L'art peut-il changer la réalité ?
Publié le 15/03/2005
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L'art semble s'opposer en tout point à la réalité. En effet, l'art représente le domaine des choses artificielles, fabriquées, produites par l'homme. Dans ce domaine, l'homme est maître, sa production dépend uniquement de son envie et de sa volonté. La réalité se trouve aux antipodes : elle est ce qui est sûr, naturel : elle échappe à l'action de l'homme, elle répond à des règles que l'homme ne peut ni transgresser, ni détourner. L'homme ne peut façonner la réalité ; par exemple, il ne peut changer le cycle du soleil, où le fait qu'il s'achemine vers une fin inéluctable. L'homme semble n'avoir pas le choix de se soumettre à cette réalité maîtresse de lui. Mais alors que ces deux domaines semblent être les justes opposés, l'art donne un nouveau point de vue sur cette réalité qui dès lors nous apparaît différemment. Mais alors, l'art réinventerait-il la réalité ? L'homme peut-il par le truchement de l'art transformer la réalité ? Peut-il être à l'origine d'une réalité artificielle ? Autrement dit, l'homme peut-il modifier la nature, en a-t-il le pouvoir ?
«
connaissance, et de l'ordre du monde.
C'est parce que le monde est en lui-même intelligible que nous pouvons leconnaître.· La seconde, ensemble des êtres naturels ou artificiels, est seconde, sa réalité est moindre, dans la mesure où elle est imitation de la première.
Les êtres naturels doivent leur existence à un Démiurge qui a façonnéla matière en contemplant le monde des Idées (« Timée » ).
De même le bon artisan fabrique son objet en se réglant sur son Idée.
Ces êtres ont moins de réalité que les Idées puisqu'ils se contentent de les imiter.· La troisième, la plus éloignée de la réalité telle qu'elle est en elle-même, est celle produite par le peintre puisqu'ilimite ce qui est déjà une imitation.
Elle est donc un presque rien, n'a pas plus de réalité que notre reflet dans lemiroir.
Elle est le reflet d'une apparence.
En fait, il n'y a rien à voir.Au nom de la vérité Platon critique l'art.
Les fondements de cette critique sont: la définition de l'art comme imitation, reproduction de la réalité sensible et à la définition de la réalité sensible comme apparence, apparencetrompeuse, apparence du vrai.
Non seulement l'artiste ne produit que des apparences et en accentue la puissancetrompeuse, mais encore il nous attache à ce monde des apparences en produisant des apparences qui plaisent,excitent les sens et l'imagination.
L'art, effet du désir sensible et des passions, les accroît en retour.
L'hommeraisonnable n'y a pas sa place.
L'art, ennemi de la vérité est ennemi de la morale.
On trouve ici la premièrecondamnation morale de l'art et par suite la première justification théorique de la censure artistique dont relèveencore la condamnation des « Fleurs du mal » au milieu du XXe.
Rousseau au XVIIIe, sur ce point fort différent des philosophes des Lumières, reprendra le flambeau de cette critique.
L'art n'élève pas l'âme, bien au contraire.Apparence, il joue le jeu des apparences.
Tout d'abord parce qu'il est, dans la société bourgeoise - société de lacomparaison, du faire-valoir, de l'hypocrisie, de la compétition -, indissociable d'une mise en scène sociale.
On vaau théâtre pour exhiber sa toilette et autres signes extérieurs de richesse, pour se comparer, médire, recueillir lespotins...
Ensuite parce qu'il nous plonge dans un monde fictif où nous pouvons à bon compte nous illusionner surnous-mêmes.
Par exemple nous versons de chaudes larmes en assistant an spectacle des malheurs d'autrui etnous restons froids et impassibles lorsque nous avons l'occasion de lui porter secours.
Mais cependant nous avonspu croire à notre bonté naturelle.
Pour Platon comme pour Rousseau l'art est un divertissement qui nous divertit, nous détourne de nous mêmes.Bien que Platon ne définisse pas l'art par la beauté, il est tout de même possible de nuancer son propos, à partir de la prise en compte de sa conception de la beauté.
