L'art est-il une représentation illusoire de la réalité?
Publié le 02/01/2005
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Deuxième partie : L'art ne peut avoir pour fonction de simplement reproduire la nature.
2.1 Si l'art avait pour fonction de reproduire la nature il serait vain. « L'opinion la plus courante qu'on se fait de la fin que se propose l'art, c'est qu'elle consiste à imiter la nature...Dans cette perspective, l'imitation, c'est-à-dire l'habileté à reproduire avec une parfaite fidélité les objets naturels, tels qu'ils s'offrent à nous constituerait le but essentiel de l'art, et quand cette reproduction fidèle serait bien réussie, elle nous donnerait une complète satisfaction. Cette définition n'assigne à l'art que le but tout formel de refaire à son tour, aussi bien que ses moyens le lui permettent, ce qui existe déjà dans le monde extérieur, et de le reproduire tel quel. Mais on peut remarquer tout de suite que cette reproduction est un travail superflu, que ce que nous voyons représenté et reproduit sur de tableaux, à la scène où ailleurs: animaux, paysages, situations humaines, nous le trouvons déjà dans nos jardins, dans notre maison, ou parfois dans ce que nous tenons du cercle plus ou moins étroit de nos amis et connaissances. En outre, ce travail superflu peut passer pour un jeu présomptueux, qui reste bien en deçà de la nature. Car l'art est limité par ses moyens d'expression, et ne peut produire que des illusions partielles, qui ne trompent qu'un seul sens. En fait, quand l'art s'en tient au but formel de la stricte imitation, il ne nous donne, à la place du réel et du vivant que la caricature de la vie.
L'illusion est un état mental de celui qu’on abuse et qu’on trompe. Elle se différencie de l’erreur, acte de l’esprit jugeant vrai ce qui en réalité est faux. Il peut y avoir une positivité de l’illusion, cela apparaît moins possible pour l’erreur. L’illusion produit du réel. Cette croyance possède une fonction et un contenu positif. Néanmoins, même connue l’illusion peut se perpétuer sans vraiment se dissiper. Si l’erreur de jugement provoquée par l’illusion peut être corrigée, l’illusion, elle, persiste et n’est pas dissipée. L’illusion n’est donc pas la même chose qu’une erreur. Il y a en elle quelque chose de positif, alors que est simplement une « privation de connaissance «. Elle n’est pas non plus le mensonge qui procède essentiellement avec une intentionnalité, mais surtout par la présence d’un interlocuteur. Cependant, l’illusion pose le problème du mensonge à soi-même dans la mesure où illusion vient du latin « Illudere «, c’est-à-dire : jouer, abuser, tromper. Or qu’est-ce à dire de définir l’art comme une représentation illusoire de la réalité ? C’est insister sur le rapport d’imitation et le caractère trompeur de l’art. autrement dit, il s’agit dans une première lecture d’une vision critique de l’art notamment dans sa fécondité cognitive et gnoséologique. L’art ne serait qu’un divertissement ne permettant pas d’accéder à la vérité où à la réalité de la chose représenté. En effet, la « re-présentation « exprime bien ce rapport de dualité entre l’art et le réel : l’art serait un double, un reflet, un miroir du réel. Mais alors à quoi bon ? N’est-ce pas une entreprise démesurée de vouloir rivaliser avec la nature réduisant l’art à une simple question d’habileté ? N’est-ce pas réduire la portée conceptuelle de l’art et en faire un concept négatif ? L’art pourrait manifester l’essence des choses. Taxer l’art d’apparence est peut-être vrai mais il n’en reste pas moins qu’il permettrait de rendre sensible l’idée ce qui serait une tentative pour ressaisir positivement le concept d’art dans toute son acception et toute sa valeur. Et pourquoi aller plus loin en montrant que l’art en tant qu’illusion est nécessaire et cela peut-être en raison de la déception éprouvée face à un réel ne faisant plus ou pas sens pour nous. Dans ce cas, l’illusion serait un pieux mensonge : une illusion consolatrice. C’est donc suivant ces trois moments que nous entendons traiter de la question : « l’art est-il une représentation illusoire de la réalité ? «
«
2.2 La représentation artistique s'éloigne de la reproduction sans âme pour se rapprocher de l'expression.
« On peut soutenir, en un certain sens, que les progrès de la peinture, depuis ses imparfaits essais, ont consistéprécisément à se rapprocher du portrait.
