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l'art s'adresse-t-il à tous ?

Publié le 24/10/2005

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L'art revendique alors hautement sa différence par rapport aux objets de consommation. L'homme du commun ignore les hautes valeurs spirituelles La plus haute destination de l'art, écrit Hegel, est celle qui lui est commune avec la religion et la philosophie. Comme celles-ci, il est un mode d'expression du divin» (Esthétique). Si telle est bien l'essence de l'art, seuls les esprits les plus fins peuvent en saisir le sens. Il ne peut pas exister d'art populaire Malgré les déclarations d'intention d'artistes tels que Dubuffet, lequel proclame qu'une «chanson que braille une fille en brossant l'escalier [le] bouleverse plus qu'une savante cantate» (L'Homme du commun à l'ouvrage), force est de constater que le grand public ignore jusqu'au nom même de ces créateurs dont le voeu est de rendre l'art accessible à tous. Les classes populaires sont moins sensibles à l'art Dans L'Amour de l'art, Pierre Bourdieu montre que les étudiants issus des classes populaires sont nettement moins sensibles que les autres à la peinture moderne, à celle d'artistes moins connus que Renoir, Van Gogh, Cézanne. D'où la difficulté de «briser le cercle qui fait que le capital culturel va au capital culturel» [L'art est l'expression de l'esprit d'une époque. Tout homme, parce qu'il est doué de sensibilité, peut avoir accès à la création, laquelle ne doit pas refuser les moyens les plus modernes de diffusion.] Le peintre vit avec son temps Pour Vasarely, est fini ce temps de «la pièce unique à usage exclusif». Jadis, la conservation d'une oeuvre résidait «dans l'excellence des matériaux, la perfection de leur technique» [Notes brutes).

« lui permettant d'être tout à la fois conservée et diffusée. Pas besoin d'être cultivé pour apprécier l'artIl y a dans la culture, «une immense part d'hérédité.

Par conséquent, des êtres dépourvus de connaissancesapprofondies jouissent autant du rythme, du son et de la forme-couleur» [ibid.].

C'est la raison pour laquelletout artiste de ce siècle doit souhaiter «répandre la création contemporaine parmi les foules pour qu'elleconstitue une présence, pour qu'elle éduque l'oeil et la sensibilité» (ibid.). L'art s'adresse aux hommes de tous les paysNous sommes capables d'admirer les estampes japonaises et les Indiens d'Amazonie aiment la musique deMozart...

Il semble donc que l'art rencontre une capacité d'admiration de la beauté qui dépasse les frontières.Souvent aussi, des artistes s'inspirent de traditions artistiques appartenant à d'autres cultures. Il semble que l'art soit le plus universel des moyens d'expression: les peintres européens son admirés partoutdans le monde, les sculptures africaines ou l'art oriental est apprécié en Europe.

Mozart est un musicienuniversel, certains tableaux de Van Gogh s'inspirent des estampes japonaises, les rythmes africainsimprègnent la musique contemporaines, etc.

Mais souvent les arts venus de l'étranger conservent quelquechose d'exotique, d'incompréhensible. L'art s'adresse aux hommes de toutes les époquesDe même, la poésie de Ronsard nous semble encore admirable, comme la sculpture égyptienne : nonseulement l'art traverse le temps, mais l'art d'aujourd'hui se comprend comme l'héritier de tout un patrimoine. L'art s'adresse-t-il à tous sans distinction culturelle?Cette notion de patrimoine n'implique-t-elle pas cependant que l'art ne peut être véritablement apprécié sansun minimum de culture générale ? Celui qui ignore tout de la mythologie grecque peut-il apprécier la peintureou la littérature modernes qui s'y réfèrent ? Ceci pose la question de l'accès du public à cette culture; accèsplus ou moins difficile suivant l'appartenance sociale. Les exigences de l'art Même en supposant une démocratisation véritable de la culture, l'art adresse un certain nombre d'exigences à sonpublic. • La culture de la sensibilitéLa sensibilité esthétique, c'est-à-dire la capacité à apprécier et à comprendre la beauté de l'art, suppose d'abordqu'on la cultive, qu'on la développe, qu'on la nourrisse.

Une sensibilité qui n'est pas stimulée par la fréquentationeffective de l'art s'atrophie.

Ceux à qui l'art s'adresse doivent se donner les moyens de l'apprécier. • Les références culturellesIl en va de même pour les références culturelles : l'art, souvent, s'adresse en priorité à un public muni de certainsrepères culturels; les autres ne pourront spontanément apprécier cet art dans toute sa richesse et devront fournirun effort supplémentaire.

C'est par exemple le cas pour un Européen découvrant le théâtre nô. • Un art aristocratique ?Enfin, certains artistes sont volontairement exigeants et revendiquent un public très élitiste.

On peut penser ici auxpoètes « parnassiens » du XIXe siècle (autour de Leconte de Lisle) ou à la poésie de Mallarmé, qui se veut «hermétique », c'est-à-dire accessible seulement au prix d'un itinéraire initiatique quasi religieux.

L'art revendiquealors hautement sa différence par rapport aux objets de consommation. Si, au moment de sa production, une oeuvre semble s'adresser à un public restreint trié sur le volet, l'évolution dugoût peut en faire plus tard un « classique ». • La sélection par le tempsL'étendue du public qui reçoit une oeuvre peut varier considérablement : Van Gogh n'a quasiment pas vendu detoiles de son vivant mais rares sont à présent les personnes qui n'ont jamais aperçu la reproduction d'un de ses. »

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