l'art est-il étranger a la réalité quotidienne ?
Publié le 22/10/2005
Extrait du document
C'est cette extériorité qui est soit considérée de façon neutre ou péjorative qui nous invite à nous intéresser au rapport que l'art entretient avec elle. L'art étant une activité proprement humaine, comment se situe-t-il face à ce qui semble être extérieur, face à ce qui semble être toujours déjà là ? Nous allons voir que cette opposition radicale entre un art qui ne se conjuguerait qu'à la première personne, et une réalité quotidienne, qui incarnerait une troisième personne imposée est à nuancer. Le caractère étranger de l'art n'est pas si évident que cela. S'il est vrai que l'évasion artistique est un lieu commun, il va s'agir de voir jusqu'à quel point ce topos tient. Dans quelle mesure l'art est-il cet entre deux entre réalité quotidienne et évasion – mais s'évader c'est toujours s'évader de quelque chose ?...
«
« Est beau ce qui plaît universellement sans concept ».
Comme pour Kant être sensible à la beauté implique une sensibilité dépourvue de ses intérêts particuliers, leplaisir éprouvé n'est pas un plaisir particulier – le sujet dit « c'est beau » car pour lui c'est comme si la beauté était dans l'objet.
Le sujet s'attend donc à ce que tout un chacun éprouve la même satisfaction.Autrement dit car c'est ce qui nous intéresse ici, la sensibilité au beau est présente en tout un chacun – onpeut donc dans un sens parler d'art populaire.
2.
L'art comme reproduction de la réalité quotidienne
L'art prend souvent comme point de départ la réalité – on peut penser à la nature morte mais aussi auxpeintres hollandais.
L'expression nature morte désigne un sujet constitué d' objets inanimés (fruits, fleurs, vases, etc.) ou d'animaux morts
HEGEL, Esthétique , T.1
"Le contenu peut-être tout à fait indifférent et ne présenter pournous, dans la vie ordinaire, en dehors de sa représentation artistique,qu'un intérêt momentané.
C'est ainsi, par exemple, que la peinturehollandaise a su recréer les apparences fugitives de la nature et entirer mille et mille effets.
Velours, éclats de métaux, lumière, chevaux,soldats, vieilles femmes, paysans répandant autour d'eux la fumée deleurs pipes, le vin brillant dans des verres transparents, gars en vestessales jouant aux cartes, tous ces sujets et des centaines d'autres qui,dans la vie courante, nous intéressent à peine, car nous-mêmes,lorsque nous jouons aux cartes ou lorsque nous buvons et bavardonsde choses et d'autres, y trouvons des intérêts tout à fait différents,défilent devant nos yeux lorsque nous regardons ces tableaux.
»
3.
Le caractère ambigu de la reproduction
Le double est à la fois le même et l'autre.
C.
ROSSET, Le réel et son double
Rosset dans cet ouvrage reprend pour montrer l'ambiguïté inhérente àla reproduction l'exemple de Cratyle.
« La meilleure reproduction de Cratyle implique nécessairement unedifférence d'avec Cratyle.
»
On le voit : l'art est omniprésent dans la réalité quotidienne, soit comme omniprésent au sein de celle-ci, soitcomme reproduction de celle-ci.
Pourtant la reproduction de la réalité quotidienne implique de l'altérité ausein du même.
Si l'art n'est pas dans son essence étranger au quotidien, il peut être un moyen de s'endétacher, voire de le fuir.
II.
L'art comme fuite par rapport à la réalité
1.
La reproduction de la réalité n'est pas la simple répétition du quotidien – elle est déjàdétachement spirituel de celle-ci.
HEGEL, Esthétique I
« Mais ce qui nous attire dans ces contenus, quand ils sont représentés par l'art, c'est justement cetteapparence de cette manifestation des objets, en tant qu'oeuvres de l'esprit qui fait subir au monde matériel,extérieur et sensible, une transformation en profondeur.
Au lieu d'une laine, d'une soie réelles, de cheveux,de verres, de viandes et de métaux réels, nous ne voyons en effet que des couleurs, à la place dedimensions totales dont la nature a besoin pour se manifester nous ne voyons qu'une simple surface, et,cependant, l'impression que nous laissent ces objets peints est la même que celle que nous recevrions sinous nous trouvions en présence de leurs répliques réelles...
Grâce à cette idéalité, l'art imprime une valeur àdes objets insignifiants en soi et que, malgré leur insignifiance, il fixe pour lui en en faisant son but et enattirant notre attention sur des choses qui, sans lui, nous échappaient complètement.
L'art remplit le mêmerôle par rapport au temps et, ici encore, il agit en idéalisant.
Il rend durable ce qui, à l'état naturel, n'est quefugitif et passager ; qu'il s'agisse d'un sourire instantané, d'une rapide contraction sarcastique de la bouche,ou de manifestations à peine perceptibles de la vie spirituelle de l'homme, ainsi que d'accidents etd'événements qui vont et viennent, qui sont là pendant un moment pour être oubliés aussitôt, tout cela l'artl'arrache à l'existence périssable et évanescente, se montrant en cela encore supérieur à la nature.
»
2.
L'art comme fuite du réel – mais pourquoi fuir le réel ?
Le réel étant décevant, l'homme a besoin de fuir le réel.
L'art est une issue de secours, une issue d'évasion..
»
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