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Le chaos du monde corrigé

Publié le 23/02/2023

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« Le chaos du monde Introduction Parler d'un chaos du monde va-t-il de soi ? Si l'on part de l'origine mythologique du monde, celle-ci pourrait certes correspondre à un chaos.

Par exemple, dans la Genèse (1 : 1-31 et 2 : 1-4), le chaos est premier et antérieur au monde que Dieu précisément objecte à ce premier chaos.

Dieu, en créant le monde, sépare d'un geste vigoureux si l'on en croit Michel-Ange au plafond de la Chapelle Sixtine, la lumière des ténèbres, il fait apparaîte le soir et le matin, il sépare le jour et la nuit, le soleil et la lune.

De ce point de vue, le chaos, comme indistinction et mélange de toutes choses avant leur mise en ordre, avant leur séparation, serait extérieur, en l'occurrence antérieur au monde.

Le monde, par définition, démélangerait ce que le chaos, qui ne serait donc pas inhérent au monde lui-même, avait d'emblée amalgamé en un immense et indistinct gruau. Le monde au contraire "déchaoïse" si l'on peut dire, donc il fait naître un monde en instaurant de l'ordre, c'est-à-dire en séparant ce que la chaos avait toujours déjà mêlé : le plein et le vide, les vivants et l'inanimé, la matière et l'espace, l'âme et le corps, l'air et les eaux, l'air et la terre, la terre et les eaux, les plantes et les bêtes, l'humain et le non-humain... Mais le chaos pourrait tout aussi bien ne pas être qu'au début du monde, soit avant lui.

Il pourrait être aussi à la sortie ou à la fin du monde - donc derechef pas dans le monde. D'un point de vue scientifique maintenant, en considérant les spéculations de certains astrophysiciens sur les conséquences de l'origine de l'univers, c'est-à-dire du big bang, l'on est amené à considérer le temps total de l'univers à partir de son autre extrémité : non pas à partir du commencement mais à partir de la fin des temps, laquelle suivrait, probablement beaucoup plus tardivement une autre fin, celle du monde humain, qui se produirait bien avant.

Or ce que prévoient les conséquences spéculatives de l'expansion universelle en conséquence du big bang originel, c'est qu'une dispersion universelle étant à l'œuvre cette entropie l'emportera lorsqu'un maximum sera atteint (en négligeant dans ce cas les spéculations qui envisagent un big crunch, un retour au big bang initial).

Faut-il alors faire de l'état final de dispersion maximale, du moment à partir duquel tout se fige et se refroidit dans l'univers, l'image d'un chaos figé qui ne serait pas du monde mais post-monde (mais définitif) ? Là-contre, l'expression chaos du monde pourrait avoir un certain sens.

Plus proche de nous que ne l'est l'origine ou la fin des temps, plaçons nous dans le monde humain.

Pour évoquer le monde aristocratique ancien qui s'effondre à l'époque de la révolution garibaldienne en Italie à la fin du XIXème siècle, Luchino Visconti met en scène, dans Le guépard (1963), un chaos qui serait intérieur au mariage entre l'ancien monde aristocratique (partiellement incarné par Tancrède, joué par Alain Delon, neveu du Prince de Salina, un Prince de Sicile joué par Burt Lancaster) avec le nouveau monde bourgeois, moins éduqué mais qui monte en puissance (monde incarné par Angelica Sedara jouée par Claudia Cardinale, fille de Don Calogero Sedara, maire de la petite ville de Donnafugata où se trouve la résidence d'été du Prince de Salina).

Le chaos arrive ici non pas tant par des épisodes de guerre mettant en scène la révolution garibaldienne, qu'au beau milieu du monde humain le plus feutré, dans un salon du Prince, par un certain rire de la jeune femme lors d'un déjeuner d'élégance.

En fait de mariage à venir, par un rire incroyablement persistant, Angelica scèle en réalité - sans même s'en rendre compte : elle ne sait pas ce qu'elle fait en riant ainsi, assez vulgairement -, 1 la mort de l'ancien monde qu'elle achève plutôt qu'elle ne l'épouse.

Par ce rire que personne n'arrête, pas même Tancrède, la bourgeoisie, plus grossière que la vieille aristocratie, prend le pouvoir sur elle au moment même où celle-ci croyait pouvoir se survivre en faisant un beau mariage avec le nouveau monde des bourgeois.

Mais en riant, Angelica rend totalement instable l'avenir de ceux qui croyaient assurer la prolongation de leur monde. Donc au fond par le rire et par le fond du rire, l'on comprendrait depuis l'humain que le chaos menacerait le monde plus intérieurement que ne le dit la Bible ou l'astrophysique.

