L'art nous permet-il d'être plus libre vis-à-vis de nos passions ?
Publié le 05/07/2009
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Nous commencerons par tenir que l’art nous permet d’autant moins d’être libres vis-à-vis de nos passions qu’il a tendance à les faire naitre ou à les renforcer. Dans nombre de ses œuvres, Rousseau critique l’art et les spectacles, et, loin de leur prêter une valeur éducative, affirme que l’art pervertit l’individu. La préface de la Nouvelle Héloïse déclare à ce propos :
«
nous permet pas d'être plus libres vis-à-vis de nos passions.
Pensons à Don Quichotte dont la passion pour l'universde la chevalerie est favorisée par ses lectures romanesques.
b.
Le théâtre met en scène des passions qui enflamment celles du spectateur
Allant plus loin, nous dirons que l'art ne permet réellement pas d'être plus libres vis-à-vis de nos passions, puisqu'ilnous offre un spectacle corrupteur pour les mœurs.
Prenons l'exemple du théâtre.
En effet, il a beau exister dans lethéâtre (notamment celui de l'époque classique) une règle de bienséance qui impose à l'expression des passions unecertaine retenue, un ton noble et majestueux qui correspond par ailleurs à l'identité sociale des protagonistes dansla tragédie (des rois et des reines, dans une immense majorité de cas) il n'en reste pas moins que le théâtrereprésente des idées d'une extrême violence.
En effet, il ne faut pas s'y tromper : derrière la pureté de la langue etla rigueur parfaite de l'alexandrin, (notamment chez Racine) c'est une extrême violence qui se donne libre cours.
Lespassions dans la tragédie classique sont exprimées comme du feu maintenu sous la glace.
Nous pouvons notammentconstater cette extrême violence des passions évoqués par les personnages dans l'extrait suivant de Phèdre deRacine qui dépeint la passion amoureuse :
« Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue ;Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;Je sentis tout mon corps, et transir 3 et brûler. Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,D'un sang qu'elle poursuit tourments inévitables.Par des vœux assidus je crus les détourner :Je lui bâtis un temple, et pris soin de l'orner ;De victimes moi-même à toute heure entourée,Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée.D'un incurable amour remèdes impuissants !En vain sur les autels ma main brûlait l'encens :Quand ma bouche implorait le nom de la déesse,J'adorais Hippolyte, et le voyant sans cesse,Même au pied des autels que je faisais fumer.J'offrais tout à ce dieu, que je n'osais nommer.Je l'évitais partout.
Ô comble de misère !Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père ».
Phèdre , Acte I, scène 3.
De ceci nous tirerons que l'art ne permet pas d'être plus libres vis-à-vis de nos passions, car il représente souventdes êtres qui se livrent à des passions violentes et destructrices.
II.
Mais l'art permet au créateur de se libérer de ses passions en les exprimant a.
Au commencement de l'art, une passion violente…
Cependant, ne peut-on pas dire que l'art nous permet d'être plus libre vis-à-vis de nos passions, dans la mesure oùil a tendance à exercer sur nous un effet d'ordre cathartique, c'est-à-dire purgatoire.
Prenons l'exemple de l'artistequi entreprend une œuvre.
Il faut bien voir qu'au commencement de l'œuvre artistique, il y a chez le sujet une forteactivité émotionnelle.
Faire de l'art, pour un être, c'est donc travailler des émotions intenses, un passif émotionnel,une expérience parfois délicate et douloureuse du monde.
Prenons l'exemple de Blaise Cendrars : dans Moravagine , il met en scène un double de lui-même aux tendances extrêmement perverses.
Un ami psychanalyste de cet écrivain(le docteur Ferral) à déclaré à la lecture du texte : « Vous vous êtes libéré de votre double, alors que la plupart des hommes de lettres restent victimes et prisonniersdu leur (…) »..
»
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