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L'art est-il un luxe nécessaire ?

Publié le 21/03/2009

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L'art est-il un luxe nécessaire ?

L’art désigne l’ensemble des œuvres produite par le travail humain qui permet aux hommes d’éprouver le sentiment de beauté. Ainsi contrairement à la technique, il n’a pas de finalité utilitaire, c’est-à-dire qu’il ne constitue pas  un moyen permettant d’atteindre une fin extérieure à lui.

Dans la mesure où l’art n’est pas un moyen nécessaire à la vie, il peut être pensé comme un luxe. Si ce qui maintient l’homme dans son être biologique est nécessaire, on peut appeler luxe tout ce qui dans le monde humain ne répond pas à l’ordre des besoins.

Si l’art est un luxe et que le luxe se caractérise par sa non appartenance à la sphère de la nécessité, il serait illégitime de définir l’art comme un luxe nécessaire. Cependant  ce qui est nécessaire à l’homme ne se réduit pas inéluctablement à une nécessité d’ordre biologique. En effet si l’homme ne e laisse pas entièrement définir comme un être biologique, alors ce qui est nécessaire à son existence ne peut se cantonner à une nécessité biologique, mais la déborde avec le champ spirituel.

 On pourrait alors penser l’art comme un luxe (par rapport à la nécessité biologique) nécessaire à l’existence de l’homme comme être spirituel. Toutefois si l’art est un luxe nécessaire du point de vue de l’esprit humain, il ne détient pas pour autant le monopole de cette nécessité spirituelle. L’arrachement à la naturalité biologique est en effet opéré par toutes les manifestations de la culture. Il convient donc de penser la culture toute entière comme un luxe nécessaire à notre humanité et par là même à réhabiliter peut être le concept de luxe traditionnellement condamné.

 Nous sommes dès lors confrontés à un paradoxe : si l’art est un luxe, il ne semble pas pouvoir être nécessaire dans la mesure où le luxe se définit comme ce qui n’est pas nécessaire et pourtant si l’art est un luxe par rapport à la nécessité naturelle, il est nécessaire à l’homme comme être spirituel. De ce paradoxe découle ce problème : la définition de l’art comme luxe nécessaire est-elle une définition qui rend bien compte de ce qu’est l’art ou doit-elle être invalidée comme incorrecte ou trop imprécise ?

« II L'art est un luxe nécessaire à l'existence de l'homme comme être spirituel _ L'art est un luxe auquel on ne pourrait reconnaître aucune nécessité si l'être de l'homme se réduisait à un êtrebiologique.

Or l'homme n'est pas qu'un être biologique, pourvu de besoins naturels qu'il lui faudrait nécessairementsatisfaire sinon il se confondrait avec les autres animaux.

Mais il se distingue des animaux par son esprit : l'hommeest un être biologique qui se distingue des autres êtres naturels par sa spécificité spirituelle.

En d'autres termesl'homme est d'abord avant tout un être spirituel ou civilisé.

C'est ce que l'on peut soutenir avec Freud dans Malaise dans la Civilisation : la civilisation désigne la totalité des œuvres et organisations dont l'institution nous éloigne de l'état animal de nos ancêtres et qui servent à deux fins : la protection de l'homme contre la nature et laréglementation des hommes entre eux.

Ainsi l'antithèse de l'art et du luxe l'utile est la première caractéristique de lacivilisation humaine: il s'agit pour l'homme de traiter toutes choses dans la nature comme des moyens en vue desatisfaire son propre intérêt.

Néanmoins la civilisation se caractérise également par cet inutile qu'est la beautééprouvée à la vue par exemple dans une ville de ces espaces sans utilité que sont les jardins publics.

Parconséquent l'homme est un être qui ne vit pas seulement dans l'ordre utilitaire de la nécessité biologique, maiségalement dans l'ordre inutile qu'est la beauté apportée par le luxe de l'art._ L'art est un luxe dont l'homme ne peut se passer.

En effet si l'homme est un être spirituel, il commence par vivreau sein du sensible avec lequel il peut avoir tendance à se confondre.

Par l'art, l'homme affirme qu'il ne participe passeulement du sensible dont il se sépare par la représentation.

Qu'est-ce qu'une représentation de la nature dansl'art comme par exemple dans la peinture hollandaise ? C'est l'affirmation par l'homme de sa capacité à frapper lemonde sensible « du sceau de son intériorité » afin de se l'approprier et de se rappeler à lui-même son être spirituel.C'est ce qu'on peut soutenir avec Hegel dans la quatrième section de l'introduction à son Esthétique : l'œuvre d'art vient de l'esprit; même l'art imitatif qui représente la nature proclame la liberté de l'esprit humain de se déprendre dusensible et de le transformer.

