l'art nous révèle-t-il quelque chose du réel ?
Publié le 23/10/2005
Extrait du document
Remarques sur l'intitulé du sujet :
· A priori, l'art est : 1- copie du réel ou 2- divertissement, donc éloignement de la réalité
· Dans les deux cas, l'art ne révèle rien, car révéler = faire connaître à quelqu'un quelque chose qui était ignoré, inconnu, ou caché (= dévoiler).
· Mais d'emblée, on a un paradoxe : comment révéler quelque chose du réel puisque le réel est, par définition, ce qui est donné et non absent ?
· D'où le présupposé du sujet : le réel ne se donne pas immédiatement. D'où la nécessité d'une médiation ; mais alors, l'art peut-il être ce médiateur ?
· Enjeu : relation Art et Vérité. L'art peut-il être un outil pour connaître ?
Problématique : si l'art est, comme le dit Hegel, ce qui nous élève de la réalité pénible et bornée, il semble difficile de lui accorder une fonction de révélation (tel serait plutôt le rôle de la Religion, de la science ou de la philosophie). Mais l'art ne se présente pas seulement comme un jeu : les artistes prétendent véhiculer un message au travers de leurs oeuvres et ainsi, l'art serait comme un discours : mais que nous dit-il et comment ?
«
2- L'ART EST RÉVÉLATEUR DES FORMES
Dans la Poétique , Aristote se demande pourquoi nous prenons du plaisir à contempler des images.
Ainsi, il fait remarquer que l'art n'est pas copie du réel (autrement pourquoi ne pas regarder la réalité directement ?) : l'art est un médiateur .
En effet, connaître, apprendre, provoque du plaisir ; de même pour la contemplation esthétique : les images nous permettent de prendre plaisir à regarder des choses dont la vue nous est pénible dans la réalité.Autrement dit, l'art a une fonction de révélateur en ce qu'il nous donne à voir ce qui, dans le réel nous repousse.Mais comment s'y prend-il ?
a) L'art : entre l'histoire et la philosophie :
Pour Aristote, les évènements quotidiens manquent de portée générale .
Et c'est pour cette raison que l'artiste ou le poète est plus pédagogue que l'historien : là où ce dernier se borne à rapporter les faits tels qu'il se sont produit comme ils se sont produit, le poète rapporte ce qui estvraisemblable , « semblable au vrai ».
En effet, l'artiste « re-présente les choses ».
Les représentations de l'art subissent certes une « perte »ontologique comme le dit Platon, mais il ne s'agit pas pour autant d'unedégradation ontologique.
Au contraire pour Aristote, le vraisemblable donne àl'art sa supériorité sur l'histoire.
L'artiste représente en donnant une secondeprésentation, mais surtout une nouvelle présentation.
Exple : Homère dépeint moins la colère d'Achille pris individuellement (Achille, à tel jour, telle heure ettel endroit, pour tel et tel motif, s'est mis en colère) que l'expression de lacolère d'un guerrier.
Certes cette colère n'est pas aussi universelle que celleétudiée par la philosophie quand elle définit les passions (valables pour touthomme en général) mais elle échappe au défaut de l'histoire qui est des'attacher au particulier, aux détails et ne nous apprend rien : avec la poésie,on a affaire à des types , des modèles, à de l'universel approchant .
Ainsi pour Aristote, « l'ami des mythes est en quelque sorte philosophe » (Métaphysique , I, 2, 982 b).
L'art nous met en chemin vers la science ou la connaissance du vrai.
b) la catharsis :
Le fait de vivre en représentation certains évènements nous permet de ne pas avoir à délibérer sur ce qu'il faut faire, nous pouvons simplement contempler.
Ainsi, il y a épuration des passions ( catharsis ) produite grâce à l'art : je peux, face au spectacle tragique, appréhender ce qu'est le malheur sans le vivre (ou le vivre mais parprocuration, c'est-à-dire sans en subir personnellement les conséquences).
Or lorsque je vis réellement le malheur, ilm'est difficile de le connaître.
Ainsi, le coléreux qui voit le spectacle de la colère peut alors se rendre compte qu'elleest hors de toute mesure ( hubris ), ou bien qu'elle peut tel Ajax, le mener à sa perte, au déshonneur ; en contraire, ce même coléreux en colère se laisse porter par sa passion.
Transition :
· Loin d'être, comme le pense Platon, ce qui nous détourne de la réalité, il est ce qui nous permet de commencer à la connaître (= sorte de propédeutique).
· Cependant, il reste alors à comprendre pourquoi l'intelligence doit s'appuyer sur l'art.
Pourquoi avons-nous besoin, pour connaître quelque chose du réel, de la médiation de l'art ? Ou, pour parler en termes hégéliens,pourquoi faut-il que l'esprit en passe par son autre pour prendre conscience de ce qu'il est ?
3- L'ART COMBLE LES LACUNES DU CONCEPT
Bergson remarque que nous avons besoin de l'art parce que nous ne pouvons tout voir.
Nous avons une vision partielle du réel et l'art est justement là pour compenser cette lacune.
En effet, nous ne voyons des choses que ce que nous pouvons en faire ; notre vision du réel est pratique .
a) L'art révèle « l'essentiel inaperçu » [1]
Les concepts nous éloignent de la réalité.
Avec le penseur abstrait, comme le dit Kierkegaard, « on n'aime pas, on ne croit pas, on agit pas, mais on sait ce qu'est l'amour, on sait ce qu'est la foi...
». Ainsi, l'impressionnisme s'est donné pour tâche de révéler ce que nous voyons de la réalité par-delà ce que nous en savons .
Monet : « il est faux.
»
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