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Le contrat social est-il nécessaire pour avoir une société juste ?

Publié le 27/02/2008

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Le contrat social est une théorie politique qui pense l'origine de l'État dans une convention originaire entre les hommes, convention par laquelle ils renoncent à une partie de leur liberté, c'est-à-dire à leurs doits naturels, afin d'être protégés par les lois que l'État lui garantit. Les théories du contrat social posent toutes un état de nature, c'est-à-dire un état qui précède la constitution de l'État, mais qui n'a rien d'historique : ce n'est là qu'une fiction qui a pour principe de montrer à la fois ce qui a pu motiver les hommes à renoncer à une part de leur liberté, et à la fois d'établir quelle est la nature humaine ? par le biais du droit naturel ? afin de montrer quelles doivent être les qualités d'un État. Le contrat, parce qu'il est librement choisi, suppose le consentement de tous à la création de l'État, et la plein conscience de ce à quoi ils renoncent et de ce qu'ils gagnent par ce contrat. Mais on voit que la notion même de consentement est à double tranchant : on peut d'une part la comprendre comme une exigence, au sens où l'organisation sociale doit rester conforme à ce qui a été librement consenti par chacun, et dans ce cas, la justice peut effectivement sembler assurée, dans la mesure où nul n'aurait consenti un contrat qui lui était désavantageux. Mais d'autre part, le consentement peut être ce qui autorise tous les débordements, puisque la soumission a été acceptée une fois pour toute. Une société dont la nature est pensée selon la théorie contractualiste est-elle nécessairement juste ? Et à l'inverse, une société ne peut-elle pas être juste sans contrat social ?

« l'on va constituer un état de nature.

Chez Hobbes par exemple, le pouvoir absolu décrit dans le Léviathan est entièrement justifié par le fait que l'état de nature n'est rien d'autre que laguerre de tous contre tous.

Cette guerre est inévitable, puisque par nature,« l'homme est un loup pour l'homme ».

A cet égard, la priorité même de toutpouvoir est d'empêcher que les hommes ne retombent dans l'état de nature,et par là même, tous les pouvoirs sont confiés au Léviathan.

La justice n'estdonc ni la priorité ni la caractéristique principale de l'État décrit par Hobbes.

B.

De même, les femmes sont absentes du pouvoir politique, et cette mise à l'écart est justifiée par une différence de nature : chez Hobbes, c'estparce que la femme est en position d'infériorité pendant sa grossesse qu'elleest obligée de passer un contrat avec l'homme, afin qu'il lui offre saprotection.

De même, chez Locke, le mariage, même s'il doit être consenti parla femme, n'est que l'occasion pour elle de reconnaître l'homme comme étantle plus fort et le plus capable.

La notion même de justice est donc remise encause, puisqu'aussi bien le pouvoir absolu que l'exclusion des femmes dupouvoir politique peut être justifié par le contrat social.

Or, ces limites nedoivent pas être excusées au nom de simples préjugés d'époque.

Mary Astella par exemple clairement pris Locke à parti dès la publication de son contratsocial en montrant que le statut des femmes, leur infériorité naturelle étaitune véritable limite de la pensée libérale qui menace les fondements même ducontrat social, puisque cette injustice montre que le contrat social n'est paspar nature une garantie d'équité. C.

L'usage qui peut être fait du principe de consentement est également pour le moins ambigu : Hobbes ne dit-il pas que l'homme, parce qu'il peut contracter, peut justement se faire esclave pour la subsistance, la vie, ou lasécurité ? Le contrat social chez Hobbes est en effet un contrat de soumission, et non un contrat d'association :c'est par la soumission de tous à un même chef que l'État prend forme.

Or, il ne s'agit pas ici d'incriminer un auteur,Hobbes, et de faire la part entre les bons et les méchants, mais uniquement de montrer que l'existence d'unepensée contractualiste ne suffit pas à garantir la justice, puisque le contrat social peut également justifier toutessortes d'injustices. Transition : nous avons donc montré que le contrat social ne suffisait pas à rendre une société juste.

Pourtant, on peut à l'inverse se demander si la justice est concevable sans le contrat social. III. La justice peut-elle se concevoir sans contrat social ? A.

Il nous semble qu'un des apports essentiels du contrat social, qui permet de fonder l'idée même de justice, est la nature conventionnelle du pouvoir.

Le contrat montre en effet que le pouvoir n'est pas naturel, mais d'ordresocial, dans une telle théorie, celui qui a le pouvoir et celui qui lui est assujetti ont les mêmes droits.

Si certainesfonctions peuvent sembler privilégiées (l'immunité présidentielle par exemple), cette distinction n'est jamais quemomentanée, elle ne repose pas sur l'idée que le président serait par nature différent de ses sujets, comme c'étaitle cas pour le roi, justement parce que celui-ci tenait son pouvoir de Dieu.

B.

Rousseau, dans Le contrat social montre que le contrat est la meilleure des garanties d'une société juste, puisque le Souverain n'est rien d'autre que la volonté de tous (chapitre 6).

Lesouverain ne peut donc rien faire qui nuise au corps, puisqu'il est ce corps, età l'inverse, rien de ce qui est bon pour le corps ne peut être mauvais pour lesindividus, puisque le corps lui-même est l'ensemble des individus.

L'idée decontrat social, par l'équation qu'elle pose entre le corps politique et le pouvoirpeut donc être interprétée comme l'expression privilégiée de la justice.

C.

Rawls, dans sa Théorie de la justice , publiée en 1971, utilise justement l'idée de contrat social pour penser la justice.

Pour lui, c'est par le « voile del'ignorance » que nous pouvons comprendre nos conceptions de la justice.Selon ce voile de l'ignorance, on peut faire abstraction des intérêtsparticuliers pour se traiter mutuellement comme des êtres libres et égaux.Rawls dérive donc d'une morale préexistante, celle des hommes qui sont sousle voile d'ignorance : si j'ignore ma place dans la société, j'ai tout intérêt parexemple à maximiser le revenu des plus défavorisés.

Rawls pense qu'enmanière politique, nous sommes toujours tentés de juger les théories enfonction des avantages personnels que leur application procurerait.

Il fautdonc imaginer une position originelle d'ignorance où chacun ignorera saposition dans la société (patron ou ouvrier, actif ou inactif par exemple) etmême leurs aptitudes naturelles, les circonstances particulière de sa propresociété, c'est-à-dire son niveau économique et culture, son régime politique.Le voile d'ignorance contribue donc à établir une égalité de tous devant lechoix d'un régime politique, afin que, là encore, le bien commun prime surl'intérêt particulier.. »

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