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Le civisme est il une valeur dépassée ?

Publié le 13/03/2009

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Le civisme est il une valeur dépassée

C'est à une notion ambiguë qu'à affaire la philosophie lorsqu'elle aborde le civisme. Pourtant rien ne semble plus adéquat à l'homme que cette dernière au regard de l'adage aristotélicien qui voyait en ce dernier un « animal politique «. Le civisme serait alors la manifestation concrète d'une nature humaine profondément citoyenne (« politique « vient du grec « polís « signifiant cité). L'humain reconnaît, en ce sens, sa responsabilité (morale, politique, sociale) envers l'espace public (et son autorité) dans lequel il intervient. Le sujet ici présent contient en outre un présupposé que le philosophe ne manquera pas d'interroger avec grand intérêt : le civisme serait une valeur... dépassée. C'est certes en termes philosophiques, politiques et moraux que se pose la question de la citoyenneté exemplaire (Platon parlait de « l'homme beau et bon «,« kaloskagathos «, et fait l' Apologie de Socrate). Parler d'exemple de civisme, c'est-à-dire d'une volonté individuelle exemplaire de servir les lois, les règles, les normes qui régissent son espace socio-politique, c'est en même temps, implicitement mais fatalement reconnaître son contraire (en le supposant, même !) : l'action incivique (mauvaise volonté ou absence de volonté civique), voire anticivique (volonté de nuire au modèle dominant de citoyenneté).

Un regard sur notre actualité intensifie encore un peu plus notre doute. En effet, elle présente un paradoxe redoutable. D'une part nul ne peut contester cette empreinte politique que pose l'humain dans l'histoire et qui s'accentue à mesure des actuels « chantiers « géopolitiques (Europe, mondialisation). Malgré cela une chose frappe l'esprit par la contradiction qu'elle apporte : l'individualisme ambiant, sorte d'affirmation du caractère inaliénable et absolument libre de l'individu, est cela même qui contredit l'idée même du civisme. En effet, comment peut-on concilier cette idée – moderne – d'une liberté individuelle inaliénable avec ce sens du devoir citoyen (héritage de la pensée grecque antique) ? Remarquons, en outre, que cette volonté de (ré)éducation civique qui battait déjà son plein en France dans les années 80, réapparaît aujourd'hui comme pour signifier une mise en danger d'une valeur morale et politique traditionnelle.

En d'autres termes, le civisme est-il une valeur ? Si oui celle-ci est-elle devenue obsolète ?

  • Un premier moment sera l'occasion de s'interroger sur les origines et la nature même du civisme.

  • Nous en viendrons enfin à déterminer la nature et les raisons d'une actuelle crise « citoyenne «.

« sera pour l'Allemand la volonté (bonne ou mauvaise).

Tout dépendra donc de la nature puisque l'homme ne décidepas du caractère bon ou mauvais de sa volonté (Cf.

Fondements de la métaphysique des moeurs ).

Le devoir de servir l'intérêt public est donc englobé et déterminé par la morale.

Mais alors une question redoutable se pose :pourquoi et en quoi l'intégration sociale vaudrait mieux que l'autonomie et l'égoïsme ? II.

Une valeur fragile Cet égoïsme, cette affirmation d'autonomie et d'indépendance individuelle est bien le fait de notre héritage moderne.L'individualisme ambiant, se réclamant de Descartes (souvent abusivement !), semble être le tombeau des valeurspolitiques et morales poursuivies par ce sens civique.

La contestation et la révolte populaire furent même prescritesmoralement par Kant, contre tout régime inique ou despotique.

Le peuple ne peut pas se révolter contre lestyrannies politiques, il le doit ! Cette contradiction provient du caractère essentiellement moral du devoir civiquechez Kant.

Le civisme suppose un retrait du citoyen qui affirme son autonomie par rapport à l'État mais qui, enmême temps, le sert.

J'accepte la règle de l'État et je m'y soumets, mais c'est en vertu d'une décision qui pourrait,à bon droit, être inverse.

En ce sens, le civisme ne parvient pas à s'affirmer sans ouvrir le champ à un anticivismelégitime: on parlerait à bon droit de l'anticivisme d'Antigone, et le terroriste, s'il y songeait, invoquerait comme elledes lois non écrites.

Le civisme implique donc son contraire, ce qui n'entraîne pas une contradiction formelle maissuppose un champ de complémentarité, complexe, hérissé de paradoxes, où l'orientation pratique risque de serévéler difficile. C'est alors la question de la possible coexistence d'une définition positiviste du devoir citoyen avec celle morale quise pose : comment des déterminations positives peuvent-elles être affirmées (affirmer que le civisme dépend descirconstances et des facteurs événementiels) tout en se soumettant à des jugements de préférences morales ? Cesconsidérations ne font qu'accentuer la problématique délicate du rapport de l'individu et de la société.

