Devoir de Philosophie

L'art de raisonner se réduit à une langue bien faite

Publié le 21/09/2011

Extrait du document

langue

 

Dans le Traité des sensations, écrit en 1754, Etienne Bonnot de Condillac, penseur des Lumières, nous dit que le langage, qui est une invention humaine, a un rôle déterminant dans l'élaboration de la pensée, car lui seul permet d'atteindre l'abstraction et la combinaison d'idées. Cela implique qu'aucune idée n'existe en dehors de sa dénomination, c'est-à-dire en dehors du langage et que celui-ci fonctionne comme une sorte de modèle de tous les savoirs.

Il résume cela de la manière suivante : « L'art de raisonner se réduit à une langue bien faite «.Examinons cette phrase de manière plus détaillée. 

 

langue

« détournée.

Sans exercer cette prose « pompeuse », il n'aurait sans doute pas obtenu le fameux fromage qu'ilconvoitait.

Bien sûr, il s'agit ici d'une fable, mais pareille observation peut être faite dans l'exemple du « curriculumvitae ».

Quel que soit le poste proposé, nous sommes jugés sur notre capacité à nous présenter en maniant lalangue avec précision alors qu'étant embauchés, nous ne devrons probablement pas écrire des CV toute la journée.Dans cet exemple, nous voyons qu'une langue bien faite est la condition sine qua non de notre ascension sociale.

Enfin, constatons que le niveau d'études est intimement lié au niveau de maîtrise d'une langue.

Le simple fait de pouvoir disserter sur un sujet précis suppose déjà une certaine connaissance des règles langagières.

Et plus onavance dans les études, plus on se rend compte que la langue devient précise et se spécialise.

Il suffit pour s'enconvaincre de s'intéresser au cas de la médecine et des années de préparation nécessaires à cette discipline afind'acquérir le vocabulaire adéquat pour pouvoir poser des diagnostics.

Admettons donc que la capacité à raisonner est ce qui fait avancer l'humanité et que cette faculté trouve sa naissance dans la possibilité de maîtriser une langue ou, dans une moindre mesure, d'acquérir le langage. A l'inverse, nous pouvons également émettre l'idée qu'une « langue bien faite » ne soit pas la seule condition nécessaire dans l'art de raisonner.

En effet, considérons déjà qu'une langue ne peut être « bien faite, parfaite » car cela reviendrait à dire qu'elle est un ensemble « fini », donné une fois pour toutes.

Or, selon Ferdinand de Saussure, linguiste de renom, lessignes qui la composent résultent d'une convention arbitraire établie par l'homme.

Ainsi, le nom donné à une couleurdans la langue française, ne correspondra pas forcément à la même gamme de tons dans une autre langue.

C'estcette dimension subjective qui donne à une langue sa saveur, sa personnalité, qui la caractérise et la rend vivante.Une langue constitue en quelque sorte la mémoire d'une collectivité, elle se nourrit de la vie des gens et évolueconstamment, s'améliorant au fil du temps et au gré des civilisations.

La volonté d'établir une langue unique,l'Espéranto, fut d'ailleurs un échec car cette langue n'avait pas de passé et donc pas d'âme ! De plus, si la langue est commune à un ensemble d'individus, le discours en revanche, c'est-à-dire la manière de se servir de cette langue, est individuel et propre à chacun.

Ce n'est donc pas la simple existence de cettelangue qui détermine la qualité du raisonnement mais bien la façon de s'en servir, puisque chaque combinaison demots est personnelle.

Pour valider notre hypothèse, il suffit de retourner le problème.

Si nous possédions une langueparfaite, le simple fait de l'utiliser aboutirait à un raisonnement unique.

Or ce sont les façons illimitées d'utiliser unemême langue qui sont à l'origine de la diversité des opinions et des points de vue.

C'est d'ailleurs de là que naissentles idées, déclinables à l'infini.

Par ailleurs, réduire l'art de raisonner à une langue « bien faite » supposerait qu'il ne soit réservé qu'à une petite partie de la société : les érudits, les philosophes et autres intellectuels qui auraient les moyens de s'instruire.Or, dans la réalité, on voit qu'il est possible de communiquer, et donc de raisonner avec très peu de mots.

Prenonsl'exemple des tribus primitives qui ont découvert le feu.

Ils ne possédaient qu'un langage très restreint, composé enmajorité de bruits et ont pourtant pu se servir de ce nouvel outil pour s'éclairer, cuire des aliments et se chauffer.L'art de raisonner n'est donc pas conditionné par la maîtrise d'une langue, mais peut déjà se faire au départ d'imagesmentales, de comparaisons et d'observations de la réalité et ce, même sans avoir forcément accès au langage. Afin de réconcilier ces deux points de vue, nous pouvons dire qu'une langue bien faite constitue seulement un outil parmi d'autres au service de la raison et que le choix nous appartient de l'utiliser comme bon nous semble.Nous le faisons d'ailleurs tous les jours en y ajoutant d'autres outils tels que la nuance, la personnalité et surtoutl'émotion, élément essentiel pour persuader autrui et essence même de notre humanité.

En conclusion, on ne peut réduire l'art de raisonner à une langue bien faite, car même si aujourd'hui, celle-ci est nécessaire pour se faire une place dans la jungle de la société actuelle, elle ne constitue pas une conditionsuffisante à la réflexion mais n'est qu'un outil à son service. Personnellement, je pense qu'il faut concevoir le problème de façon plus large.

En effet, aujourd'hui nous vivons davantage dans une société d'images plutôt que dans une société de mots.

Génération bercée par la publicité et latélévision, les ordinateurs et Internet : cela ne nous empêche pas de raisonner, de brasser des idées et d'obtenirdes résultats.

Pensez à ce qu'il se passe actuellement dans les pays arabes : une révolution qui a démarrévirtuellement sur « Facebook », par la publication d'images de violence à l'égard de la population et remettant encause le pouvoir en place.

Cette révolution a pourtant fini par se matérialiser dans la rue, sans pour autant avoir eubesoin de recourir à une « langue bien faite ». En nuançant le slogan d'un magazine célèbre, je dirais qu'actuellement, le poids des mots est de moins en moins important par rapport au choc des … oh, zut ! Dire que je l'ai sur le bout de la langue ! Vous voyez ce que je veuxdire ? C'est peut-être à cela qu'il faudrait réfléchir aujourd'hui …. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles