L'art modifie-t-il notre conscience du réel ?
Publié le 03/11/2009
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Est-ce que les oeuvres d'art paraissent sans finalité que l'on n'en finit pas de leur chercher une fonction ou une efficacité ? On a pu les considérer comme porteuses de contenus idéologiques, comme prophétiques, ou comme constituant un mode particulier de connaissance. Se demander si l'art modifie notre conscience du réel est en apparence plus modeste, puisqu'il s'agirait de repérer non une fonction, mais un effet: l'art, par sa seule présence, suffirait à transformer la conscience. N'est-ce pas ce que révèlent la méfiance qu'il suscite dans la philosophie, ou le contrôles que les régimes totalitaires veulent lui imposer ? Si l'on admet que toute image est dotée d'un pouvoir, l' art, même s'il n'est pas qu'images, paraît en mesure de modifier notre conscience du réel.

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L'art, sous toutes ses formes, de la peinture à la musique, en passant par l'écriture, nous entraîne dans un autre univers, celui de l'auteur.
Face à leursœuvres, nous suivons le cheminement de leur pensée, leurs idées… Notre conscience du réel se transforme-t-elle alors sous l'influence de l'art ? Laconscience du réel, ou ce que nous pensons être vrai, ce que nous jugeons comme étant la vérité du monde, serait alors modifiée par l'art, c'est-à-dire parla représentation créative et technique de la pensée de l'artiste.
Si une œuvre peut, en effet, entraîner en nous une émotion, peut-il alors susciter unchangement dans notre façon de percevoir le monde qui nous entoure ? L'art s'avère, tout d'abord, provoquer en nous des sentiments qui vont au-delà de la simple émotion ; ce qui peut bel et bien modifier notre perception dumonde, et du réel.
L'art peut ainsi être le moyen de valoriser quelque chose, de l'embellir, que cela soit d'une façon picturale ou textuelle.
Une chose, laide à nos yeux,peut alors devenir belle grâce aux yeux de l'artiste, qui la perçoivent différemment.
En effet, un artiste est plus apte à reconnaître la beauté dans sa viequotidienne, et nous la fait ainsi partager.
L'art devient ici la belle représentation d'une chose ordinaire, ou hideuse, ce qui peut pousser notre vision du réelà changer.
Effectivement, grâce à l'œuvre proposée, ce que nous aurions perçu comme étant laid nous apparaît alors plus gracieux, plus digne d'intérêt.Ainsi, dans le poème Une C harogne , Baudelaire a la possibilité d'embellir le réel, et d'en changer notre perception et notre conscience. Si l'art peut modifier notre vision des choses dans le présent, il nous permet également de penser différemment le passé.
En effet, nous avons beauconnaître les évènements historiques des derniers siècles, notre conscience ne les assimile pas pour autant de la bonne façon.
Ainsi, l'art peut rendrecompte de ce sentiment.
On notera alors certains tableaux de peintres du 20e siècle, aux personnages tristes, aux visages décomposés ; des toiles plusque désordonnées qui entraînent une prise de conscience du trouble vécu après les différentes guerres.
Au Tate Modern A rt Museum de Londres, lareprésentation grandeur nature de lits de prisonniers de camps de concentration provoque la surprise, suivie de l'effroi.
En outre, la littérature, avec desromans autobiographiques tels que Si c'est un homme de Primo Lévy, nous replonge dans l'horreur des jours de la Seconde Guerre mondiale.
Les différentes formes d'art changent alors notre conscience de la réalité de ces épisodes tragiques.
L'art modifie notre rapport à des évènements passés, aux choses laides du présent, mais aussi aux choses d'ores et déjà beaux, présents,auxquelles nous ne prêtons pas attention.
Nous vivons, en effet, quotidiennement entourés de belles choses dont nous ne nous émerveillons pas ou plus.Cette fleur, cet arbre, ce parc et la petite rivière qui le traverse nous indiffèrent.
L'art est aussi la représentation de ces belles choses oubliées, ou mises àl'écart, et nous permet de prendre conscience de la beauté de ce que nous avons, mais ne voyons pas.
L'art, forme de culture, est bien ici le souci de lanature ; en nous rappelant sa beauté, il lui redonne une place première dans notre conscience.
T out se passe comme si un interrupteur en nous avait étéenclenché, afin que nous prenions conscience de la beauté du réel qui nous entoure.
L'art transforme notre conscience du réel par la représentation des faits anciens qui nous sont quasiment inconnus, par la mise en valeur de chosesdéjà belles, mais oubliées, et en faisant passer pour beau quelque chose de laid dans la réalité.
O r, ne peut-il pas s'agir ici d'une tromperie ? L'art n'est-ildonc pas un piège à éviter, afin de maintenir notre conscience du réel telle qu'elle est ? L'art apparaît alors comme une duperie, une tromperie dont nous devons nous préserver.
Effectivement, l'art nécessite l'imagination de l'artiste.
Or,l'imagination peut être perçue telle une « puissance trompeuse », terme employé par Pascal, dans ses Pensées .
