Le concept de Dieu
Publié le 14/08/2014
Extrait du document
Si, dans la nature, l'esprit paraît séparé de lui-même, et semble ne pouvoir parvenir à se poser à titre de totalité, ne peut-on attribuer cet échec apparent à l'insuffisance de notre connaissance, à la limitation de notre point de vue? Certains voient en effet dans l'ordre de la nature le signe de l'esprit qui la gouvernerait entièrement, déclarent que l'existence du monde est issue de l'esprit, soutiennent enfin que l'esprit est réalité suprême, unique, infinie. Ainsi, la pensée s'élève à Dieu, affirme que les valeurs que pose l'esprit sont fondées dans l'être. Mais Dieu ne saurait, à strictement parler, être prouvé. Seule est donnée la nature, où l'esprit doit lutter, peut craindre des défaites. Par la croyance en Dieu, l'esprit prétend qu'il parviendra un jour à se rejoindre lui-même, et qu'il sera totalité. Mais il sort ainsi du monde donné, Il suppose un autre monde. Dieu est objet de foi, et non de connaissance.
L'esprit, nous l'avons vu, se heurte à l'objet, qui résiste à sa connaissance, il ne se saisit lui-même qu'en des consciences séparées et multiples, il doit lutter sans cesse pour imposer au monde ses valeurs. Et pourtant il sent en lui, s'opposant à cette limitation de fait, une infinité de droit — aussi tend-il à croire qu'à cette infinité de droit répond une infinité réelle, que seule sa présente condition l'empêche d'atteindre. Il fait appel à Dieu. Du reste, l'appel à Dieu, s'il est toujours un appel de notre conscience, n'est pas toujours un appel de notre raison : c'est parfois notre moi affectif et sensible qui tend à se poser comme totalité : l'idée de Dieu se présente donc sous des formes diverses : Dieu est tantôt l'être que l'on prie, tantôt l'architecte du monde, tantôt sa cause, tantôt la réalité suprême, tantôt la source des valeurs.
A. — Le Dieu que l'on prie
Pour la plupart des hommes, Dieu est un «être personnel, supérieur à l'humanité, qui donne des ordres et fait des promesses, auquel on adresse des prières et qui les exauce« (L AL ANDE).
a) Prise en ce sens, l'idée de Dieu se présente d'abord comme celle d'un être allié ou protecteur d'un groupe social ou d'une race. Aussi les sociologues ont-ils voulu expliquer l'idée de Dieu par des facteurs sociaux (pour DURKHEIM, cette idée dérive de l'idée du sacré, et celle-ci de la représentation de la société elle-même et de sa puissance). Il semble pourtant que l'origine de l'idée de Dieu soit plus complexe et qu'il faille, pour en rendre compte, faire intervenir des facteurs pratiques ou affectifs.
b) Dieu est en effet souvent considéré comme l'être qui dirige le cours des événements et qui, par conséquent, est susceptible de le modifier. (On peut supposer un Dieu derrière chaque force naturelle : ce que fit le polythéisme antique, mais la pensée moderne a évolué vers le monothéisme.) L'homme se sent impuissant devant le monde : aussi s'adresse-t-il à Dieu pour lui demander de l'aider en ses entreprises, de produire les événements qu'il désire, de le protéger contre les dangers qui le menacent, etc.
c) Mais ce n'est pas seulement comme à un être pouvant l'aider dans la réalisation pratique de ses désirs que l'homme fait appel à Dieu : isolé au sein d'une nature qui l'ignore, entouré de gens indifférents à son sort, l'homme a besoin de croire qu'il existe un être qui l'aime et demeure avec lui, même dans la solitude. Cette conception, qui a été surtout répandue par le christianisme, est celle du Dieu père, du Dieu aimant, voire du Dieu amant des mystiques.
L'homme, on le voit, affirme d'abord l'existence de Dieu au nom de ses sentiments, de ses besoins affectifs. Il semble que le philosophe ne puisse considérer une telle démarche comme valable, puisqu'elle émane d'un mécanisme passionnel. Certains penseurs, pourtant, ont invoqué à l'appui de leur croyance en l'existence de Dieu cette sorte d'expérience intérieure. C'est le cas de MAINE DE BIRAN, c'est celui de M. LE ROY, qui veut tirer des thèses bergsoniennes une preuve intuitive de l'existence de Dieu. En un sens analogue, mais en s'appuyant sur la conception spéciale qu'il se fait de la vérité (il définit celle-ci par l'efficacité), W. JAMES déclare que l'expérience religieuse, nous fortifiant et nous réconfortant, doit, par là même,
être considérée comme valable. L'idée de Dieu nous est utile, elle est donc vraie.
Et sans doute l'idée d'un Dieu puissant et aimant peut-elle être objet de foi. Mais elle ne saurait être rationnellement fondée et, pour le philosophe, les raisons du coeur ne sont pas des raisons. Les religions, du reste, sont d'accord sur ce point avec la philosophie. Ainsi le christianisme, pour établir l'existence d'un Dieu père, invoque la révélation et fait appel à la foi. Le «Dieu d'Abraam, d'Isaac et de Jacob « n'est pas, selon le mot de PASCAL, celui «des philosophes et des savants «.
B. — Le Dieu architecte
Mais l'existence de Dieu est souvent affirmée au nom d'exigences rationnelles. C'est ainsi que la pensée, constatant qu'il y a dans le monde un ordre analogue à celui de l'esprit, est conduite à affirmer que le monde, portant la marque de l'esprit, a été organisé par l'Esprit. L'ordre qui règne dans le monde doit avoir un principe : ce principe est Dieu.
a) Chez PLATON, on trouve l'idée du Dieu démiurge. Ce Dieu n'est pas infini (pour les anciens, du reste, la perfection consiste, non dans l'infinité, mais dans la mesure, la détermination, l'harmonie). Il organise le monde selon les Idées. Il est une force d'ordre luttant contre le désordre, la matière lui étant extérieure et co-éternelle.
«
DIEU 69
une infinité réelle, que seule sa présente condition l'em
pêche d'atteindre.
Il fait appel
à Dieu.
Du reste, l'appel à
Dieu, s'il est toujours un appel de notre conscience, n'est
pas toujours
un appel de notre raison: c'est parfois notre
moi affectif et sensible qui tend
à se poser comme tota
lité: l'idée de Dieu se présente donc sous des formes
diverses: Dieu est tantôt l'être que l'on prie, tantôt l'ar
chitecte du monde, tantôt
sa cause, tantôt la réalité
suprême, tantôt
la source des valeurs.
A.
-Le Dieu que l'on prie
Pour la plupart des hommes, Dieu est un «être personnel,
supérieur à l'humanité, qui donne des ordres et fait des pro
messes, auquel on adresse des prières et qui les exauce»
(LALANDE).
a) Prise en ce sens, l'idée de Dieu se présente d'abord
comme celle
d'un être allié ou protecteur d'un groupe
social ou d'une race.
Aussi les sociologues ont-ils voulu
expliquer l'idée de Dieu par des facteurs sociaux (pour
DURKHEIM, cette idée dérive de l'idée du sacré, et celle
ci de la représentation de la société elle-même et de sa
puissance).
Il semble pourtant que l'origine de l'idée de
Dieu soit plus complexe et qu'il faille, pour en rendre
compte, faire intervenir des facteurs pratiques ou affectifs.
b) Dieu est en effet souvent considéré comme l'être qui
dirige
le cours des événements et qui, par conséquent, est.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Il nous faut bien un concept de Dieu
- Le concept de DIEU en philosophie ?
- Quel concept de Dieu après Auschwitz ?
- HANS JONAS : LE CONCEPT DE DIEU APRES AUSCHWITZ (Résumé & Analyse)
- « L'existentialisme athée [...] déclare que si Dieu n'existe pas, il y a au moins un être chez qui l'existence précède l'essence, un être qui existe avant de pouvoir être défini par aucun concept et que cet être c'est l'homme. » Sartre, L'existentialisme est un humanisme, 1946. Commentez cette citation.