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Le bonheur peut-il fonder la morale ?

Publié le 19/09/2015

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morale

 Les difficultés que suscite la morale du bonheur personnel nous semblent résulter de ce qu’on spécule sur un bonheur abstrait considéré indépendamment du bien dont il est inséparable. Mais quand on réintègre le bonheur dans le complexe concret de l’action morale, il n’apparaît plus que comme la face subjective du bonheur. Par suite, il est tout aussi illégitime d’exclure l’idée de bonheur personnel de la vie morale que de prétendre fonder la morale sur la recherche du bonheur.

morale

« sans doute, Je moraliste recommande aux hommes de s'as•surer un certain bien-être; mais ce bien-·être est considéré comme un moyen et non comme une fin.

La fln est la réaJi,sation d'un bien idéal.

Seule la poursuite de ce bien est obligatoire.

C'est ce bien, et n>On l'idée du bûnheur personnel, qui peut fonder la morale.

b) Le bonheur personnel ne peut pas être considéré comme Te bien suprême, capable de satisfaire les aspirations d'un être qui conçoit l'uni­ versel.

1 o On 1 'admettra facilement du bonheur subjectif Cûns;stant dans la o;atis­ faction de toute.s les tendance•s et qu'on peut appeler bonheur-jouissance.

Ce bûnheur, sans dûute, ne se réduit pas aux plaisirs sensibles, qui sont radicalement étrangers au bien moral, et il comporte le plai>"ir supérieur du bien accompli.

Il n'en reste pas moins que Je plaisir n'est pas le bien.

De plus, la po.sition consistant à placer la fin de la vie dans le bonhem­ jouis·s·ance est intenable, théoriquement et pratiquement.

Théoriquement, car, en plaçant le but de la vie dans la satisfactiûn des tendances, on eo;t entraîné à la morale héd.oniste; ·si on n'y aboutit pas, c'est qu'ûn admet implicitement une subûrdination de cette satisfaction à l'accomplissement d'un certain ordre qui fait abstracti.on du bonheur.

Ainsi, la morale du bonheur ne reste fidèle à elle-même que parce qu'elle implique la morale du bien.

Pratiquement, car ain•si que le montre l'observation psychologique, le bonheur n'échoit qu'à celui qui s'en désintéresse et ne cherche que le bien.

Un altruisme qui ne ·serait commandé que par la perspective du contentement intérieur qu'il peut procurer ne p·rocurerait qu'une Eatis­ factiûn médiûcre.

Le bonheur est de se dévouer sans songer à soi.

Par suite, une morale du bonheur-jouissance, si on es•sayait de la pratiquer ~ystématiquement, serait v.ouée à l'échec.

2° Mais s'il est impüssible de fonder la morale >"ur 1 'idée du bonheur subjectif consistant dans la jouis·s·ance, ne pourrait-on pas la fonder sur 1 'idée de bonheur objectif consistant dans la réalisati.on d'une grande œuvre et qu'on peut appeler bonheur-perfection? C'est de ce bonheur que parle PÉGUY dans les vers bien c.onnus : Heureux ceux qui sont morts sur les champs de bataille ! ...

De cette morale aus•si nous pouvons dire que si elle ne Ile dégrade pas en hédonisme, c'est qu'elle implique la morale du bien.

Apparemment, elle fixe comme fin à 1 'activité humaine une fin personnelle : réaliser Je plus pos-sible les virtualités que nous avons en nous; nous grandir.

Mais en fait il n'est qu'une façon de grandir : se dévouer à plus grand que soi, à un bien.

Qu'on ne dise pa.s que le bien n'est qu'un moyen, la fin re,stan t la grandeur personnelle; car qui chercherait cette grandeur ne l'atteindrait pas et ne manquerait pas de déchoir à la recherche de satis­ factions plus bas.ses.

L'activité morale étant conditionnée par 1 'oubli de ·soi, l'idée du bonheur personnel, aussi épuré qu'û·h le suppose, ne ~aurait la fonder.

B.

Cep·endant, l'idée du bonheur personnel ne doit pas être rigoureu­ sement exclue.

- En effet, •seule est exclue la thèse d'après laquelle le bonheur est la fin unique de la vie humaine.

Mais on ne saurait condamner celui qui, plaçant le but de la vie dans le bien, considère le bünheur. »

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