Le chaos serait alors, en effet, le chaos du monde, celui qui le déferait plutôt qu'il ne participerait joyeusement à sa construction ou à sa relance, à son redémarrage en contexte critique (en l'occurrence révolutionnaire dans le cas du Guépard).

Au contraire, dans le rire et par le rire au fond diabolique, il y aurait un principe de destruction interne au monde luimême. En riant à la face d'une humanité sidérée, en riant méchamment - autre exemple - à l'adresse du roi Midas représentant là aussi le monde humain (mais comme monde des œuvres qui se transmettent par-delà la finitude de leur auteur), Silène, l'ami de Dionysos, déferait à la base toute tentative humaine de construction : il n'y aurait qu'à ne pas naître ou alors à disparaître au plus vite, dit le § 3 de La naissance de la tragédie de Nietzsche.

Or ce rire de Silène, qui amène cette instabilité au cœur du monde humain, n'est pas le fait d'un dieu ou d'un diable transcendant, il est bel et bien dionysiaque, il émane du dieu de la vie, de l'exubérance vitale, de l'équivalent grec du Bacchus romain.

Et de toute façon, Dionysos, comme tous les dieux grecs, est dans le monde.

Dionysos en révèlerait alors le principe ultimement et internement chaotique. Nous avons donc notre problème : le monde a-t-il affaire de l'intérieur ou de l'extérieur au chaos ? Le monde s'y oppose-t-il vraiment ou y a-t-il affaire de façon plus sournoise ? Se construit-il agoniquement par rapport au chaos - qui toutefois demeurerait son autre ? Et en est-il de même avec le chaos ? Peut-on véritablement parler d'un chaos du monde ? Ou fautil voir dans le chaos seulement le déclin, voire la fin du monde devenu ce qu'il n'est pas ? Y at-il, au contraire, une antériorité voire une prééminence du chaos sur le monde ? Bref, chaos et monde sont-ils à l'échelle du monde physique ce que sont les opposés mort-vie dans le contexte biologique ? Le chaos s'oppose-t-il au monde comme la mort à la vie ? Mais la mort s'oppose-t-elle, justement, de l'extérieur à la vie ? Et, du reste, ne fait-elle que s'opposer à la vie ? I Il n'y a pas de chaos du monde 1) La volonté de l'homme moderne exclut le chaos en exigeant que le monde soit en ordre même lorsque ce n'est pas évident Il faut évacuer le chaos hors du monde, par la volonté s'il le faut, si l'on ne peut complètement exclure qu'il puisse en fait ou en droit en rester tout de même un peu quelque part...

Donc, décidons que le chaos se situe en dehors du possible.

Mettons nos actions et nos connaissances à l'abri d'un principe de déstabilisation interne.

Considérons, en bon ingénieur de la philosophie, que les idées comme les êtres sont réductibles à du simple. C'est ce que propose Descartes en énonçant ses quatre règles de la méthode dans la deuxième partie de son Discours de la Méthode, dans sa troisième règle, et dans le paragraphe qui suit l'énoncé de ces règles. 2 L'ordre passe des idées au monde extra-humain.

L'ordre est dans les raisonnements d'inspiration mathématique (spontanément ordonnés) qu'il faut produire.

Donc pas de place pour le chaos dans la connaissance, de ce point de vue.

Mais qu'en est-il du monde, du chaos du monde ? - Il n'a pas davantage droit de cité.

L'ordre qui exclut le chaos hors du possible vaut pour la connaissance et il vaut pour tous les objets et les êtres du monde.

L'ordre repose sur la simplicité de ce qui est incontestablement donné et sur la consécution, le principe de l'avant et de l'après, de la cause et de l'effet.

De ce point de vue, qui est le seul qu'il faut retenir, tout est simple au fond, et tout se suit simplement dans le monde comme dans l'ordre des idées à connaître.

Et tout peut servir à recomposer une complexité qui se retrouve alors recomplexifiée simplement, recréant une complexité devenue elle-même finalement accessible et, d'une certaine manière, simple.

Ce qui s'oppose au chaos c'est ce qui, dans l'ordre des idées qui dicterait l'ordre qu'il convient de supposer dans le monde, se donne dans l'évidence et la distinction.

Ce qui est là, donné dans l'évidence, n'est pas instable ou incertain ou flou.

Et cela ne se mêle pas non plus à quelque chose de voisin.

L'huile et l'eau se refusent l'une à l'autre, on le voit bien.

Ce qui est donné incontestablement et ce qui n'est pas mélangé, voilà l'ordre en tant qu'il.... »

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