Si l'art n'est que simulacre, la beauté existe en elle-même, elleest une Idée et précisément une des plus belles.
Qu'est-ce qu'un beau cheval ? N'est-ce pas un cheval conforme àl'Idée du cheval ou archétype, à l'idée de ce que doit être un cheval sensible pour être pleinement un Cheval.
Uncheval est plus ou moins beau et son degré de beauté est proportionnel à sa conformité au modèle idéal ou Idée.
Est beau ce qui est ce qu'il doit être, laid ce qui ne l'est pas.
Est beau ce qui est parfait.
Comme la perfection n'estpas de ce monde, comme le cheval dans le pré ne sera jamais la copie exacte et sans défaut du modèle maistoujours une imitation imparfaite, la beauté la plus grande, réelle, est celle des Idées.
Est beau ce qui existepleinement et ce qui existe pleinement ce sont les Idées.
La beauté est la perfection ou plénitude de l'Etre.
Lalaideur est l'imperfection, l'incomplétude.
Par conséquent, lorsque le peintre et le sculpteur reproduisent un beaucheval ou un beau corps d'athlète, leur œuvre, pâle esquisse de la beauté idéale, en est tout de même le reflet.
Lepoète inspiré est sorti de la caverne, a contemplé l'idée du Beau et peut entraîner dans son sillon ses auditeurs.Ainsi le jugement de Platon sur l'art ne peut pas être simple bien qu'il insiste davantage sur la définition de l'art comme simulacre pernicieux.
II.
En détournant les objets qui le composent, l'art change le réel. En exposant une roue de bicyclette, Marcel Duchamp invente le ready-made (1913).
Le ready-made est le faitd'ériger au rang d'oeuvre d'art (en l'exposant dans un musée) un objet banal du quotidien.
L'artiste est d'ailleurs alléplus loin avec son Urinoir .
En transfigurant les objets de cette manière, les artistes créés une nouvelle réalité : il transforme l'ancienne pour en faire une nouvelle.
Arthur Danto le montre bien dans La transfiguration du banal.
Une philosophie de l'art .
Les oeuvres d'art créées par l'homme deviennent des objets du réel.
Le peintre n'est donc plus un simple imitateur comme le lui reprochait Platon, mais il crée des objets nouveaux qui constitue une nouvelleréalité.
Ainsi lorsque l'artiste imite quelque chose du monde, il le fait toujours dans une perspective qui excède lasimple imitation de la réalité.
L'artiste en imposant aux choses sa propre perception, crée véritablement ; c'est cequi distingue ses peintures des trompe-l'oeil, et qui fait qu'un objet du quotidien puisse être exposer dans un musée(après avoir été détourné).
Mais la réalité est-elle vraiment bouleversée par ces créations nouvelles ? Est-ce lemonde qui change ou bien la vision que l'on en a ? III. L'art ne change pas la réalité, mais change la perception que l'on en a. Marcel Proust écrit : « Le style pour l'écrivain, aussi bien que la couleur pour le peintre est une question non detechnique, mais de vision.
».
Nous comprenons que l'art du grand romancier est de nous raconter son histoire defaçon à ce qu'elle ressemble à la notre afin de nous aider à décrypter la réalité.
Aussi, lorsqu'il nous semble que l'artchange la réalité, nous nous apercevons qu'il ne la change pas effectivement, mais que nous aidant à lacomprendre, nous la voyons sous un nouveau point de vue.
C'est ce qu'explique l'artiste Paul Klee dans Théorie de l'art moderne : il montre comment, dans le tableau, c'est l'artiste qui choisit les phénomènes qu'il va représenter et comment il va les représenter, afin d'exprimer sa vision de la réalité.
Par exemple, lorsqu'il fait des maisons quipenchent, c'est pour signifier que le monde ne va pas très bien. Notre compréhension du réel est donc analogique,.
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