L'art peut-il ne viser que l'éphémère ?
Publié le 06/02/2004
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Si l'art prend comme objet de sa visée l'éphémère, ne se borne-t-il pas uniquement à exprimer les réalités naturelles et immédiates ? Mais l'artiste ne tend-il pas, en réalité, à se servir de ces apparences pour exprimer une vérité inexprimable autrement ? Ne cherche-t-il pas, à travers sa création, à exprimer le spirituel, la vie de l’esprit ? Dès lors, l'art ne tend-il pas à échapper spontanément au fugace, au provisoire ? Est-il légitime, en particulier, que la création de choses belles ne se dépasse pas vers l’infini ? L'art ne se situe-t-il pas toujours entre l'instantané et l'éternel ? Peut-il participer à l'un sans se relier à l'autre, d'un seul et même mouvement ? Ces questions sont importantes, et même décisives, mais leur enjeu est si vaste et si mal délimité qu'il semble difficile d'en faire un problème philosophique à proprement parler. La question posée est alors la suivante : l'art peut-il rester borné à un objectif limité ou doit-il et peut-il s'en éloigner ? Est-il possible et légitime que l'art, c'est-à-dire la création de choses belles, destinées à fixer, en s'en inspirant, ce qui est fugace, passager, provisoire, reste borné à cet objectif? Il est une question beaucoup plus précise et porteuse d'enjeux artistiques décisifs : si l'art ne vise que l'éphémère, ne perd-il pas alors tout terme de référence et ne sombre-t-il pas dans le relativisme absolu?
«
œuvre ? Oui, dans la mesure où cet événement est opération, c'est-à-dire où ce qui advient – le feu d'artifice, ladanse, tout ce qui est happening – suppose un ouvrier, l'exécutant lui-même, le spectateur qui est acteur, parfoisun maître d'œuvre.
Sans doute, l'œuvre improvisée ne laisse pas de traces, sinon dans la mémoire desparticipants ; mais la vérité de l'œuvre est dans l'expérience de sa présence, et non dans ce qui rend cetteexpérience répétable, dans toutes les techniques, à commencer par l'écriture, par lesquelles les hommes relaientleur fragile mémoire, même s'il leur importe de garder une trace.
Si surprenants, si bâclés, si violents, siéphémères que soient les produits de l'opération, il y a œuvre – entendons, encore une fois, œuvre d'art – si etseulement si ce produit sollicite le goût (et même s'il sollicite aussi l'intelligence, l'imagination ou l'affectivité),autrement dit si l'œuvre aspire toujours à être chef-d'œuvre.
Car l'idée de chef-d'œuvre, si désuet que soit le motaujourd'hui, n'est pas irrémédiablement compromise par l'usage à la fois autoritaire et sélectif que certainsrégimes en ont fait : le faire ne récuse pas la norme du bien- faire, et le goût ne perd pas ses droits, même quand il les exerce sur de nouveaux objets et selon de nouveaux critères.
2) L'art immortalise l'éphémère.
Hegel, dans son Esthétique au sujet de l'art romantique qui est la peinture, affirme qu'on apprécie la peinture des objets insignifiants, les scènes de la viehumaine car le principe substantiel des choses s'y maintient et s'y fait valoir.On apprécie la vitalité, la liberté, la multiplicité des intérêts particuliers.
Celapermet de voir les choses sous un autre rapport que l'indifférence quotidienneou de l'utilité.
L'art instaure un rapport contemplatif avec les choses qui faittaire les besoins.
Ce genre de peinture est fait pour rendre durable ce qui estmomentané.
Plus les objets sont insignifiants, plus on admire l'exécution de latoile.
Ce ne sont pas uniquement les choses de la vie quotidienne qui sontreprésentées, il y a l'amour, le savoir, l'esprit en plus.
On pense tout de suiteaux scènes de genre de la peinture flamande et hollandaise.
La nature mortefait aussi partie de ces peintures de l'insignifiance, les objets sont un prétextepour le peintre à mettre en œuvre ses talents de coloristes, de travailler surles transparences.
On pense à Peter Claesz et à ses compositions aux citronspelés, Chardin et ses tas de framboises, les représentations d'abattoir parRembrandt.
L'insignifiance peut aller jusqu'à la laideur.
Les frontières étantminces entre l'insignifiant et le laid.
Les canons artistiques jusqu'au 17 e siècle ne pouvaient considérer comme étant véritablement de l'art les peintures degenre et de paysages.
Le 19 e siècle a vu la véritable éclosion d'un art et d'une peinture qui ose s'attaquer à des sujets que le grand art ne pouvaittolérer.
3) C'est la beauté qui est recherchée derrière le transitoire.
Pour Baudelaire dans ses Curiosités esthétiques « Le beau est fait d'un élément éternel, invariable, dont la qualité est excessivement difficile à déterminer, et d'un élément relatif circonstanciel qui sera, si l'on veut, tour à tour outout ensemble, l'époque, la mode, la morale, la passion.
»La beauté qui se présente uniquement sur son côtééternel paraîtra froide et abstraite au spectateur si elle n'est pas proposée sous un aspect transitoire.
Cet aspecttransitoire se retrouve dans le versant historique que chaque tableau possède, dans le sens où il présente dessituations et des modes de vie déterminés.
En parcourant un musée, on voit l'évolution des modes, des costumeset des habitudes.
La mode représente le côté agréable de la beauté pour qu'elle puisse se communiquer.
Ce qui estéphémère exprime quelque chose de plus profond, de plus solide, de plus durable.
Conclusion.
L'art ne peut pas viser que l'éphémère.
Il se doit d'exprimer ce qu'il y a au- delà des apparences, au-delà de ce quidisparaît pour exprimer des choses de l'ordre de l'intelligible, du transcendant, l'art se définirait plus commeexpression éternel de l'instantané.
L'art serait hors du temps, hors de toute contingence.
Hors Baudelaire a biencompris que sans ce caractère temporelle de la beauté, elle nous serait inaccessible ou repoussante, l'art , mixtede sensible et d'intelligible est forcément mixte d'instant et d'éternité..
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