Le bonheur dépend-t-il de nous ?
Publié le 24/11/2023
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«
Le bonheur dépend-t-il de nous ?
Introduction (Mahé Biaggini):
Le bonheur est un sentiment désirable par chaque être humain, il correspond dans
l’inconscient collectif à un idéal de joie constante, intensive et durable.
C’est une forme de
bonheur retranscrite parfaitement dans le film de Cameron Crowe, Vanilla Sky.
En effet, le
héros de ce film est enviable en tout point : beau, riche, PDG, il a toutes les plus belles
femmes à ses pieds.
Pourtant ce bonheur qui paraissait si retentissant, solide apparait
ensuite comme une simple corrélation entre la réalité et la volonté du personnage brisable à
tout instant.
C’est en effet, à la suite d’un accident de voiture qui le défigure que le
protagoniste se rend compte de sa bonne « heur ».
Il semble alors prendre conscience à
l’aide ou au détriment de son entourage de la nécessité d’actions, de choix déterminant son
bonheur.
N’étant pas assez fort pour affronter cela, il se plonge dans un rêve artificiel afin de
prolonger sa vie de rêve mais ses démons finissent par le rattraper et le cauchemar
commence.
Un travail sur soi-même devient nécessaire.
La sélection de ses désirs devient
primordiale mais si comme le héros de cette tragédie, les événements ne le permettent pas,
une nouvelle dimension du bonheur s’impose : celle du bonheur dans l’adversité.
Ainsi, il est
légitime de se demander dans quelle mesure le bonheur dépend de nous.
(Max Béjeaud) Le
bonheur se résume-t-il à la chance ou est-il au contraire le fruit d’un travail pour l’atteindre ?
Comment comprendre que le bonheur surgit de ce qui nous surprend de manière inattendue
et qu’il soit le fruit d’une conquête laborieuse que nous contrôlons? Le contrôle sur ce qui
génère notre bonheur ne lui porte-t-il pas atteinte ? A moins qu’il ne soit le résultat d’un
travail sur soi consistant à savoir recevoir les choses de la vie qui ne dépendent pas de
nous ?
Si nous désignons par bonheur le ressenti où tous nos désirs seraient comblés (dans tous les
domaines avec de l’intensité et dans la durée), il semble être un idéal de l’imagination et ne
pas dépendre de nous.
Le bonheur pourrait dépendre de l’heureuse rencontre de nos désirs
avec la réalité.
Il dépendrait de la chance et non de nous.
Nous serions heureux quand elle
nous sourit dans tous les domaines de notre vie avec intensité et de manière pérenne.
Ainsi
comme le fait remarquer Kant« Le bonheur est la satisfaction de toutes nos inclinations (tant
extensive, quant à leur variété, qu'intensive, quant au degré, et aussi protensive, quant à la
durée) », Kant.
Cette définition du bonheur en présente une vision tellement exigeante, sans
compromission au point d’en être idéalisée qu’il est impossible qu’il dépende de nous tant il
est d’une part inatteignable et d’autre part constitué d’éléments extérieurs sur lesquels nous
n’avons pas de prise.
Mais néanmoins si la chance réussissait à nous sourire de façon durable, il semble ne pas
dépendre de nous de résister à une dégradation interne de la satisfaction.
Contrairement à
la définition de Kant, intensité et durée ne sont pas compatibles.
On veut ce que l’on n’a pas
parce que rien de ce que l’on a ne peut nous satisfaire de manière intense durablement.
Car
on idéalise ce qu’on n’a pas, c’est ce qui nous pousse à l’envie de l’avoir, à un plaisir intense
de conquête et à la déception de la possession.
Ce qui nous empêche d’être heureux même
lorsque les circonstances de notre bonheur sont stables c’est l’ennui que génère la
répétition d’une satisfaction.
Cet ennui s’impose à nous et il ne dépend pas de nous de ne
pas l’éprouver.
Comme nous le fait remarquer Jankélévitch dans L’aventure, l’Ennui, le
Sérieux, même si les facteurs extérieurs du bonheur demeurent identiques, le sentiment de
bonheur se ternit de l’intérieur « la mélancolie du bonheur ne va pas du dehors au-dedans,
mais du dedans au dehors ».
En effet, l’effet produit par les mêmes circonstances s’atténue
par la répétition.
Ce qu’il y a de plus intense « vire ».
Le sommet du bonheur est instable et
fragmentaire.
Le bonheur à sa plus haute intensité ne peut être vécu que par moments
d’autant plus précieux qu’ils sont extraordinaires au sens premier du mot.
Le sentiment du
bonheur s’érode malgré nous et il ne dépend pas de nous qu’il en soit autrement, nous en
sommes les premières victimes.