Ce fut d'abord le sentiment religieux et mystique qui, le premier, sut créerl'expression de la vitalité intérieure.
L'art, à un plus haut degré de perfection, vivifia cet esprit en donnant plus devérité aux figures, en les rapprochant davantage de l'existence réelle, et, à mesure qu'il perfectionnait la formeextérieure, il entrait plus profondément encore dans l'expression de l'âme et du sentiment intime.Cependant, afin que le portrait soit aussi une oeuvre d'art véritable, il faut qu'en lui soit empreinte l'unité del'individualité spirituelle, et que le caractère spirituel soit le point important et dominant.
A cela, doivent concourirtoutes les parties du visage.
Le peintre, doué d'un sens physionomique plein de finesse, représente alors lecaractère original de l'individu, par cela même qu'il saisit et fait ressortir les traits, les parties qui l'expriment dans savivacité la plus claire et la plus saillante.
Sous ce rapport, un portrait peut être très ressemblant, d'une grandeexactitude d'exécution, et, néanmoins, insignifiant et vide, alors qu'une esquisse jetée en peu de traits par une mainde maître, sera infiniment plus vivante et d'une vérité plus frappante.
Une telle esquisse doit, par les traits vraimentsignificatifs, représenter l'image simple mais totale du caractère, que cette exécution sans talent, cette fidélitématérielle, a laissé échapper ou pas su faire ressortir.
» HEGEL, Esthétique.
Transition : Repenser l'art comme activité de représentation et d'expression introduit une relation de subordination de la première à la seconde.
Cependant si l'expression est comprise dans le sens restreint de manifestationconceptuelle, elle se heurte dans ce cas à l'indicible.
Dans ce cas c'est la représentation qui a le dessus dans lamesure où elle poursuit une finalité plus modeste.
Troisième partie : Subordonner la représentation à l'expression permet à l'art de ne pas être réduit à une simple reproduction de la nature cependant elle laisse en suspens un problème sous-jacent de l'expression à savoir :l'indicible.
3.1 Limitation de l'expression au profit de la représentation.
L'expression entendue comme manifestationspirituelle signifiante pose problème.
« L'Idée esthétique est une représentation de l'imagination associée à un concept donné, et qui se trouve liée à unetelle diversité de représentations partielles, dans le libre usage de celles-ci, qu'aucune expression, désignant unconcept déterminé, ne peut être trouvée pour elle, et qui donne à penser en plus d'un concept bien des chosesindicibles, dont le sentiment anime la faculté de connaissance et qui inspire à la lettre du langage un esprit.
» KANT,Critique de la faculté de juger, §49.
3.2 Le génie rend à nouveau possible l'expression comprise comme communication et traduction(manifestation indirecte).
« Le génie consiste proprement dans un heureux rapport, qu'aucune science ne peut enseigner et qu'aucun labeurne permet d'acquérir ; ce rapport est celui en lequel d'une part on trouve les Idées se rapportant à un conceptdonné et d'autre part l'expression qui leur convient, et par laquelle la disposition subjective de l'âme ainsi suscitée,comme accompagnant un concept, peut être communiquée à autrui.
Ce dernier talent est proprement ce que l'onnomme âme ; en effet exprimer et rendre universellement communicable ce qui est indicible dans l'état d'âme lorsd'une certaine représentation, que l'expression appartienne au langage, à la peinture, à la plastique, c'est là ce quiexige une faculté permettant de saisir dans sa marche rapide le jeu de l'imagination et de l'unifier dans un concept,qui peut être communiqué sans la contrainte de règles.
» KANT, Critique de la faculté de juger, § 49..
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