« Tout ce qui est spirituel est supérieur à la nature » Ainsi si on se réfère à l'arthollandais, on voit que les natures mortes représentent des objets insignifiants.

L'intérêt de ces œuvres ne peutdonc être dans leur sujet, c'est la raison pour laquelle c'est précisément dans cet art que l'on peut saisir l'idéalité del'art.

Ainsi si par rapport à l'ordre biologique des besoins, l'art est un luxe, il est un luxe nécessaire dans la mesure oùil permet à l'homme de s'affirmer comme être spirituel._ Pourquoi l'art serait un luxe nécessaire à l'existence humaine ? L'art est nécessaire à l'existence humaine dans lamesure où l'on peut constater la présence d'un art partout là où il y a humanité : des grottes de Lascaux à l'art leplus contemporain, la présence d'œuvre d'arts est synonyme de l'existence de l'homme.

Si l'art est nécessaire, c'estqu'il permet à l'homme de s'affirmer comme être spirituel.

En effet « par l'œuvre d'art, l'homme qui en est l'auteurcherche à exprimer la représentation qu'il a de lui-même ».

L'art est un fait universel qui s'il ne s'inscrit pas dans unhorion biologique peut être appelé un besoin du point de vue de l'esprit : l'universalité du besoin d'art résulte du faitque l'homme est un être pensant et doué de conscience.

En tant que doué de conscience, l'homme doit se placerdevant ce qui est de manière à s'en différencier en en faisant un objet pour son activité.

Ainsi l'enfant qui lance desgalets dans l'eau extériorise son être spirituel et le tatouage arrache l'homme à sa naturalité : « l'homme ne veutpas rester tel que la nature l'a fait ».

Par conséquent l'art est un luxe nécessaire à l'homme dans la mesure où grâceà lui il extériorise sa dimension spirituelle en s'appropriant le monde sensible.

: On pourrait alors penser l'art comme un luxe (par rapport à la nécessité biologique) nécessaire à l'existence del'homme comme être spirituel.

Toutefois si l'art est un luxe nécessaire du point de vue de l'esprit humain, il nedétient pas pour autant le monopole de cette nécessité spirituelle.

L'arrachement à la naturalité biologique est eneffet opéré par toutes les manifestations de la culture.

Il convient donc de penser la culture toute entière commeun luxe nécessaire à notre humanité et par là même à réhabiliter peut être le concept de luxe traditionnellementcondamné.

III Le Luxe est nécessaire à l'humanité créature du désir et non pas du besoin _ Si l'art est un luxe nécessaire dans la mesure où il arrache l'homme à sa naturalité biologique, il ne peut pourautant prétendre détenir le monopole de cette activité d'arrachement à la nature surplombant la nécessitébiologique.

En effet toutes les manifestations de la culture comme la religion, le langage, ou la philosophie sont desmanières pour l'homme de se séparer de la nature et de constituer pour lui-même son monde.

C'est ce que l'on peutsoutenir avec Mircea Eliade dans le Sacré et le Profane , par rapport à la religion : la religion est le processus par lequel l'homme se construit un monde à partir d'un centre ouvert sur le transcendant .

Ainsi la religion aussi bien quel'art est l'instrument par lequel l'homme produit un monde dans lequel il vit et qui ne se réduit pas à la simple sphèrede ses besoins.Par conséquent le monde entier de la culture humaine peut être pensée comme un luxe nécessaire à l'existence del'homme comme homme._ Si la culture et pas seulement l'art peut être pensée comme un luxe nécessaire à l‘humanité, c'est sans doute quel'homme est un être luxueux.

Qu'est-ce à dire ? Si le luxe est ce qui n'est pas nécessaire pour satisfaire les besoins,alors l'homme comme être luxueux est moins un être de besoins qu'un être de désir.

Le désir serait constitutif denotre humanité et désirer , ce serait toujours désirer quelque chose qui n'est pas essentiellement nécessaire d‘unpoint de vue biologique, mais comporte une part de superflu.

C'est ce que l'on peut soutenir avec Bachelard dans la Psychanalyse du feu : « la conquête du superflu donne une excitation spirituelle plus grande que la conquête du nécessaire » Pourquoi ? « l'homme est une créature du désir et pas une création du besoin » Parce que le luxe estune dimension dans l'être qui renvoie l'homme à sa dimension spirituelle désirante.

Le désir et la spiritualité ont cecide commun qu'ils ne peuvent jamais être satisfaits par la nature.

Or si l'homme est un être spirituel et que le luxe luirappelle à cette dimension de son être, c'est que le luxe ou le superflu constituent une nécessité spirituelle plus. »

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