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Le bonheur dépend-il du régime politique dans lequel on vit ?

Publié le 23/02/2004

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C'est un philosophe pessimiste, voire cynique. Pour bien comprendre la portée et l'enjeu de ce qu'il dit dans ce texte sur l'État, il faut se rappeler qu'à la même époque, Hegel, son grand rival, définissait l'État comme le triomphe de la rationalité et de l'Universel sur les intérêts particuliers. Or Schopenhauer mous dit dans ce texte que l'État n'est nullement le contraire de l'Égoïsme, de la recherche de l'intérêt personnel qui serait sacrifié à l'intérêt général par altruisme, patriotisme, amour sacré de la patrie... Loin de ce lyrisme, il nous dit que l'État est le triomphe, l'apothéose, la consécration de l'Égoïsme ! Non pas le règne de la raison, non pas une institution qui s'opposerait (au nom de quoi ? avec quelles forces ?) au jeu des intérêts antagonistes, mais la somme, la synthèse, l'organisation rationnelle de tous ces égoïsmes. Le savant, complexe et fragile équilibre de tous ces intérêts contradictoires qui, en se heurtant les uns aux autres, font la vie d'une société, voilà ce que les hommes appellent l'État, un compromis passé entre tous ceux qui sont en position d'imposer, au moins partiellement, leur volonté et leurs intérêts aux autres. Par quelle mystérieuse alchimie l'État, surgi de cet entrechoc des intérêts particuliers, deviendrait-il quelque chose de noble, de sacré, de fondé sur Dieu lui-même, quelque chose qui mérite le respect et l'amour de tous les citoyens ? Il y a une mystification de l'État que Schopenhauer s'attache à rendre manifeste dans ce texte. L'État se présente comme le triomphe du désintéressement et de la rationalité sur les tendances égoïstes (le l'homme, alors qu'il n'en est que le produit et l'organisation rationnelle : c'est précisément aux intérêts et aux passions des hommes qu'il fait appel pour amener chacun à contribuer à l'édifice commun, comme l'ont très bien montré les utilitaristes : l'État ne repose pas sur un autre principe, mais simplement sur la recherche en commun, et avec l'aide de la raison, de l'intérêt et du bonheur du plus grand nombre.

« " L'État, ce chef-d'oeuvre de l'égoïsme intelligent et raisonné, cetotal de tous les égoïsmes individuels, a remis les droits dechacun aux mains d'un pouvoir infiniment supérieur au pouvoir del'individu, et qui le force à respecter le droit des autres.

C'estainsi que sont rejetés dans l'ombre l'égoïsme démesuré depresque tous, la méchanceté de beaucoup, la férocité dequelques-uns : la contrainte les tient enchaînés, il en résulte uneapparence trompeuse.Mais que le pouvoir protecteur de l'État se trouve, comme ilarrive parfois, éludé ou paralysé, on voit éclater au grand jour lesappétits insatiables, la sordide avarice, la fausseté secrète, laméchanceté, la perfidie des hommes, et alors nous reculons,nous jetons les hauts cris, comme si nous nous heurtions à unmonstre encore inconnu ; pourtant, sans la contrainte des lois,sans le besoin que l'on a de l'honneur et de la considération,toutes ces passions triompheraient chaque jour.

Il faut lire lescauses célèbres, l'histoire des temps d'anarchie pour savoir cequ'il y a au fond de l'homme, ce que vaut sa moralité ! Cesmilliers d'êtres qui sont là sous nos yeux, s'obligeantmutuellement à respecter la paix, au fond ce sont autant detigres et (le loups, qu'une forte muselière empêche seule demordre.

Supposez la force publique supprimée, la muselièreenlevée, vous reculeriez d'effroi devant le spectacle qui s'offrirait à vos yeux, et que chacun imagineaisément ; n'est-ce pas avouer combien vous faites peu de fond sur la religion, la conscience, lamorale naturelle, quel qu'en soit le fondement ?C'est alors cependant qu'en face des sentiments égoïstes, antimoraux, livrés à eux-mêmes, onverrait aussi le véritable instinct moral dans l'homme se révéler, déployer sa puissance, et montrerce qu'il peut faire ; et l'on verrait qu'il y a autant de variété dans les caractères moraux qu'il y a (levariétés d'intelligence, ce qui n'est pas peu dire.

