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Le bonheur consiste-t-il à ne plus rien désirer?

Publié le 09/01/2005

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Or, une fois un désir comblé, en survient toujours un autre. Le bonheur en tant qu'absence de désir est une illusion, une attente et existe comme tel. "Le concept du bonheur est un concept si indéterminé, que, malgré le désir qu'a tout homme d'arriver à être heureux, personne ne peut jamais dire en termes précis et cohérents ce que véritablement il veut et il désire... Le bonheur est un idéal, non de la raison, mais de l'imagination." Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, deuxième section. à cet état de satisfaction complète qui distingue le bonheur du plaisir des sens parce qu'il est toujours accompagné de la certitude de durer semble si difficile à définir qu'on peut le considérer avec Kant comme un idéal de l'imagination plutôt que comme une fin susceptible d'être rationnellement recherchée. Si l'on ne peut définir le bonheur, on ne peut pas l'atteindre. Il existe seulement dans notre imagination. III ] Insuffisance d'une définition négative du bonheur : Il nous est pourtant impossible de considérer le bonheur comme une simple illusion, car il est en effet le moteur de nos choix. L'eudémonisme ancien prétend faire du bonheur le souverain bien, la fin dernière de notre activité qu'il dépendrait de nous de pouvoir atteindre.

« « Pour l'idée du bonheur un tout absolu, un maximum de bien-être dans monétat présent et dans toute ma condition future, est nécessaire.

Or il estimpossible qu'un être fini, si perspicace et en même temps si puissant qu'on lesuppose, se fasse un concept déterminé de ce qu'il veut ici véritablement.Veut-il la richesse ? Que de soucis, que d'envie, que de pièges ne peut-il paspar là attirer sur sa tête ! Veut-il beaucoup de connaissance et de lumières ?Peut-être cela ne fera-t-il que lui donner un regard plus pénétrant pour luireprésenter d'une manière d'autant plus terrible les maux qui jusqu'à présentse dérobent encore à sa vue et qui sont pourtant inévitables, ou bien quecharger de plus de besoins encore ses désirs qu'il a déjà bien assez de peineà satisfaire.

Veut-il du moins la santé ? Que de fois l'indisposition du corps adétourné d'excès où aurait fait tomber une santé parfaite, etc.

! Bref, il estincapable de déterminer avec une entière certitude d'après quelque principece qui le rendrait véritablement heureux : pour cela il lui faudraitl'omniscience.

[…] Il suit de là que les impératifs de la prudence, à parlerexactement, ne peuvent commander en rien, cad représenter des actionsd'une manière objective comme pratiquement nécessaires, qu'il faut les tenirplutôt pour des conseils que pour des commandements de la raison ; leproblème qui consiste à déterminer d'une façon sûre et générale quelle actionpeut favoriser le bonheur d'un être raisonnable est un problème tout à faitinsoluble ; il n'y a donc pas à cet égard d'impératif qui puisse commander, ausens strict du mot, de faire ce qui rend heureux, parce que le bonheur est unidéal, non de la raison, mais de l'imagination, fondé uniquement sur des principes empiriques, dont on attendraitvainement qu'ils puissent déterminer une action par laquelle serait atteinte la totalité d'une série de conséquencesen réalité infinie… » Kant , « Fondements de la métaphysique des mœurs ». L'objet de la « Dialectique » de la raison pure pratique, c'est le souverain bien , défini comme l'accord de la vertu et du bonheur, dont nous avons besoin en tant qu'êtres doués d'une sensibilité.

La vertu et le bonheur sont liésdans le concept du souverain bien.

Par suite, il faut déterminer la nature de cette liaison, de cette unité.

Ou bienelle est analytique et il faut affirmer l'identité de la vertu et du bonheur ; ou bien elle est synthétique et il faut direalors que la vertu engendre le bonheur.

Les deux grandes écoles morales de l'antiquité, stoïcisme et épicurisme, ontadopté le principe commun de l'identité du bonheur et de la vertu, mais elles l'ont conçu de façons différentes.

Tousdeux se trompaient en ceci qu'ils considéraient l'unité du concept de souverain bien comme analytique, alors qu'elleest synthétique ; en d'autres termes, leur erreur commune était de considérer comme identiques deux élémentshétérogènes ou du moins de regarder l'un des deux comme faisant partie de l'autre : « Le stoïcien soutenait que la vertu est tout le souverain bien et que le bonheur n'est que la conscience de la possession de la vertu, en tantqu'appartenant à l'état du sujet.

L'épicurien soutenait que le bonheur est tout le souverain bien –et que la vertun'est que la forme de la maxime à suivre pour l'acquérir, cad qu'elle ne consiste que dans l'emploi rationnel desmoyens de l'obtenir. » Or, les maximes de la vertu et les maximes du bonheur relèvent de principes totalement différents.

Si la vertu et lebonheur sont liés, cad si le souverain bien est pratiquement possible, ce ne peut être qu'en vertu d'une liaisonsynthétique.

On doit donc poser le problème ainsi: « Il faut ou que le désir du bonheur soit le mobile des maximes de la vertu, ou que la maxime de la vertu soit la cause efficiente du bonheur.

» Or ces deux solutions apparaissent également impossibles : la première parce qu'aucun mobile sensible ne peutdéterminer une volonté bonne ; la seconde parce que la vertu dépend de la loi morale, tandis que le bonheur dépendde lois naturelles, et qu'on ne voit pas, dans ces conditions, comme l'une peut produire l'autre.

Telle est l'antinomiede la raison pratique.

Cette antinomie se résout à peu près de la même façon que celle qui, dans la « CRP », mettait aux prises la nécessité naturelle et la liberté.

Là aussi, en effet, nous devons distinguer deux plans, le plan dusensible et le plan de l'intelligible.

la thèse selon laquelle le désir du bonheur serait le mobile des maximes de la vertuest absolument fausse.

Mais la thèse qui voit dans la maxime de la vertu la cause efficiente du bonheur n'est fausseque conditionnellement.

Dire que la vertu engendre le bonheur n'est faux que si nous considérons l'existence dans lemonde sensible comme la seule possible.

Si au contraire nous nous référons à l'existence nouménale : « il n'est pas impossible que la moralité de l'intention ait une connexion nécessaire, sinon immédiate, du moins médiate (parl'intermédiaire d'un auteur intelligible de la nature) comme cause, avec le bonheur comme effet dans le mondesensible .

» Ce n'est pas la vertu en tant qu'elle est prise dans le monde des phénomènes qui engendre le bonheur, mais unecause nouménale en rapport avec la vertu.

En d'autres termes, c'est Dieu qui « proportionne le bonheur à la vertu. « La morale n'est donc pas à proprement parler la doctrine qui nous enseigne comment nous devons nous rendre. »

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