Même si ce bonheur intense se prolongeait et que tous nos désirs réalisés nous apportent la
plénitude durablement comme si c’était la première fois, n’y aurait-il pas une contradiction à
réaliser tous ses désirs sachant que le désir de désirer en est un ? (Ely Lemay) satisfaire tous
les désirs n’est pas compatible avec le désir de continuer à désirer.
En effet, c’est un besoin
vital d’avoir des désirs à accomplir et plus nécessaire encore pour atteindre le bonheur.
Même si nous accomplissons avec une joie toujours présente des désirs ancrés en nous
depuis longtemps et qu’ils ont toujours la capacité de générer une puissance
d’émerveillement, le désir de tendre vers ce que l’on n’a pas, ce que l’on n’est pas s’impose
à nous.
Nous avons la nécessité d’ex-sister c’est-à-dire de persévérer dans ce que nous
sommes en intégrant de la nouveauté afin de nous sentir vivants.
Dans Anna Karénine, Léon
Tolstoï nous présente un couple illégitime très amoureux Anna et Vronski qui savoure le
bonheur d’une vie à deux longtemps espérée, ils sont toujours l’un pour l’autre objet
d’admiration.
L’intensité de leur désir ne se ternit pas de l’intérieur.
Et pourtant, le
sentiment de bonheur se ternit car ils n’ont plus rien à désirer.
Comme le fait remarquer
Tolstoï, « Eternelle erreur de ceux qui croient trouver le bonheur dans l’accomplissement de
tous leur vœux » ou encore « Il chercha presque à son insu un nouveau but à son désir et
prit des caprices passagers pour des aspirations sérieuses (…) Comme un animal affamé se
précipite sur le premier objet qui lui tombe sous la dent, Vronski se jetait donc
inconsciemment sur tout ce qui pouvait lui servir de pâture, politique, peinture, livres
nouveaux.
».
Donc satisfaire tous ses désirs n’est pas compatible avec le désir de continuer à
désirer enraciné en nous malgré nous.
Cette insatisfaction au cœur même des désirs
accomplis les plus forts tient à notre condition humaine et il ne dépend pas de nous d’en
changer.
Nous subissons notre insatisfaction et nous voyons impuissants notre bonheur
s’enfuir même quand nous avons tout pour être heureux.
Transition : Doit-on en déduire que la notion de bonheur renferme une contradiction
interne si le moyen d’atteindre le bonheur le détruit ? Ou doit-on reconsidérer la façon de le
définir ? Si au lieu de considérer le bonheur comme une rencontre favorable provoquant du
plaisir, durable et intense entre nos désirs dans différents domaines et la réalité
indépendante de notre volonté, nous le pensons comme une culture en soi d’un état d’esprit
apportant un bonheur conquis dans sa recherche même indépendamment des aléas de
l’existence, ne pouvons-nous pas alors penser que le bonheur dépend de nous ?
Alors que certains, comme nous venons de le voir semblent avoir tout pour être heureux et
ne pas l’être et d’autres savoir l’être avec trois fois rien.
Peut-être faut-il passer du plaisir
subi au bonheur conquis pour que le bonheur dépende de nous ? Le cultiver dans nos
propres ressources plutôt que de l’attendre de l’extérieur ? (Brouquier Lilou) La volonté de
parvenir à la réalisation de tous nos désirs pourrait nous faire perdre la notion de bonheur,
nous conduire à penser qu’il n’existe pas.
Mais cette impasse ne touche-t-elle pas
uniquement le bonheur reçu passivement ? Le bonheur actif qui nous transforme en même
temps que nous le vivons permet d’éviter les écueils cités.
La lassitude est évitée car la
répétition se transforme non pas en érosion mais en approfondissement, la possibilité de
continuer à désirer est compatible avec la réalisation du désir car le désir actif nous réjouit
non pas dans l’obtention d’une quête mais dans l’exercice même qui se relance des apports
de l’activité elle-même.
L’approfondissement dans une activité psychique ou physique qui
nous réalise est la clé d’un bonheur qui dépend de nous puisqu’il est issu de nos propres
ressources que nous pouvons mobiliser à notre gré.
Comme nous l’explique Alain dans
Propos sur le bonheur, l’apprentissage dans un domaine apprécié est une source de bonheur
croissante.
(Carla Da Costa) Un latiniste sera perpétuellement heureux puisque sa
progression dans l’apprentissage lui permettra d’avoir plus d’aisance, plus de capacité pour
apprécier la langue et traduire.
Le désir d’apprendre est relancé par la réalisation du désir de
le faire.
C’est la raison pour laquelle Alain dit qu’il n’y a pas de bonheur reçu.
Un musicien
qui pratique, compose ou chante a un bonheur plus intense que celui qui ne fait qu’écouter
la musique.
Le « plaisir de repos » n’existe pas, il dépend de nous d’être heureux en étant
actif.
Agir et apprendre de nos activités est le....
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