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Le besoin d'autrui

Publié le 30/09/2023

Extrait du document

« Problématique Il s'agit de prendre en compte les deux sens du génitif, et l'interrogation sur l'existence et la nature d'un lien entre ces deux sens. Remarque : sur ces trois points (autrui comme objet de besoin, autrui comme sujet de besoin, le lien entre les deux), le second a été moins souvent pris en compte que le premier, et le troisième bien moins encore que les deux autres.

Leçon à retenir : ne pas se contenter de dénombrer les différents aspects d'un sujet, mais examiner aussi leurs éventuelles relations. Si on oublie l'un des deux sens du génitif, on ne pourra évidemment pas s'interroger sur ces relations ; on voit alors que la réflexion sur le sujet sera particulièrement insuffisante : on étudiera un point, là où le sujet réclame que l'on en examine trois. Il y a donc à examiner : - Le besoin que j'ai d'autrui : il s'agit d'un besoin précis, avec un objet déterminé (autrui) - Le besoin qu'a autrui ...

mais de quoi ? Ici il n'y a pas de complément ; il s'agit du besoin en général, l'article "le" prend un sens universel : tout besoin quel qu'il soit. Remarque : il y a donc, d'emblée, un décalage : d'un côté un besoin déterminé, d'un autre côté le besoin comme tel. - L'articulation entre les deux : mon besoin ayant autrui pour objet, le besoin (quel qu'il soit) qu'a autrui. Sur le 2e point : le fait qu'il s'agisse, du côté d'autrui, de son besoin "tout court", sans précision d'objet, conduit à se demander si éprouver du besoin est une caractéristique contingente d'autrui, ou si ce n'est pas plutôt constitutif de son essence.

Autrui serait à envisager comme être de besoin, autrement dit comme être non-autosuffisant, qui est donc essentiellement en relation avec une altérité : car avoir besoin (peu importe de quoi), cela signifie : ne pas coïncider immédiatement avec soimême, être "arraché" hors de soi-même vers quelque chose d'autre que soi. Cela retentit sur le 1er point, et du même coup cela fait entrer en scène le 3e.

En effet, comment et pourquoi puis-je avoir besoin d'un être qui est lui-même dans le besoin ? Le fait qu'il soit lui-même un être de besoin, cela ne relativise-t-il pas le besoin que je puis avoir de lui ? Ai-je besoin de lui parce qu'il est lui-même un être de besoin, ou malgré cela ? Du coup, son besoin à lui, qu'est-il par rapport au mien ? En quoi et jusqu'à quel point me concerne-t-il, et doit-il me soucier ? A l'arrière-plan de ces questions apparaît alors cette autre : ce dont j'ai fondamentalement besoin, ne serait-ce pas d'un être qui serait lui-même sans besoin, un être autosuffisant, absolu ? Si c'était le cas, cela signifierait que le premier sens du génitif exclut le second (je ne peux avoir besoin que d'un être qui n'a pas lui-même de besoin, et qui, en particulier, n'a pas besoin de moi ; inversement, un être qui connaît lui-même le besoin ne pourrait pas faire l'objet de mon besoin, en tout cas pas de manière essentielle).

Si, au contraire, j'ai besoin d'autrui en tant qu'il est lui-même un être de besoin, cela signifie que le 2e point est une condition du 1er (c'est parce que autrui connaît lui-même le besoin, que j'ai besoin de lui). Dans le cas où l'objet fondamental de mon besoin devrait être lui-même sans besoin, il y a à se demander s'il peut s'agir de quelqu'un, ie d'autrui.

Cf.

Platon, République VI et VII: le terme final absolu, qui peut seul me combler, n'est pas un Autrui, mais une Idée ; non pas quelqu'un, mais Quelque chose (le Bien figuré par le soleil).

Cela veut-il dire que le besoin (essentiel, fondamental, et donc au singulier) ne peut pas avoir autrui pour objet ? Remarque (insistante !) : le lien entre les deux aspects vient ici en discussion, et de cette façon, le sujet est bien pris comme un tout, dont les éléments retentissent les uns sur les autres (plutôt que comme un simple "assemblage" d'éléments qui se côtoient sur le mode du "et aussi"). Éléments de plan A partir de cela, il s'agit d'envisager les formes de besoin que "je" peux avoir d'"autrui", en prenant en compte chaque fois les enjeux dégagés ci-dessus.

Et il faut prendre garde à ne pas seulement les juxtaposer, mais à les ordonner selon une progression allant de plus en plus vers l'essentiel. Le besoin "vital" au sens de "naturel".

Autrui et moi avons des besoins = nous avons besoin d'autre chose que nous-mêmes pour être et rester des vivants : besoin de nourriture, de protection, et, à l'échelle de l'espèce, de reproduction.

On peut admettre que l'homme ne peut pourvoir à la satisfaction de ses besoins vitaux naturels sans l'aide d'autres hommes : cf.

Hume (aussi Nietzsche).

En ce sens il y a un "besoin d'autrui". Mais a) Le besoin porte sur autrui de manière indirecte : il a ici le statut d'un moyen pour satisfaire un besoin dont il n'est pas lui-même l'objet (ex: qu'il m'apporte de la nourriture). b) Autrui est ici vu et abordé comme un ensemble de caractéristiques, non comme un être qui y demeurerait irréductible (= un alter ego, un autre je).

Il a lui-même des besoins vitaux naturels, et, pour être un moyen de la satisfaction des miens, il faut qu'il reste lui-même vivant ; en ce sens j'ai à prendre en compte son besoin à lui – mais jusqu'à quel point, et de quelle façon ? Comprendre que je dois veiller à ce qu'il reste en vie, pour qu'il soit un moyen de ma satisfaction, cela n'équivaut pas du tout à lui reconnaître le droit de vivre lui aussi.

Il peut remplir ce rôle à titre d'esclave, ie d'"instrument animé" (Aristote, Politique), dont on doit prendre soin pour qu'il fonctionne correctement, son besoin à lui étant ainsi "pris en compte".

[NB: donc, ne pas se précipiter trop vite sur le contrat, car il suppose une reconnaissance de l'autre, qui ne va pas de soi]. C'est alors la satisfaction de mon besoin qui conditionne et relativise la satisfaction du sien ; si mon besoin est qu'il meure, alors rien ne s'oppose (et même tout incite) à ce que je le fasse ou.... »

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