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Langage et Inconscient

Publié le 27/01/2004

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Par exemple, le locuteur dit le contraire de ce qu'il voudrait dire. Freud cite le cas d'un président qui, dans son discours d'ouverture, dit : «Je déclare la séance close.» Les lapsus ne sont pas dus à l'inattention ou à la fatigue, ils ont un sens : «...il est clair que tout acte manqué est un discours réussi, voire assez joliment tourné'.» Les lapsus, comme les actes manqués en général, témoignent d'un désir profond et inconscient et résultent de l'interférence de l'expression de ce désir avec ce qu'on voudrait ou devrait consciemment dire : «dans le langage verbal lui-même il y a des figures qui font échec à la communication, et qui sont des rejetons de l'inconscient.» Ce qu'on découvre, avec le lapsus, c'est qu'au fond, tout discours a un double sens, est équivoque, veut dire autre chose que ce qu'il dit, tout simplement parce que le désir fait échouer la parole et échoue lui-même à parler clairement. 3 Le rêve comme «rébus» et comme exercice «rhétorique» Il y a en tout rêve un sens manifeste absurde, incohérent, le rêve tel qu'il apparaît à celui qui en fait le récit, et un contenu latent, c'est-à-dire une organisation de pensées, un discours, exprimant un ou plusieurs désirs, le rêve tel qu'il apparaît une fois déchiffré : «les pensées du rêve et le contenu du rêve nous apparaissent comme deux exposés des mêmes faits en deux langues différentes (...) Le rêve est un rébus, nos prédécesseurs ont commis la faute de vouloir l'interpréter en tant que dessin'.»Il y a donc un travail de déguisement, de chiffrage, dit travail d'élaboration du rêve, qui est le passage du désir au rébus. Dans ce passage, il y a la suppression presque totale des articulations et des liaisons logiques du discours qui ne sont pas visualisables, il y a aussi la transformation des pensées en images et le recours à un «vocabulaire» symbolique.
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« 2 L'inconscient pense-t-il ce qu'il dit ? Freud affirme que le sens préexiste dans l'inconscient et que le psychanalyste ne fait que le mettre à jour.

Faut-ildonc admettre que l'inconscient est conscient de ses propres pulsions, conscient de la censure et de sesinterdictions et suffisamment intelligent pour se déguiser ? L'inconscient serait, dans cette hypothèse, conscient delui-même et de la conscience.

Il y a là quelque chose de paradoxal et d'incompréhensible.

Ne faudrait-il pascomprendre les choses autrement ? 1 L'inconscient serait une création du psychanalyste Une première solution consisterait à dire que l'inconscient ne vient à l'être que par l'interprétation.

En particulier,l'hypothèse freudienne selon laquelle le rêve traduit un texte inconscient réellement pré-existant devrait êtrerejetée.

Le sens que révèle l'interprétation ne lui préexisterait pas mais s'engendrerait par elle.

Les symptômesnévrotiques, le rêve posséderaient donc bien un sens mais un tel sens serait celui auquel parviendrait lepsychanalyste au terme d'un travail d'élucidation.

Le caractère symbolique des symptômes et de l'expression durêve ne serait pas le résultat d'un travail de chiffrage, de déguisement de l'inconscient, d'un travail par lequel seraittravesti un sens original mais tout simplement «l'expérience d'une conscience qui n'est pas encore parvenue aulangage parce qu'elle n'est pas parvenue à la conscience d'elle-même'.» L'inconscient serait, dans ce cas, une sorte«d'infra-conscience», un effort vers le langage et l'expression symbolique, une expression archaïque, fragmentaire.Le plus important serait donc l'invention par le psychanalyste d'une cohérence plutôt que la croyance en unsymbolisme strict.

Freud, lui-même, semble affirmer que le sens d'un rêve dépend beaucoup du contexte, c'est-à-dire des idées qui se présentent à l'esprit du rêveur pendant l'analyse.

