L'ART CHEZ PLATON ET NIETZSCHE
Publié le 29/05/2012
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NIETZSCHE bouleverse l'opposition platonicienne de l'illusion artistique et de la vérité de l'Idée. Il écrit, à l'occasion d'une réflexion sur son premier ouvrage, La Naissance de la tragédie: «le rapport de l'art à la vérité est l'une des premières questions qui m'ait rendu grave dès les débuts; et aujourd'hui encore j'éprouve une horreur sacrée devant cette discordance«, attestant ainsi la persistance de ce problème dans sa philosophie...
«
Dans ce dernier texte, PLA TON dispose sur une ligne continue les différents objets existants en fonction de
leur degré
d'être et d'intelligibilité.
Après avoir divisé cette ligne en deux segments inégaux correspondants
respectivement au genre visible et au genre intelligible
PLA TON divise à nouveau chacun des deux segments
«selon le même rapport» de telle façon que le genre visible comporte deux parties inégales, l'une représentant
les copies, l'autre les vivants et objets fabriqués (voir la représentation de cette ligne à la page 23 de votre
recueil de textes).
Nous avons ainsi un segment correspondant à l'image sensible,
un autre à la réalité sensible.
La première section représente tout
ce que nous pouvons regrouper sous le terme générique d'image: ombres,
reflets, copies.
L'image ressemble à l'original tout en
en différant,et pour juger de la ressemblance, il faut se reporter à l'original;
l'image
n'a pas en elle-même son principe d'intelligibilité et peut présenter de multiples variations par rapport
à l'original, être plus ou moins fidèle.
A chacun de
ces segments correspond un état de l'âme.
Au premier segment, celui qui nous intéresse ici,
correspond la fiction ou illusion, aux autres successivement la croyance, la pensée raisonnante, enfin l'intelligence.
Le peintre est au dernier rang dans cette hiérarchie de l'être et de la connaissance :
il ne produit qu'une illusion
de lit, non un lit, dont
il ignore les règles de fabrication.
Tous les beaux-arts sont des arts de la tromperie;
arts d'imitation, ils sont
ce qu'il y a de plus étranger à l'être vrai.
L'artiste est soit un naïf qui est dupe de
ses propres illusions, soit un malhonnête qui vise à tromper autrui.
Dans tous les cas, l'illusion est étrangère
à la nature même de l'objet et suppose l'intervention
d'un sujet.
L'ascension vers la vérité doit nécessairement passer
par le rejet de l'illusion : il faut se déprendre de cette
apparence et de cette fausse croyance, récuser ces trompe-l'œil et ces faux-semblant que doit dissiper la pleine
reconnaissance de la réalité; retrouver par-delà l'image son modèle et son principe d'intelligibilité.
NIETZSCHE bouleverse l'opposition platonicienne de l'illusion artistique et de la vérité de l'Idée.
Il écrit,
à l'occasion
d'une réflexion sur son premier ouvrage, La Naissance de la tragédie: «le rapport de l'art à la
vérité est
l'une des premières questions qui m'ait rendu grave dès les débuts; et aujourd'hui encore j'éprouve
une horreur sacrée devant cette discordance», attestant ainsi la persistance de
ce problème dans sa philosophie.
NIETZSCHE commence
par interpréter cette opposition platonicienne entre l'art et la connaissance.
Que
représente,
se demande-t-il, l'apparition de SOCRATE-PLATON?« SOCRATE est le type de l'optimisme
théorique qui, en croyant pouvoir pénétrer la nature des choses, confère au savoir et à la connaissance la
vertu
d'un remède universel ...
»(Origine de la tragédie, chap.
15).
SOCRATE( ...
et la tragédie grecque)
en périt; mais
si SOCRATE-PLATON a combattu et vaincu l'illusion artistique c'est, selon NIETZSCHE,
au nom
d'une autre illusion: celle de la vérité comme remède.
NIETZSCHE brouille l'opposition art/vérité:
pour lui la vérité est elle-même une illusion (comme celle que produit l'art mais d'un autre type), celle de
«pouvoir guérir de cette manière l'éternelle blessure de l'existence».
Contre PLATON, on rencontre constamment chez NIETZSCHE une apologie de l'art liée à la reconnaissance
d'une fonction positive de l'illusion,
et cette apologie de l'art va de pair avec une réhabilitation, contre PLATON
et le christianisme, du sensible : l'art est d'abord consentement au sensible, à l'apparence, à tout ce qui n'est
pas
le «monde vrai».
Pour NIETZSCHE, le sensible est seul réel; il faut partir du corps et en finir avec
tous les arrière-mondes.
Toute évaluation doit partir de là,
se fonder sur l'être organique, et c'est de ce seul
point de vue
qu'il importe de juger de l'art et de la vérité.
L'art doit d'abord se comprendre à partir de l'artiste, de son mode de vie, de l'état de ses forces.
L'artiste
est
d'abord un producteur, et l'art manifeste au plus haut point une force créatrice, une faculté de produire,
et à cet égard
il apparaît comme le principe d'institution de nouvelles valeurs.
L'art, chez NIETZSCHE, dépasse
largement
ce qu'on entend habituellement par les beaux-arts: il faut entendre ici toute création de formes,
tout aménagement de l'environnement dans
le but de l'adapter à ses propres aspirations.
Tout déploiemènt
de l'activité humaine doit
se comprendre à partir de l'art et de la force créatrice de formes qu'elle manifeste.
Cette force créatrice est à son paroxysme dans l'ivresse; l'état créateur fondamental, c'est l'ivresse, état voisin
de l'extase, qui donne une sensation de plénitude et de force intensifiée,
«l'ivresse, comme volonté débordante
d'énergie
accumulée».
L'ivresse est proprement l'état esthétique dans la mesure où elle fait violence aux choses :
«Les artistes ne doivent pas voir les choses comme elles sont, mais avec plus de plénitude, plus de simplicité,
plus de force; pour cela
il faut qu'une sorte de jeunesse et de printemps, une sorte d'ivresse habituelle leur
soient
propres».
L'ivresse est une force d'art dans la mesure où, corrélativement, elle intensifie le sentiment
de soi, de sa puissance et porte à négliger, à contraindre
les choses, à les transformer..
»
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