Langage, violence et raison
Publié le 14/10/2019
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Pour le dire autrement, la modernité se traduit par une crise du Sens ou encore par un doute sur le Sens. Doute qui trouve son expression dans la sphère du langage. A et égard • même si les rapprochements peuvent paraître arbitraires et hâtifs • notre société voit la prolifération de théories qui toutes, à leur manière, expriment cette absence de Sens. Croit-on, par exemple, que les développement de la linguistique (et la notion de structuralisme) ne traduisent pas la prédominance des structures quantifiables sur le Sens de l’acte de parler ? On ferait la même remarque concernant l’apparition, voici quelques années, du \"nouveau roman\" ou du \"nouveau théâtre\".
Reprenons les grands moments de cette double dégénerescence : an début, la voix de la nature qui parle en l'homme capable de l'écouter; la voix de la nature c'est la moralité impérieuse qui s'adresse en l'homme à ses facultés virtuelles, qui lui indique le bien et le mal; cette voix deviendra progressivement imperceptible, recouvene par les sédimentations de la culture.
«
termes
dœt œ cherchait la définitiœ dans l'exercice �glé du dialogue.
Il s'agit,
dans une civilisation qui tend à exprimer ses conflits et ses inté�ts dans le jeu
politique, de l'emporter par le discours le plus persuasif : la justice, la venu c'est ce
que je parviens à "faire croire" aux autres.
La vigueur du raisœnement tient lieu de
cœviction et la force de l'argumentation remplace la vérité de la cœnaissance.
Bien
mieux, chacun s'estime compétent pour "pouvoir " parler sans "savoir'' de quoi on
parle : la place publique est devenue ce lieu où tœs parlent mais où personne
n'écoute.
Et sunout, voici l'homme en possession d'une singulière puissance : le
pouvoir de disposer des mots sans les choses et, d'une manière encore plus
dangereuse, le voici capable de disposer du pœ voir des hœtmes 11 • Le langage
acquiert la dimension justificative et auto-justificative de la pseudo-démonstration,
de l'argumentation probatoire.
Ne condamnons pas trop vite la Sophistique : elle a représenté un moment
nécesaire dans le processus de "laicisation" et de démocratisation de la parole
politique.
A sa manière, elle est le moment des "Lumières" de la civilisation
grecque.
Les SoJitistes rep�sentent la prise de cœscience réfléchie de la fiené et de
l'assurance grecques en face de l'obscurantisme des "Barbares" : propagateurs des
lumières civilisatrices, ils expriment l'individualisme exubérant et l'utilitarisme
conquérant de leur époque.
Toutefois, à considérer le langage sous son seul aspect de "techné", la
sophistique courait le risque d'en faire l'enjeu d'une manipulation aux mains des plus
habiles et le moyen de la violence persuasive.
Etre capable de prouver et de "faire
croire" : puissance admirable du langage mais aussi suprême danger; le langage
devient une technique susceptible d'un usage ambigu.
Nul mieux que Platon n'a dénoncé cette dangereuse conjonction de la
perversion de la parole et de la perversion de la politique.
Le juste et raisonnable
usage du langage devient flatterie, mensœge et le démagogue se fait pone-parole du
tyran comme la dtmocratie est le Jdlude à la tyranni e.
Si le langage est capable de
séduire les ames, la Justice, la Vertu et les Lois n'ont plus alors de signification: c'est
le règne des apparences et Je déploiement du désir sans limite.
Aussi, face au pouvoir
redoutable et séducteur du sophiste (Gorgias, Protagoras), Platœ va-t-il dresser la
figure du Jitilosophe qui sait ce que parler veut dire et qui fait un usage entièrement
raisœnable du discours 12 • Une telle opposition implique un changement de terrain.
La Vérité ne saurait plus se situer au niveau des mots et de leur autonomie
insuffisante et ambigue, mais au niveau des Idées œ Essences.
Il revient donc au
philosophe d'aligner les mots sur l'Etre.
Contrairement au simulacre, à la flatterie
pratiqués par les sophistes (analogue au mensonge des anistes en général et des
peintres en particulier qui vivent dans l'univers de la tromperie mimétique et
leurrante ), seul le philosophe a pour objet le dire-vrai, seul son discours peut élever
et guérir rame et instaurer entre les hœtmes des rapports de justice et de raison.
Enfin -co � uence connue -puisque la démocr atie, ce lieu de la parole tvre est le
triœtphe de 1'10compétence sous prétexte d'égalité et d'égale validité de n'importe
quel discours, il convient de lui substituer un �gime gouverné par le détenteur de la
parole vraie : le roi-philosophe.
Que la réalisation de ce paradigme de la royauté du
philosophe n'aille pas sans diffiCulté, qu'il ne soit même pas appliquable au niveau de
l'histoire ne prœve, selon Platon, rien contre sa vérité.
Il suffit qu'il soit "poss ible",
entratnant par sa conception même la �futatiœ de ceux qui cœfondent le
"penser-vrai" et le "bien-parler".
Il n'est donc pas excessif d'affirmer que toute l'oeuvre de Platon est un
immense débat entre la rhétorique et la philosophie, c'est-à-dire entre le langage
violent et le langage pacifiant.
Les mots n'ont de valeur que parce qu'en dernière.
»
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