L'ARGUMENT ONTOLOGIQUE
Publié le 24/03/2015
Extrait du document
TEXTE
« Ayant accoutumé dans toutes les autres choses de faire
distinction entre l'existence et l'essence, je me persuade aisément que l'existence peut être séparée de l'essence de Dieu et qu'ainsi on peut concevoir Dieu comme n'étant pas actuellement. Mais néanmoins lorsque j'y pense avec plus d'attention je trouve mani¬festement que l'existence ne peut non plus être séparée de l'essence de Dieu que de l'essence d'un triangle... la grandeur de ses trois angles, égaux à deux droits ou bien de l'idée d'une montagne l'idée d'une vallée ; en sorte qu'il n'y a pas moins de répugnance de concevoir un Dieu (c'est-à-dire un être souve¬rainement parfait) auquel manque l'existence (c'est-à-dire auquel manque quelque perfection) que de concevoir une montagne qui n'ait point de vallée.
« Mais encore qu'en effet, je ne puisse pas concevoir un Dieu sans existence non plus qu'une montagne sans vallée, toutefois, comme de cela seul que je conçois une montagne avec une vallée, il ne s'ensuit pas qu'il y ait aucune montagne dans le monde, de même aussi quoique je conçoive Dieu avec l'exis¬tence, il semble qu'il ne s'ensuit pas pour cela qu'il y en ait aucun qui existe : car ma pensée n'impose aucune nécessité aux choses ; et comme il ne tient qu'à moi d'imaginer un cheval
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ailé, encore qu'il n'y en ait aucun qui ait des ailes, ainsi, je pourrais peut-être attribuer l'existence à Dieu, encore qu'il n'y eût aucun Dieu qui existât. Tant s'en faut, c'est ici qu'il y a un sophisme caché sous l'apparence de cette objection : car de
ce que je ne puis concevoir une montagne sans vallée, il ne s'ensuit pas qu'il y ait au monde aucune montagne, ni aucune vallée, mais seulement que la montagne et la vallée soit qu'il
y en ait soit qu'il n'y en ait point ne se peuvent en aucune façon séparer l'une avec l'autre ; au lieu que, de cela seul que je ne puis concevoir Dieu sans existence, il s'ensuit que l'existence est inséparable de lui et partant qu'il existe véritablement non pas que ma pensée puisse faire que cela soit de la sorte et qu'elle impose aux choses aucune nécessité ; mais au contraire, parce que la nécessité de la chose même, à savoir de l'existence de Dieu détermine ma pensée à le concevoir de cette façon. Car
il n'est pas en nia liberté de concevoir un Dieu sans existence (c'est-à-dire un être souverainement parfait sans une souveraine
perfection) comme il m'est libre d'imaginer un cheval sans ailes
ou avec des ailes... «
(Descartes, Méditation cinquième.)
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ailé, encore qu'il n'y en ait aucun qui ait des ailes, ainsi, je
pourrais
peut-être attribuer l'existence à Dieu, encore qu'il n'y
eût aucun Dieu qui existât.
Tant s'en faut, c'est ici qu'il y a
un sophisme caché sous l'apparence de cette objection : car de
ce que je ne puis concevoir une montagne sans vallée, il ne
s'ensuit pas qu'il y ait au monde aucune montagne, ni aucune
vallée, mais seulement que la montagne et la vallée soit qu'il
y en ait soit qu'il n'y en ait point ne se peuvent en aucune façon
séparer
l'une avec l'autre; au lieu que, de cela seul que je ne
puis concevoir Dieu sans existence, il s'ensuit que l'existence
est inséparable de lui
et partant qu'il existe véritablement non
pas que ma pensée puisse faire que cela soit de la sorte et qu'elle
impose aux choses
aucune nécessité ; mais au contraire, parce
que la nécessité de la chose même, à savoir de l'existence de
Dieu détermine ma pensée à le concevoir de cette façon.
Car
il n'est pas en ma liberté de concevoir un Dieu sans existence
(c'est-à-dire
un être souverainement parfait sans une souveraine
perfection)
comme il m'est libre d'imaginer un cheval sans ailes
ou avec des ailes ...
,,
(Descartes, Méditation cinquième.)
COMMENTAIRE
a) Présentation du texte
L'itinéraire métaphysique de Descartes lui interdit d'utiliser la
preuve la plus commune de l'existence de Dieu, celle qu'invoque Thomas d'Aquin et qui remonte de l'existence du monde et de
ses mouvements à une cause première et à un premier Moteur.
Descartes a mis le monde en doute.
C'est à partir du moi pen
sant (qui a en lui l'idée de Dieu) qu'il remonte à Dieu dans la
Troisième Méditation.
C'est de l'idée de Dieu elle-même qu'il conclut ici, dans la Cinquième Méditation, à l'existence de Dieu .
Car l'idée d'un être parfait implique l'existence, cette « perfec tion » parmi les autres .
b)
Explication détaillée du texte
« ...
Ayant accoutumé dans toutes les autres choses de
faire distinction entre l'existence et l'essence, je me per· suade aisément que l'existence peut être séparée de l'essence de Dieu ...
» Descartes s'aperçoit bien que son argument sera discuté.
Conclure de l'idée de Dieu à l'existence de Dieu « semble
181.
»
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