Le Bonheur selon Schopenhauer
Publié le 02/02/2014
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« Seules [...] la douleur et la privation peuvent produire une impression positive et par là se dénoncer d’elles-mêmes : le bien-être, au contraire, n'est que pure négation. Aussi, n'apprécions-nous pas les trois plus grands biens de la vie, la santé, la jeunesse et la liberté, tant que nous les possédons ; pour en comprendre la valeur, il faut que nous les ayons perdus, car ils sont aussi négatifs. Que notre vie était heureuse, c'est ce dont nous ne nous apercevons qu'au moment où ces jours heureux ont fait place à des jours malheureux. Autant les jouissances augmentent, autant diminue l'aptitude à les goûter : le plaisir devenu habitude n'est plus éprouvé comme tel. Mais par là même grandit la faculté de ressentir la souffrance ; car la disparition d'un plaisir habituel cause une impression douloureuse. Ainsi la possession accroît la mesure de nos besoins, et du même coup la capacité de ressentir la douleur. Le cours des heures est d'autant plus rapide qu'elles sont plus agréables, d'autant plus lent qu'elles sont plus pénibles ; car le chagrin, et non le plaisir, est l'élément positif, dont la présence se fait remarquer. De même nous avons conscience du temps dans les moments d'ennui, non dans les instants agréables. Ces deux faits prouvent que la partie la plus heureuse de notre existence est celle où nous la sentons le moins ; d'où il suit qu'il vaudrait mieux pour nous ne la pas posséder. «
Arthur Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation
En quoi consiste la réalité du bonheur ? Le bonheur est présenté ordinairement comme la fin de la vie humaine, sa finalité. A priori, on se représente le bonheur sous la forme d’un sentiment de satisfaction durable. Il est alors une valeur, pour ne pas dire la valeur de toutes les valeurs. Le bonheur est donc réduit aux désirs. Il est alors la somme de la satisfaction des désirs. Mais le désir n’est-il pas en soi souffrance ne fût-ce dans sa satisfaction même ? N’est-ce pas pourquoi nous éprouvons la douleur, la souffrance ? Est-ce dire que l’homme n’est pas fait pour le bonheur ? Ce que nous tenons pour le bonheur est-il réellement le fond de l’existence ? Mais qu’est-ce que le bonheur ? Si le bonheur est désir, plaisir, et si le désir sitôt satisfait engendre la souffrance, ne faut-il pas renoncer à nos désirs ? Le désir semble contradictoire : lorsqu’on désire le plaisir est là, mais dès qu’il est là il disparaît et la souffrance jaillit. Le désir est-il alors synonyme de plaisir ?

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En quoi consiste la réalité du bonheur ? Le bonheur est présenté ordinairement comme la
fin de la vie humaine, sa finalité.
A priori , on se représente le bonheur sous la forme d’un
sentiment de satisfaction durable.
Il est alors une valeur, pour ne pas dire la valeur de toutes les
valeurs.
Le bonheur est donc réduit aux désirs.
Il est alors la somme de la satisfaction des
désirs.
Mais le désir n’est -il pas en soi souffrance ne fû t- ce dans sa satisfaction même ? N’est-
ce pas pourquoi nous éprouvons la d ouleur, la souffrance ? Est -ce dire que l’homme n’est pas
fait pour le bonheur ? Ce que nous tenons pour le bonheur est -il réellement le fond de
l’existence ? Mais qu’est -ce que le bonheur ? Si le bonheur est désir, plais ir, et si le désir sitôt
satisfait engendre la souffrance, ne faut -il pas renoncer à nos désirs ? Le désir semble
contradictoire : lorsqu’on désire le plaisir est là, mais dès qu’il est là il disparaît et la souffrance
jaillit.
Le désir est -il alors synony me de plaisir ? Doit -on alors pour accéder au bonheur satisfaire
nos désirs ? Mais n’est -ce pas absurde de renoncer à nos plaisirs au risque de se condamner
au malheur ? Faut -il entretenir la douleur pour que le sens heureux de la vie voit le jour ? Ne
con vient -il pas de penser avec Schopenhauer que le bonheur n’est que la privation, la
suppression du malheur ? Auquel cas, le bonheur ne serait que l’évacuation de toute
souffrance.
Car il est un double constat.
Le premier est que si la souffrance est présent e, si elle
s’ouvre à nous sur le mode de l’ épreuve vive et forte ; a contrario , le bonheur est à peine
perceptible.
Le deuxième est que la douleur s’offre à nous immédiatement et semble apparaître
comme le substrat de l’existence et le bonheur ne se livre que tardivement.
Aussi faut-il encore
concevoir le bonheur comme une réalité positive répondant à la finalité de l’existence ? Peut-on
faire l’expérience directe du bonheur ?
Schopenhauer fait apparaître un étrange paradoxe qui tient à la vie elle- même : si la
souffrance s’impose au point d’en faire une préoccupation majeure, voire unique, le bonheur ne
semble pas être notre premier souci.
Il introduit donc une dissociation entre bonheur et désir.
Un
examen attentif du désir montre qu’ il est manque, vacuité et que son épanouissement le détruit
pour laisser place au déplaisir.
Il est de l’essence du désir d’être paradoxalement l’occasion du
malheur.
Pis, le désir serait doublement malheur : souffrance dans sa recherche sempiternelle,
et douleur lors de sa c omplétude.
Le désir ne masquerait pas seulement une douleur en
cherchant à être satisfait, il est la condition d’émergence du malheur.
Le désir est ainsi
doublement souffrance.
Aussi le bonheur est -il vraiment cette affection ultime à retenir comme
fin der nière de notre existence ? Si le désir a pour finalité le plaisir et que le plaisir entraîne par
sa suppression le désir , peut -on encore comprendre le bonheur sur la base du désir ? Peut -on
authentiquement éprouver le bonheur en sa positivité ou négativement comme absence de
trouble ? D’où la thèse surprenante de Schopenhauer : le bonheur n’est que la privation de la
souffran ce puisque nous sentons plus vi olemment et d’emblée la douleur que le plaisir.
Ce
serait donc la surpression de la souffrance qui serait le fond du bonheur.
Il faut donc repenser le
bonheur non plus comme finalité positive de la vie, mais comme élimination de la douleur.
Ce
qui ne signifie pas que la recherche du bonheur soit inaccessible, car l’h omme peut agit contre
la souffra nce.
L’hypothèse d’un bonheur négatif part de la réalité qui est notre : la perte de ce à
quoi nous tenons habituellement lève l’illusion que le bonheur est dans la possession.
Car
durant le temps que nous avons les biens de notre jouissance nous en perdons le sens, la
sensation en raison de l’habitude.
Et paradoxalement plus le plaisir nous est familier, plus nous
en sommes l’ esclave, plus s a disparition se fera douloureuse.
Le penseur allemand convoque
une épreuve de ce bonheur négatif : ce n’est que dans l’ennui ou la souffrance que nous
éprouvons le temps.
Cette double expérience consolide sa thèse : la vie est souffrance et le
bonheur est un moment fugace.
Est -ce dire qu’il faille renoncer à nos désirs parce qu’ils sont
source de notre malheur ? Schopenhauer s’inscrit -il dans le dolorisme, dans la valorisation de la.
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