L'incertitudemorale dérive en effet bizarrement du flou sociologique.

Le civisme semble appeler à des relations (obéissance,solidarité) qui évoquent un certain niveau d'intégration sociale sur le mode politique.

Mais, en même temps, le termesuppose une anomie assez large, de sorte qu'il pourrait désigner la nostalgie ou la valorisation d'une intégration endéclin ou en déficit.

Alors la question se pose: en quoi et comment un concept positif, scientifique est-il habilité àassumer une fonction axiologique ? Cet acte de décision volontaire et individuelle n'est pas imaginable, en Grèce antique, dans le cadre d'un État-cité.Platon récuse cet espace libre ou viendrait s'interposer le jeu d'une décision individuelle libre et autonome : « ...entre un homme juste et un État juste, il ne doit y avoir aucune différence quant à la forme même de la justice,mais bien ressemblance » ( La République , IV, 435 a-b).

parler de valeur citoyenne, de sens civique, c'est d'ores-et- déjà se positionner dans le cadre moderne et contemporain de la pensée et de l'histoire politique et démocratiqueétrangement teintée d'un individualisme fort. Mais plus, c'est le statut même de valeur ou de concept scientifique, conféré de manière dualiste au civisme qui estcontestable.

En réalité, personne ne s'est jamais demandé quelle serait la nature de la représentation que nousnommons civisme.

« Civisme » ne peut signifier un concept scientifique.

En effet, le retrait individuel postulé par lasociété démocratico-libérale ne constitue qu'une condition nécessaire et non suffisante de l'apparition d'un civisme.On peut juger avec les anarchistes que l'anomie politique tend à s'étendre et à détruire tout contrôle étatique, maisaussi bien qu'une ré-intégration est possible et souhaitable.

On ne constate rien dans l'histoire qui contrôle lepremier terme de la disjonction.

Le second enveloppe un jugement de valeur, non scientifique, que la littératureparénétique de Georges Bastide admet pour s'en nourrir, mais sans le justifier.

« Civisme » ne signifie pas une idéemorale.

En effet, le civisme n'est pas une valeur; il pourrait consister dans la mise en œuvre d'une valeur, c'est-à-dire être une vertu.

Posons le contrat social qui apporte à l'homme son humanité même: « Ce passage de l'état denature à l'état civil produit dans l'homme un changement très remarquable en substituant dans sa conduite la justiceà l'instinct, et donnant à ses actions la moralité qui leur manquait auparavant [...]; il devrait bénir sans cessel'instant heureux qui [...], d'un animal stupide et borné, fit un être intelligent et un homme » (Rousseau, Du contrat social , I, VIII).

Il semble donc que le pacte doit être infiniment respectable: “N'étant rien que par [la République, les hommes] ne seront rien que pour elle; elle aura tout ce qu'ils ont et sera tout ce qu'ils sont” ( Du bonheur public ). Mais attention! « Si le sentiment du bien-être n'est chez personne, il n'est rien, et la famille n'est point florissantequand les enfants ne prospèrent pas ».

Or la domination ne va pas de soi, car: « L'homme [...] est un être tropnoble pour devoir servir simplement d'instrument à d'autres, et l'on ne doit point l'employer à ce qui leur convientsans consulter aussi ce qui convient à lui-même » ( La Nouvelle Héloïse , V, II).

La place paraît faite pour le civisme que, cependant, Rousseau ne nommera jamais.

C'est que toute vertu s'enracine dans l'amour de soi et doit avoirpour fin le bonheur de l'homme: « tout homme veut être heureux » ( Du bonheur public ).

Or « il n'y a aucun gouvernement qui puisse forcer les citoyens de vivre heureux, le meilleur est celui qui les met en état de l'être s'ilssont raisonnables ».

Dans ces conditions, on peut bien dénoncer une sorte d'incivisme, qu'on appelle égoïsme:« Quand nul ne veut être heureux que pour lui il n'y a point de bonheur pour la patrie ».

Mais il serait absurde denommer en contrepartie une vertu positive qui se ramènerait pour le mieux à un conformisme extérieur, comme celuides classes dirigeantes de l'Angleterre victorienne.

Au contraire, tout en louant sans cesse l'éducation spartiate,Rousseau se préoccupe de garantir la liberté en ménageant des espaces de marginalité ou d'anomie: « En effetchaque individu peut comme homme avoir une volonté particulière contraire ou dissemblable à la volonté généralequ'il a comme citoyen » ( Du contrat social , I, VII). Conclusion. »

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