L'application du droit dépend-elle des circonstances ?
Publié le 17/01/2022
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Réfléchir sur le droit, c'est d'abord se heurter à une abstraction sans cesse reprise par les juristes, les philosophes du droit, les politiques. Que pouvons-nous dire du droit ? Premièrement, le droit dit le juste et dénonce l'injuste et fixe ainsi les limites entre d'une part, le possible, le permis, le légal et d'autre part, l'interdit, l'illicite, l'illégal. Le droit est donc source de limites, c'est là un point commun avec la morale donc il est parfois difficile de le distinguer. La justice et le droit, est-ce la même chose ? Deuxièmement, le droit se dit dans les lois, les règles de droit plus précisément : celles-ci expriment le droit. Le droit est donc organisation, ordre et source de contrastes. Troisièmement, le droit c'est le pouvoir que chacun détient lorsqu'il pense avoir le droit de faire ceci ou cela, comme une liberté qu'il s'octroie ou que le droit en vigueur lui reconnaît. Le droit s'impose d'abord à nous comme réalité sociale. Qu'est-ce que la réalité du droit ? Et de qui dépend-il ?
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Kant, après Montesquieu, a répondu à cette question en disant : "Le droit est rapport".
II - UNE DEMARCHE POSSIBLE
A - LE DROIT FACE AU FAIT
Il y a des faits ; des faits naturels, par exemple la production d'une éclipse ; des faits historiques ou sociaux, parexemple le sacre de Napoléon.
Parmi les faits sociaux figurent notamment de nombreux cas de violence : tellepersonne a été agressée par telle autre.On peut considérer qu'un tel fait n'est pas « normal », cad ne devrait pas avoir lieu.
Une norme, c'est un idéalporteur de l'exigence que les faits s'y conforment.
Par exemple, il y a des normes de sécurité en matièred'installation électrique : il est exigé de la mise en place des fils qu'elle se conforme à un certain type de dispositionantérieurement défini.Le droit se présente comme une série d'énoncés normatifs : précisément parce qu'un certain nombre decomportements observés ou possibles dans le cadre d'une société donnée ne sont pas acceptables, on a imaginé denormer les comportements par des règles de droit, ou règles juridiques (du latin « jus », le droit), qui instituent desdevoirs en prononçant l'interdiction de certains comportements, ou l'obligation d'en adopter d'autres ; dans certainscas, on peut juger utile de préciser que certains comportements sont permis, mais il est moins indispensable de lefaire, car il suffirait de poser en principe que tout ce qui n'est pas interdit est permis.
Ainsi les systèmes juridiquesse construisent sur la base d'un refus du fait brut, et notamment de la violence entre les particuliers, ou entre lesgroupes.
Le droit n'est pas le fait.
Face au fait, que représente la lutte des hommes dans la nature afin de se conserverégoïstement ? Le droit est ce qui pose une règle au-dessus de cet état destructeur : celle de la réciprocité.
Cette règle permet à chacun de se conserver en conservant l'autre.
Marcel MAUSS dans L'Essai sur le Don a montré qu'il s'agissait là du fondement de la société.
ROUSSEAU, dans leContrat Social , avant MAUSS, a découvert qu'il s'agissait là de la rationalité du lien social.
En ce sens, le droit ne saurait se plier à tout.
Toute sa vertu, il la trouve dans le fait d'avoir force de droit face à laforce aveugle.
Chacun se rend compte qu'au sein d'une société, tous les comportements ne peuvent être laissés libres : desinterdictions et des obligations sont nécessaires à la coexistence.
On peut justifier le droit avant tout par lesbesoins coexistence pacifique au sein d'une société.
Aussi longtemps que les individus préfèrent une liberté totale,qui leur permette de s'en prendre à qui leur déplaît, ou à celui dont les biens les attirent, et tiennent à se défendreeux-mêmes par les moyens de leur choix, un passage volontaire à l'état de droit est exclu.Le processus théorique du passage à l'état de droit, et à l'institution d'un Etat chargé de l'administrer, est évoquédans le « Léviathan », où Hobbes présente l'état de nature comme marqué par la rivalité et la défiance, et donccomme un état de guerre de tous contre tous : rivalité et défiance, liées aux passions, ne règnent-elles d'ailleurspas toujours dans nos sociétés, malgré la protection des lois ? Cependant, dans un tel état de liberté naturelle,personne ne se trouve assez en sécurité pour jouir de sa vie et de ses biens, et aucune activité utile auperfectionnement de l'espèce humaine ne peut se développer correctement : un égoïsme intelligent doit doncconduite, selon Hobbes, à vouloir la paix, par une limitation de la liberté des autres, qu'on cherchera à rendre acceptable en acceptant soi-même de renoncer à son droit naturel d'agirlibrement.
De là l'institution d'un contrat entre les particuliers, le renoncementmutuel à la liberté naturelle, la transmission consentie de cette liberté à uneautorité politique dont Hobbes estime que le pouvoir doit être absolu, et lamise en place par celle-ci d'une réglementation juridique positive destinée àassurer pacifiquement la coexistence.On notera ce paradoxe que la liberté ne survit pas au régime de la libertétotale, dans la mesure où un tel régime permet au plus fort du moment,d'opprimer celui qui se trouve à ce moment-là plus faible que lui.
La liberté adonc besoin d'être protégée par des règles, de se réglementer : « il n'y apoint de liberté sans lois, ni où quelqu'un est au-dessus des lois » (« Lettresécrites de la montagne »).
La question est seulement de savoir jusqu'où :l'autoritarisme de Hobbes est favorable à une réglementation trèscontraignante, les libéraux opteront pour des solutions plus légères, plusrespectueuses des droits de l'individu.On a adressé à Hobbes diverses objections.
Au siècle suivant Rousseauestimera qu'il est faux de dire que l'homme est naturellement un « loup pourl'homme » ; il estimera également que la société doit conserver le pouvoir des'administrer elle-même, selon une procédure démocratique, et non pas laisserce pouvoir à une autorité extérieure distincte.
Il convient ici de se demander surtout si la finalité du droit est bien, exclusivement, ou principalement, la sécurité des particuliers, et si une sociétése réduit à une multiplicité d'individus égoïstes animés.
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