Il s'agirait donc d'une puissance trompeuse, dans le sens où l'art ne crée qu'une illusion du réel.
L'Homme doit s'en préserver, en la reconnaissant et en la combattant au moyen de saraison.
L'art n'étant que fiction, notre conscience du réel ne doit pas se laisser aveugler ; la raison doit l'emporter sur toute image fantaisiste et fausse.Ainsi, nous devons prendre l'œuvre avec recul, tout en restant rationnels afin qu'elle ne modifie pas notre conscience de la réalité.
Il est possible de considérer que notre conscience de la réalité soit intouchable, en ce que le réel reste au-dessus de toute œuvre.
En effet, si l'onpense comme Kant, l'art imite le réel.
De la sorte, l'imitation ne vaudra jamais la beauté présente dans la réalité ; le réel est supérieur, et l'art ne peutl'atteindre.
En suivant cette logique, on peut donc penser que l'art ne peut modifier la conscience que nous en avons ; le réel a le dessus sur notre esprit,tandis que l'art n'en est qu'une infâme, et infime copie.
C ependant, imiter le réel nécessite un certain travail.
Si l'on perçoit l'œuvre d'art comme le fruit d'un travail long, parfois fastidieux, alors nousadmirerons l'œuvre sous son aspect concret de réalisation artistique et non comme une façon d'interférer dans notre façon de penser.
Nous devonspercevoir l'œuvre dans son mode d'existence concret ; un tableau, destiné à embellir le salon par sa prouesse technique.
En écartant toute idée dereprésentation du réel, de désir de l'auteur de diffuser tel ou tel message, le spectateur ne perçoit l'œuvre qu'en tant qu'objet de beauté, dans son inutilitépremière.
C onsidérer l'œuvre comme fruit d'une technique, de talent, d'habileté de l'artiste empêche de s'y plonger trop profondément et de laisser saconscience chavirer.
Apparaît alors l'idée d'une manipulation de notre conscience par l'art.
Si nous devons tant nous préserver de l'art en ce qu'il peut transformer notreconscience du réel, n'y a-t-il pas un danger ? L'art peut-il nuire à notre liberté de penser ? L'art s'est, plus d'une fois, mis au service de la propagande.
L'art, plus que transformer notre conscience du réel, peut nous faire croire à l'irréel.
Il s'agit bien ici de l'exemple de la propagande.
Quand l'art semet au service de la tyrannie, il dispose de nombreuses armes pour rallier le peuple au dictateur.
Ainsi, dans l'URSS de Staline, par exemple, nombre detableaux le représentent souriant, en contre-plongée pour affirmer son pouvoir, le peuple semble heureux, et des drapeaux de toutes nations sont brandis,symbole d'unité.
T out cela est faux.
L'art est au service de l'enlisement des cerveaux, et en devient dangereux de par sa grande efficacité.
En effet, de telsmensonges parviennent à être crus par la population.
O n constate alors l'échec de la raison, une faiblesse de notre conscience.
Que penser alors de la conscience et de la liberté de l'Homme ? Sommes-nous donc si faibles, incapables de résister à un mal sous-jacent ?Conscience et liberté s'avèrent être fragiles et facilement manipulables.
Afin de ne pas laisser notre conscience être contrôlée, nous devons conservernotre liberté ; d'agir, de choisir, de penser.
Lorsque nous suivons nos désirs, nous ne sommes pas libres, puisque nous répondons à l'influence d'autre choseque soi.
Ainsi, en nous laissant guider par l'effet d'une toile, nous nous laissons persuader par le message qu'elle diffuse ; nous ne sommes pas libres, maisdéjà emprisonnés.
Pour être libre, il suffit de n'écouter que soi, sa raison, afin de ne pas abandonner si vite sa liberté de penser et sa conscience aux mainsde l'œuvre d'art.
Pour autant, faut-il absolument souhaiter préserver la conscience du réel ? Nous ne voyons pas forcément les choses de la meilleure façon qui soit,qu'elle soit exagérée ou peu développée.
A insi, si l'art permet de prendre conscience de la beauté et du caractère extraordinaire de choses simples qui nousentourent, faut-il préférer garder sa conscience du réel actuelle, et ne jamais les voir ? P arfois, ne faut-il pas accepter l'évolution, et reconnaître que notreconscience n'est pas la meilleure ? La confrontation à l'œuvre d'art permet alors une remise en question de notre conscience du réel, nécessaire à laconstruction de tout individu.
Finalement, l'art transforme notre conscience des choses réelles en facilitant une prise de conscience de la beauté de ce que l'on a, en percevantcomme agréable ce qui ne l'est pas a priori, ou encore en améliorant notre connaissance de la réalité du passé.
C ependant, comme le réel s'avère êtresupérieur à l'art, et que l'art peut être perçu comme une simple illusion que l'on peut combattre, ou tel le fruit d'une technique et d'un talent, nullemodification de conscience n'a lieu.
C ela est, dans un sens, préférable ; la conscience est à préserver de toute forme de propagande.
Toutefois, il vautparfois mieux qu'elle se modifie ; notre conscience du réel n'étant pas nécessairement la plus souhaitable..
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