Il n'y aurait donc aucun symbolisme précis etl'inconscient serait une profondeur ténébreuse, qui ne penserait rien.

A la limite, il ne serait qu'une construction dupsychanalyste. 2 La «parole envoûtante» du psychanalyste libérerait le sujet de ses symptômes Il y a bien un aspect séduisant dans cette critique qui voudrait débarrasser le sujet de la croyance qu'il y a en luides choses qu'il ignore et qui le mènent à son insu.

Le sujet qui souffre serait, au fond, celui qui ne se serait paslibéré du poids de l'habitude, des préjugés de l'enfance, de l'archaïque qui est en lui.

Il ne réussirait pas à verbaliser,à donner une cohérence à sa vie, il serait dans un état d'infra-conscience.

Le rôle du psychanalyste serait alors dereconstituer à partir des données fragmentaires que celui-ci lui livrerait un texte clair, lisible, cohérent.Par l'envoûtement de la parole le sujet reconnaîtrait sa propre existence non pas telle qu'elle fût vécue(incohérente, indéchiffrable) mais telle qu'elle était écrite, selon la signification qu'elle avait.

La fin de la cure neserait jamais que l'acquiescement du sujet à la signification donnée par le psychanalyste.

A la faveur del'interprétation psychanalytique, le sujet réintégrerait un nouveau passé, une nouvelle vie. 3 Ça parle Il est vrai que l'inconscient ne peut vraiment être appréhendé que dans la relation entre l'analyste (oupsychanalyste) et l'analysé.

Peut-on, pour autant, affirmer qu'il est construit par le psychanalyste? L'inconscient nepense probablement pas comme un «je» mais ce qui apparaît dans les symptômes, le rêve, les actes manqués, c'estbien l'unité d'un discours.

Il y a quelque chose qui parle, comme le dit Lacan, ça parle.

Peu importe, au fond, que lelangage de l'inconscient soit verbal ou non.

On peut dire métaphoriquement qu'il parle.

En tout cas, l'inconscient estbien un phénomène de sens.

Affirmer qu'il ne vient à l'être que par l'interprétation c'est nier le conflit psychique et lesymptôme comme compromis dans lequel celui-ci finit par se traduire : cette main paralysée de l'hystérique est bienà la fois l'expression d'un désir et en même temps son interdiction.

S'il y a conflit c'est qu'il y a quelque chose«comme une scène commune pour les personnages du conflit».

Le psychanalyste Laplanche attire notre attentionsur la deuxième topique freudienne.

Alors, dit-il, que dans la première, l'opposition entre le Conscient, l'Inconscientet le Préconscient était une opposition de systèmes, dans la seconde topique, les instances du psychisme, le moi, leça, le surmoi, sont conçus comme de véritables personnages d'un drame : «il y a bien une machinerie, il y a despersonnages internes ; la machinerie est elle-même un drame introjecté, une introjection dans l'intérieur de lapersonne, une transposition dans l'intra-personnel, des relations interpersonnelles.»Le moi est tourmenté par le surmoi (la censure), du même coup il se défend contre le ça, qui, lui, cherche àcontourner la censure.

Tout se passe comme si nous avions bien affaire à un conflit réel, réaliste de personnes àl'intérieur du sujet.

L'inconscient n'est donc pas une abstraction au même titre qu'une loi de physique (comme parexemple, celle de la chute des corps).

Il a «une existence tangible», «une matérialité».

Non seulement, ça parlemais on peut dire encore qu'il y a un véritable débat qui se poursuit à l'intérieur du sujet. Langage et maux (mots) de l'inconscient. " Ca parle là où ça souffre" : cet aphorisme de Jacques Lacan souligne la liaison étroite entre le langage et la psychanalyse.

Lapsus, rêves, cure, tout se joue autour de la question du langage et de sa signification. La révolution psychanalytique part d'une constatation dont toute l'oeuvre de Freud s'efforce d'administrer la preuve en étendant ses recherches depuis le comportement du sujet individuel jusqu'aux manifestations. »

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