Le bonheur est-il inaccessible
Publié le 12/11/2012
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Confronter cette conclusion avec les tentatives des philosophes de concilier sagesse et bonheur.
Les philosophesgrecs ont fait du bonheur la fin suprême de la vie, conception appelée "eudémonisme".
Il est intéressant d'examinercomment ils ont envisagé la possibilité d'accorder bonheur et sagesse dans leurs philosophies morales.
L'épicurismeest une de ces tentatives.
La morale d'Épicure est dite "hédoniste" du fait qu'il place le plaisir au principe du bonheur.
Mais s'agit-il de chercher à jouir de tous les plaisirs ? L'expériencemontre combien certains plaisirs entraînent des désagréments et des douleurs.Il faut donc user de sa raison pour discerner parmi les plaisirs ceux quicontribuent véritablement au bonheur.
C'est pourquoi la distinction s'imposeentre les désirs naturels et nécessaires, les désirs naturels mais nonnécessaire et enfin les désirs qui ne sont ni naturels ni nécessaires.
Cesderniers entraînent l'homme dans une recherche éperdue du renouvellementdes objets de ses désirs, ce qui ne peut que provoquer déception et douleur.La sagesse consiste donc, pour goûter le plaisir, à restreindre le désir auxsatisfactions les plus "naturelles et nécessaires", afin de ne pas souffrir.
Leplaisir est "évitement" de toute douleur et
"ataraxie", absence de trouble.
Lire : Épicure, Lettre à Ménécée.
La morale stoïcienne est aussi un eudémonisme qui fait du bonheurl'aboutissement de la sagesse.
Mais qu'est-ce que le bonheur ? Certainementpas l'obtention de tout ce que l'on désire, ce serait contredire ce que dit laraison.
Au contraire, le sage doit exercer sa raison à déceler quelle est laplace de l'homme dans l'ordre des choses et par là à reconnaître sonimpuissance à le modifier.
Il est des choses qui dépendent de nous, d'autresqui n'en dépendent pas.
Fou serait celui qui désire l'inaccessible ! La sagesse exige donc que, par la maîtrise de sonjugement, on accepte comme le meilleur ce qui nous advient, car on n'échappe pas à la nécessité.
C'est dans cetteacceptation que réside le secret du bonheur, aboutissement de la vertu.
La source de tout bien et de tout mal que nous pouvons éprouver résidestrictement dans notre propre volonté.
Nul autre que soi n'est maître de cequi nous importe réellement, et nous n'avons pas à nous soucier des chosessur lesquelles nous n'avons aucune prise et où d'autres sont les maîtres.
Lesobstacles ou les contraintes que nous rencontrons sont hors de nous, tandisqu'en nous résident certaines choses, qui nous sont absolument propres, libresde toute contrainte et de tout obstacle, et sur lesquelles nul ne peut agir.
Ils'agit dès lors de veiller sur ce bien propre, et de ne pas désirer celui desautres ; d'être fidèle et constant à soi-même, ce que nul ne peut nousempêcher de faire.
Si chacun est ainsi l'artisan de son propre bonheur, chacunest aussi l'artisan de son propre malheur en s'échappant de soi-même et enabandonnant son bien propre, pour tenter de posséder le bien d'autrui.
Lemalheur réside donc dans l'hétéronomie : lorsque nous recevons de l'extérieurune loi à laquelle nous obéissons et nous soumettons.
Nul ne nous oblige àcroire ce quel'on peut dire de nous, en bien ou en mal : car dans un cas nous devenonsdépendants de la versatilité du jugement d'autrui, dans l'autre nous finissonspar donner plus de raison à autrui qu'à nous-mêmes.
Enfin, à l'égard desopinions communes comme des théories des philosophes, ou même de nospropres opinions, il faut savoir garder une distance identique à celle qui estrequise dans l'habileté du jeu, c'est-à-dire qu'il faut savoir cesser de jouer entemps voulu.
Dans toutes les affaires importantes de la vie, nul ne nous oblige en effet que notre propre volonté.
Lire : Épictète, Manuel.
Dégager ce qui est à retenir de ces sagesses.
Le bonheur ne pouvant être la totale satisfaction de ce que l'hommepeut désirer, il doit se résigner, par un effort de raison et de volonté, à se contenter de sa condition, et faire decette résignation son bonheur.
"Faire de nécessité vertu".
Poser une question critique et chercher une autre réponse.
La vertu n'est-elle pas l'artifice par lequel on nie lapositivité du bonheur comme plaisir et une possible maîtrise dans sa recherche ? L'homme doit-il s'astreindre àl'"ascèse" épicurienne ou à la passive résignation stoïcienne ? Le bonheur ne peut-il être le résultat d'une démarcheactive et positive, compatible avec le plaisir ? Il est légitime de penser que l'homme peut trouver le bonheur dansl'action qu'il déploie pour se conformer à sa propre nature.
Ainsi le juste de Platon parvient à créer en lui-mêmel'harmonie du désir, de la force et de la raison, et par là gagne l'amitié de lui-même.Lire : Platon, la République, livre IV, 443.De même, toute activité conforme à la nature de l'homme s'accompagne de plaisir.
Et le plus grand plaisir, ditAristote, est atteint lorsque l'homme agit selon la part la meilleure de sa nature : la pensée et l'intelligence.
Ainsi la.
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