l'art est-il mort ?
Publié le 22/10/2005
Extrait du document
Pourquoi se poser une telle question ?
Si la question de la mort de l’art se pose aujourd’hui c’est que, manifestement , l’art a dû revêtir un aspect plus « vivant « à un moment donné.
Deux interrogations pourraient, dès lors succéder à la première :
- Que signifie la vie (et la mort) de l’art ?
- Qu’est-ce qui signe cette rupture apparemment paradoxale entre un art passé vivant et un art présent mort ?
Car s’il est aisé de parler de la vie d’une plante ou d’un animal dans la mesure où l’un comme l’autre est précisément un être « vivant « (et en ce sens, également un être mortel), peut-on, de la même manière, parler d’une vie biologique de l’art ?
La réponse semble aussi évidente que l’absurdité de la question !
L’art n’est pas un être vivant mais il est le fruit de l’intelligence et de la sensibilité humaine. Il s’agira donc d’une autre forme de vie.
En effet, en évoquant une vie de l’art, on se place immanquablement dans un contexte historique où semblent devoir être mis en relation un avant et un après, autrement dit, un passé et un présent de l’art.
Et cette réticence présente d’un avenir de possible de l’art semble intimement liée aux mutations qu’a pu subir la représentation artistique au cours des siècles, voire des millénaires.
«
« D'après l'opinion courante, la beauté créée par l'art serait même bien au-dessous du beau naturel, et le plus grand mérite de l'art consisterait à serapprocher, dans ses créations, du beau naturel.
S'il en était vraiment ainsi,l'esthétique, comprise uniquement comme science du beau artistique,laisserait en dehors de sa compétence une grande partie ou domaineartistique.
Mais nous croyons pouvoir affirmer, à l'encontre de cette manièrede voir, que le beau artistique est supérieur au beau naturel, parce qu'il estun produit de l'esprit.
L'esprit étant supérieur à la nature, sa supériorité secommunique également à ses produits et, par conséquent, à l'art.
C'estpourquoi le beau artistique est supérieur au beau naturel.
Tout ce qui vientde l'esprit est supérieur à ce qui existe dans la nature.
La plus mauvaise idéequi traverse l'esprit d'un homme est meilleure et plus élevée que la plusgrande production de la nature, et cela justement parce qu'elle participe del'esprit et que le spirituel est supérieur au naturel.
» HEGEL, Introduction à l'Esthétique (1835), coll.
"Champs", Aubier-Montaigne, 1964, p.
10, trad.
S.Jankélévitch
Dans des notes de cours qui ont reçu le titre d' « Esthétique » (posthume),Hegel (1770-1831) écrit: «L'art occupe le milieu entre le sensible pur et lapensée pure.
» Une formule plus rigoureuse précise: «Le contenu d'une œuvred'art est tel que, tout en étant d'ordre spirituel, il ne peut être représenté que sous une forme naturelle.
»Il s'agit, pour l'auteur de la « Phénoménologie de l'esprit » et de la « Logique », de montrer la haute valeur spirituellede l'art, de souligner ses affinités avec la religion et la philosophie, mais aussi- d'en assigner les limites: « L'art restepour nous, quant à sa suprême destination, une chose du passé.
»Contre tous ceux qui font de l'art une activité opposée à la pensée et au concept, que ce soit au nom del'enthousiasme, du génie, de l'inspiration, Hegel réaffirme la valeur spirituelle de l'art.
L'art ne s'oppose pas à laphilosophie, à la science, à la religion.
Il ne se réduit pas à l'exaltation du sentiment, au jeu, à l'expressionpersonnelle.
Si l'œuvre d'art s'offre aux sens, agit sur notre sensibilité, elle n'en présente pas moins, bien aucontraire, une valeur intellectuelle.
« L'art occupe le milieu entre le sensible pur et la pensée pure » signifie d'abordque si l'œuvre d'art se présente comme un objet, offert aux sens, elle vise la pensée et possède un contenu spirituelde la plus haute importance.
Si:«L'homme s'est toujours servi de l'art comme d'un moyen de prendre conscience des idées et des Intérêts les plusélevés de son esprit, les peuples ont déposé leurs conceptions les plus hautes dans les productions de l'art, les ontexprimées et en ont pris conscience par le moyen de l'art.
»
C'est que: « la plus haute destination de l'art est celle qui lui est commune avec la religion et la philosophie ».
Il suffirait pour s'en convaincre de se souvenir de ce que furent la tragédie grecque ou l'architecture médiévale.Formidable moyen d'éducation, l'art religieux manifeste l'expansion du christianisme comme il permet d'apprendre à lapopulation illettrée l'histoire sainte.
La tragédie grecque, véritable institution politique (la totalité des citoyensassistait aux concours tragiques), représente un moyen pour la cité de s'interroger sur elle-même, sur ses mythes,sur ses valeurs, sur la place respective des dieux et des hommes, sur la responsabilité humaine, etc.Dans l'art véritable n'apparaît pas seulement l'expression personnelle du génie de l'artiste, mais aussi toutes lesinterrogations et les conceptions d'une époque qui se donnent une forme objective (celle de l'œuvre); l'œuvre estmoyen pour l'esprit de se contempler lui-même.Le génie d'un peuple, « ses idées et ses intérêts les plus hauts » sont extériorisés par le moyen de l'œuvre d'art.
Lespensées s'y donnent une forme objective, sensible, qui permet à nos conceptions de devenir lisibles, accessibles.Hegel y voit la source du besoin d'art.
Toutes les sociétés humaines, aussi « primitives » qu'elles paraissent, onttoujours connu une activité artistique, parce que:
« l'œuvre d'art est un moyen à l'aide duquel l'homme extériorise ce qu'il est », c'est-à-dire prend conscience de cequ'il est.
Ainsi, quelle que soit la part d'apparence et d'emprunt au sensible qui se manifeste dans l'œuvre: « cesformes ou ces sons sensibles, l'art les crée non pour eux-mêmes et tels qu'ils existent dans la réalité immédiate,mais pour la satisfaction d'intérêts spirituels supérieurs ».Si l'on voit alors clairement pourquoi: « l'art occupe le milieu entre le sensible pur et la pensée pure », reste à leverdeux objections.
Celle qui fait de l'activité artistique une simple imitation de la nature, ou celle qui ne voit dans l'artqu'un simple jeu d'apparence et d'illusion.Hegel n'a pas de phrases trop dures pour ceux qui font de l'art une simple imitation de la nature.
« Il y a desportraits dont on a dit spirituellement qu'ils sont ressemblants jusqu'à la nausée.
» Si l'œuvre n'était qu'une simplecopie de la nature, elle n'aurait aucune valeur.
En effet, créer se réduirait à une simple routine, à une habileté,puisque le contenu de l'œuvre et sa matière seraient fournis par le modèle.
L'homme n'y produirait rien de lui-même.En ce cas, l'homme pourrait « être fier d'avoir inventé le marteau, le clou, car ce sont des inventions originales etnon imitées».De même, voir dans l'œuvre un simple jeu, un simple travail d'illusionniste est méconnaître l'activité artistique.
Endéclarant:« L'art creuse un abîme entre l'apparence et l'illusion de ce monde mauvais et périssable d'une part, et le contenuvrai des événements de l'autre, pour revêtir ces événements et phénomènes d'une réalité plus haute, celle de.
»
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