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l'art nous-éloigne-t-il de la réalité ?

Publié le 23/10/2005

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La chronique (l'histoire) s'en tient aux faits tels qu'ils se sont passés, aussi invraisemblables et illogiques qu'ils soient. En ce sens aussi, d'après Aristote, elle a très peu à nous apprendre, car les faits rapportés auraient tout aussi bien pu se produire autrement. La chronique reste immergée dans la sphère de la contingence, du possible, du hasard. Elle ne peut donc pas nous éclairer sur ce qui nous entoure. A l'inverse, la poésie  ne s'en tient pas à la réalité, mais en produit, grâce à la fiction, une intelligence. Elle ne traite pas du particulier, du contingent, mais du général. « Le général, c'est le type de chose qu'un certain type d'homme fait ou dit vraisemblablement. » L'intrigue proposée par le poète n'est pas un pur caprice imaginatif, ni un simple récit des faits : c'est une intelligence de l'action. La fiction vise à dégager la cohérence, la vraisemblance ou la nécessité d'une action. Tel type de personnage, placé dans tel type de situation devra logiquement se conduire de la façon décrite.

« 3) Parce que l'art n'est qu'imitation d'une imitation, un simulacre .

Dans La « République » (X 597b-598c - cf.

texte), Platon montre que le peintre est « l'auteur d'une production éloignée de la nature de trois degrés ».

En effet, il y a trois degrés de réalité. · La première, celle qui est vraiment et pleinement, est la réalité intelligible ou Idée.

Pour Platon les Idées ne sont pas des produits de notre intelligence, constitutives de cette dernière (rationalisme) ou formées aucontact de l'expérience (empirisme).

Elles existent indépendamment de notre pensée.

L'Etre est l'intelligible oumonde des Idées.

Cette thèse rend compte et de la connaissance, la réalité est intelligible, objet d'uneconnaissance, et de l'ordre du monde.

C'est parce que le monde est en lui-même intelligible que nous pouvons leconnaître. · La seconde, ensemble des êtres naturels ou artificiels, est seconde, sa réalité est moindre, dans la mesure où elle est imitation de la première.

Les êtres naturels doivent leur existence à un Démiurge qui a façonnéla matière en contemplant le monde des Idées (« Timée » ).

De même le bon artisan fabrique son objet en se réglant sur son Idée.

Ces êtres ont moins de réalité que les Idées puisqu'ils se contentent de les imiter. · La troisième, la plus éloignée de la réalité telle qu'elle est en elle-même, est celle produite par le peintre puisqu'ilimite ce qui est déjà une imitation.

Elle est donc un presque rien, n'a pas plus de réalité que notre reflet dans lemiroir.

Elle est le reflet d'une apparence.

En fait, il n'y a rien à voir. Au nom de la vérité Platon critique l'art.

Les fondements de cette critique sont: la définition de l'art comme imitation, reproduction de la réalité sensible et à la définition de la réalité sensible comme apparence, apparencetrompeuse, apparence du vrai.

Non seulement l'artiste ne produit que des apparences et en accentue la puissancetrompeuse, mais encore il nous attache à ce monde des apparences en produisant des apparences qui plaisent,excitent les sens et l'imagination.

L'art, effet du désir sensible et des passions, les accroît en retour.

L'hommeraisonnable n'y a pas sa place.

L'art, ennemi de la vérité est ennemi de la morale.

On trouve ici la premièrecondamnation morale de l'art et par suite la première justification théorique de la censure artistique dont relèveencore la condamnation des « Fleurs du mal » au milieu du XXe.

Rousseau au XVIIIe, sur ce point fort différent des philosophes des Lumières, reprendra le flambeau de cette critique.

L'art n'élève pas l'âme, bien au contraire.Apparence, il joue le jeu des apparences.

Tout d'abord parce qu'il est, dans la société bourgeoise - société de lacomparaison, du faire-valoir, de l'hypocrisie, de la compétition -, indissociable d'une mise en scène sociale.

On vaau théâtre pour exhiber sa toilette et autres signes extérieurs de richesse, pour se comparer, médire, recueillir lespotins...

Ensuite parce qu'il nous plonge dans un monde fictif où nous pouvons à bon compte nous illusionner surnous-mêmes.

Par exemple nous versons de chaudes larmes en assistant an spectacle des malheurs d'autrui etnous restons froids et impassibles lorsque nous avons l'occasion de lui porter secours.

Mais cependant nous avonspu croire à notre bonté naturelle.

Pour Platon comme pour Rousseau l'art est un divertissement qui nous divertit, nous détourne de nous mêmes. Bien que Platon ne définisse pas l'art par la beauté, il est tout de même possible de nuancer son propos, à partir de la prise en compte de sa conception de la beauté.

Si l'art n'est que simulacre, la beauté existe en elle-même, elleest une Idée et précisément une des plus belles.

Qu'est-ce qu'un beau cheval ? N'est-ce pas un cheval conforme àl'Idée du cheval ou archétype, à l'idée de ce que doit être un cheval sensible pour être pleinement un Cheval.

Uncheval est plus ou moins beau et son degré de beauté est proportionnel à sa conformité au modèle idéal ou Idée.

Est beau ce qui est ce qu'il doit être, laid ce qui ne l'est pas.

Est beau ce qui est parfait.

Comme la perfection n'estpas de ce monde, comme le cheval dans le pré ne sera jamais la copie exacte et sans défaut du modèle maistoujours une imitation imparfaite, la beauté la plus grande, réelle, est celle des Idées.

Est beau ce qui existepleinement et ce qui existe pleinement ce sont les Idées.

La beauté est la perfection ou plénitude de l'Etre.

Lalaideur est l'imperfection, l'incomplétude.

Par conséquent, lorsque le peintre et le sculpteur reproduisent un beaucheval ou un beau corps d'athlète, leur oeuvre, pâle esquisse de la beauté idéale, en est tout de même le reflet.

Lepoète inspiré est sorti de la caverne, a contemplé l'idée du Beau et peut entraîner dans son sillon ses auditeurs.Ainsi le jugement de Platon sur l'art ne peut pas être simple bien qu'il insiste davantage sur la définition de l'art comme simulacre pernicieux. L'art idéalise le réel (thèse d'Aristote) « De ce qui a été dit il résulte clairement que le rôle du poète est de dire non pas ce qui a réellement eulieu mais ce à quoi on peut s'attendre, ce qui peut se produire conformément à la vraisemblance ou à lanécessité.

En effet, la différence entre l'historien et le poète ne vient pas du fait que l'un s'exprime en versou l'autre en prose (on pourrait mettre l'oeuvre d'Hérodote en vers, et elle n'en serait pas moins del'histoire en vers qu'en prose); mais elle vient de ce fait que l'un dit ce qui a eu lieu, l'autre ce à quoi l'onpeut s'attendre.

Voilà pourquoi la poésie est une chose plus philosophique et plus noble que l'histoire: lapoésie dit, plutôt le général, l'histoire le particulier.

Le général, c'est telle ou telle chose qu'il arrive à tel outel de dire ou de faire, conformément à la vraisemblance ou à la nécessité : c'est le but visé par la poésie,même si par la suite elle attribue des noms aux personnages.

Le particulier, c'est ce qu'a fait Alcibiade, ouce qui lui est arrivé.

» ARISTOTE in « Poétique » (1451 b). »

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