L'ART NOUS DÉTOURNE-T-IL DU RÉEL ?
Publié le 13/03/2004
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• L'art, que le sens commun définit comme une activité oisive -par opposition au travail, activité contraignante, pénible- aurait comme fonction de nous éloigner de ce réel du travailleur, du quotidien « métro-boulot-dodo «. • Mais la réalité correspond-elle à cela ? Ce que l'on voit, sent, touche, est-il toute la réalité ? L'art ne permet-il pas d'aller au-delà des apparences pour révéler ce qu'est la réalité ?
• L'approfondissement de ce qu'est véritablement la réalité et qui ne demande qu'à être dévoilée : la véritable réalité se trouve-t-elle au-delà des apparences, du donné ? L'art serait alors un révélateur de la réalité, une manière autre de percevoir le réel. L'art ne s'éloignerait du réel que pour mieux y revenir.
«
Au nom de la vérité Platon critique l'art.
Les fondements de cette critique sont: la définition de l'art commeimitation, reproduction de la réalité sensible et à la définition de la réalité sensible comme apparence, apparencetrompeuse, apparence du vrai.
Non seulement l'artiste ne produit que des apparences et en accentue la puissancetrompeuse, mais encore il nous attache à ce monde des apparences en produisant des apparences qui plaisent,excitent les sens et l'imagination.
L'art, effet du désir sensible et des passions, les accroît en retour.
L'hommeraisonnable n'y a pas sa place.
L'art, ennemi de la vérité est ennemi de la morale.
On trouve ici la premièrecondamnation morale de l'art et par suite la première justification théorique de la censure artistique dont relèveencore la condamnation des « Fleurs du mal » au milieu du XXe.
Rousseau au XVIIIe, sur ce point fort différent desphilosophes des Lumières, reprendra le flambeau de cette critique.
L'art n'élève pas l'âme, bien au contraire.Apparence, il joue le jeu des apparences.
Tout d'abord parce qu'il est, dans la société bourgeoise - société de lacomparaison, du faire-valoir, de l'hypocrisie, de la compétition -, indissociable d'une mise en scène sociale.
On va authéâtre pour exhiber sa toilette et autres signes extérieurs de richesse, pour se comparer, médire, recueillir lespotins...
Ensuite parce qu'il nous plonge dans un monde fictif où nous pouvons à bon compte nous illusionner surnous-mêmes.
Par exemple nous versons de chaudes larmes en assistant an spectacle des malheurs d'autrui et nousrestons froids et impassibles lorsque nous avons l'occasion de lui porter secours.
Mais cependant nous avons pucroire à notre bonté naturelle.
Pour Platon comme pour Rousseau l'art est un divertissement qui nous divertit, nousdétourne de nous mêmes.Bien que Platon ne définisse pas l'art par la beauté, il est tout de même possible de nuancer son propos, à partir dela prise en compte de sa conception de la beauté.
Si l'art n'est que simulacre, la beauté existe en elle-même, elleest une Idée et précisément une des plus belles.
Qu'est-ce qu'un beau cheval ? N'est-ce pas un cheval conforme àl'Idée du cheval ou archétype, à l'idée de ce que doit être un cheval sensible pour être pleinement un Cheval.
Uncheval est plus ou moins beau et son degré de beauté est proportionnel à sa conformité au modèle idéal ou Idée.Est beau ce qui est ce qu'il doit être, laid ce qui ne l'est pas.
Est beau ce qui est parfait.
Comme la perfection n'estpas de ce monde, comme le cheval dans le pré ne sera jamais la copie exacte et sans défaut du modèle maistoujours une imitation imparfaite, la beauté la plus grande, réelle, est celle des Idées.
Est beau ce qui existepleinement et ce qui existe pleinement ce sont les Idées.
La beauté est la perfection ou plénitude de l'Etre.
Lalaideur est l'imperfection, l'incomplétude.
Par conséquent, lorsque le peintre et le sculpteur reproduisent un beaucheval ou un beau corps d'athlète, leur oeuvre, pâle esquisse de la beauté idéale, en est tout de même le reflet.
Lepoète inspiré est sorti de la caverne, a contemplé l'idée du Beau et peut entraîner dans son sillon ses auditeurs.Ainsi le jugement de Platon sur l'art ne peut pas être simple bien qu'il insiste davantage sur la définition de l'artcomme simulacre pernicieux.
• Platon est ainsi à l'origine de la longue tradition de l'art figuratif qui a pour finalité autre chose que lui-même.
PourAristote, par exemple, il a une fonction purificatrice, cathartique : offrir à l'homme une représentation de sespassions, par l'intermédiaire de la tragédie, afin de mieux les maîtriser.
La « purgation des passions » chez Aristote
Le plaisir que procure la tragédie est spécifique.
Aristote le définit ainsi : «[...] la tragédie est l'imitation d'une action de caractère élevé et complète,d'une certaine étendue, dans un langage relevé d'assaisonnements d'uneespèce particulière suivant les diverses parties, imitation qui est faite par despersonnages en action et non au moyen d'un récit, et qui, suscitant pitié etcrainte, opère la purgation propre à pareilles émotions.» Assaisonnement dulangage désigne la proportion variable de chants et de vers.
L'essence de latragédie réside dans l'action, non dans le récit, action représentée en untemps limité.
Le plaisir résulte des émotions ressenties: crainte et pitié.
Toutcela est clair.
Aristote mentionne la cause et les effets.Mais sur le mécanisme de l'opération, peu de détails ! Un seul terme assezinattendu: «purgation», catharsis.
On peut dire aussi « purification ».
Ce mota donné lieu à maints commentaires.
Chez Aristote lui-même, il est l'objet deplusieurs interprétations.
On croit comprendre qu'il y a un rapport entrel'imitation, la mimésis, et la purgation, la catharsis: devant un spectaclereprésentant des actions éprouvantes, je suis enclin à ressentir les mêmesémotions que l'on cherche à provoquer en moi.
La représentation desentiments violents ou oppressants, par exemple la terreur, l'effroi ou la pitié,bien que mimés et donc fictifs, déclenche dans le public, dans la réalité, dessentiments analogues.Cette réaction est banale dans la vie courante; trop d'événements réels, effrayants ou affligeants, suscitent desémotions correspondantes, par exemple, de la compassion pour les victimes.
Mais ce phénomène est plus surprenantlorsqu'il s'agit d'un spectacle créé et imaginé de toutes pièces.
Il suppose une identification avec un personnage etnon plus avec une personne.
Certes, cette identification a ses limites, car il ne s'agit pas d'imiter, de copier ni detransposer dans la vie réelle les actions qui se déroulent sur la scène.
Et l'on imagine mal un jeune homme, influencépar l' "Œdipe" de Sophocle, décidant de tuer son père, de commettre un inceste avec sa mère et de se crever lesyeux.
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POINT DE CULTURE GENERALE : Œdipe, c'est le héros maudit par essence.
Promis à un destin fatal par l'oracle,.
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