'avons vu, le corpsorganique en tant qu'il est un être physique est perçu de manière originairemais aussi l'être psychique qui s'y incarne, et tel qu'il s'incarne.
Ce psychismen'est-il pas le mien propre? Par contre, le corps psychophysique étranger estsans doute perçu dans mon environnement spatial et de façon tout aussioriginaire que le mien ; mais il n'en va pas de même du psychique incarné en lui.
Il n'est pas réellement et proprement donné lui-même mais simplement visé conjointement avec lui parapprésentation.
Je rentre chez moi.
Il est tard.
Je vois un homme dans l'entrée à qui j'adresse un «bonsoir».
Personne ne me répondet je m'aperçois que ce que j'avais pris pour un homme n'était qu'un porte-manteau chargé d'habits.
Descartes nousavait bien dit que seul un échange de paroles pouvait nous donner la certitude de la présence d'autrui.
Husserlreprend cette problématique, mais à un niveau plus primordial: quand j'ai cru reconnaître cet homme dans l'entrée,quelle fut l'opération de conscience qui m'a donné, ne serait-ce qu'un instant, l'évidence d'une présence humaine ?C'est ainsi qu'il examine les présupposés de la perception du corps de l'autre.
Le premier mouvement du texte affirme la primauté absolue de mon corps propre dans le processus d'identificationdu corps de l'autre: je ne peux, dans le domaine de la perception, faire l'expérience d'autres corps que par-ce quemoi-même je suis un corps vivant.
L'expérience de moi-même comme corps constitue donc un principe primordial àpartir duquel je puis affirmer l'existence d'autres corps vivants.La deuxième partie du texte insiste sur le caractère immédiat de cette reconnaissance qui, loin de mettre en jeu desprocessus intellectuels, ne suppose que la présence physique (l'homme « en chair et en os » de Husserl contrel'homme «de parole » de Descartes).Enfin, Husserl indique ce qui constitue la spécificité de la perception d'autrui (de l'autre homme, et pas seulementd'un autre corps vivant).
Ce qui m'est donné absolument et immédiatement (dans la perception de mon propre être),ce sont mon corps et mon « psychisme » (mon monde intérieur).
Dans la perception de l'autre (ce que Husserlappelle son « apprésentation »), son corps physique m'est bien donné immédiatement, mais son psychisme m'estseulement annoncé comme ce qui existe, mais ce à quoi je ne pourrai jamais être présent qu'indirectement: je nepourrai jamais vivre l'intériorité de l'autre. 2.
L'imitation Le geste imité ramène celui qui l'imite à l'émotion qui s'exprimait dans le visage ou dans le corps du premier acteur : c'est ainsi que nous avons appris à nous comprendre, c'est ainsi que l'enfant apprend à comprendre samère.
Un bâillement simulé suscite chez le spectateur un bâillement réel.
(F.
Nietzsche, Humain, trop humain ) 3.
Le savoir de la main La main d'un ouvrier possède un savoir-faire qui est hors d'atteinte pour l'esprit, et ne peut ainsi faire l'objet d'une connaissance rationnelle.
Quiconque possède ce geste en a fait la conquête par lui-même, la raison peut en.
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