" SCHOPENHAUER La question centrale de ce texte est : Qu est-ce que l'Etat ? De quoi est-il l'émanation, la synthèse ? Maisaussi quel est son rôle, quelles sont ses fonctions ? Que peut-on en attendre ou en espérer ? Que sepasserait-il si la puissance de l'État venait à défaillir ou à disparaître ?Toutefois, la réponse à toutes ces questions dépend d'après Schopenhauer d'une question préalable : Qu'est-ce que l'homme ? Il v a une anthropologie, une théorie de l'homme, qui sous-tend tout ce texte et qui permetde comprendre les thèses que l'auteur y défend.

Cette anthropologie, on pourrait la résumer par la phrasecélèbre de Hobbes : « L'homme est un loup pour l'homme.

» Cependant, Schopenhauer ajoute : l'homme est etreste un loup pour l'homme, et ce en dépit de l'État, de la religion, de la morale, etc.

Le rôle qu'il assigne àl'État dans ce texte dépendra donc de ce postulat fondamental. Pour Schopenhauer, la philosophie a pour tâche d'arracher aux hommes les illusions qui les aident, en tempsordinaire, à vivre.

C'est un philosophe pessimiste, voire cynique.

Pour bien comprendre la portée et l'enjeu dece qu'il dit dans ce texte sur l'État, il faut se rappeler qu'à la même époque, Hegel, son grand rival, définissaitl'État comme le triomphe de la rationalité et de l'Universel sur les intérêts particuliers.

Or Schopenhauer mousdit dans ce texte que l'État n'est nullement le contraire de l'Égoïsme, de la recherche de l'intérêt personnel quiserait sacrifié à l'intérêt général par altruisme, patriotisme, amour sacré de la patrie...

Loin de ce lyrisme, ilnous dit que l'État est le triomphe, l'apothéose, la consécration de l'Égoïsme ! Non pas le règne de la raison,non pas une institution qui s'opposerait (au nom de quoi ? avec quelles forces ?) au jeu des intérêtsantagonistes, mais la somme, la synthèse, l'organisation rationnelle de tous ces égoïsmes.

Le savant,complexe et fragile équilibre de tous ces intérêts contradictoires qui, en se heurtant les uns aux autres, fontla vie d'une société, voilà ce que les hommes appellent l'État, un compromis passé entre tous ceux qui sont enposition d'imposer, au moins partiellement, leur volonté et leurs intérêts aux autres.

Par quelle mystérieusealchimie l'État, surgi de cet entrechoc des intérêts particuliers, deviendrait-il quelque chose de noble, desacré, de fondé sur Dieu lui-même, quelque chose qui mérite le respect et l'amour de tous les citoyens ? Il y aune mystification de l'État que Schopenhauer s'attache à rendre manifeste dans ce texte.

L'État se présentecomme le triomphe du désintéressement et de la rationalité sur les tendances égoïstes (le l'homme, alors qu'iln'en est que le produit et l'organisation rationnelle : c'est précisément aux intérêts et aux passions deshommes qu'il fait appel pour amener chacun à contribuer à l'édifice commun, comme l'ont très bien montré lesutilitaristes : l'État ne repose pas sur un autre principe, mais simplement sur la recherche en commun, et avecl'aide de la raison, de l'intérêt et du bonheur du plus grand nombre.

Comme l'écrit aussi Pascal : « On s'estservi comme on a pu de la concupiscence pour la faire servir au bien public ; mais ce n'est que feindre, et unefausse image de la charité ; car au fond ce n'est que haine.

» L'État se présente donc sous une « fausseimage », sous une « apparence trompeuse » : celle d'avoir surmonté les tendances égoïstes des hommes qu'ilne peut que contenir tout en persistant à les exploiter.Nietzsche reprendra plus tard à Schopenhauer exactement la même idée : « Notre vie publique, politique etsociale aboutit à un équilibre des égoïsmes ; solution du problème : comment parvenir à une existencetolérable sans la moindre force d'amour, uniquement par la prudence des égoïsmes intéressés ? Tout comme il avait démystifié une vision excessivement optimiste de l'État, Schopenhauer va maintenant. »

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