L'an 2000 a suscité de multiples réactions et manifestations ; en ce qui vous concerne quelle signification lui donnez-vous ?
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
«
de sentiment religieux.
L’an 2000, par sa portée symbolique, fit naître cette crainte, que les créateurs
retranscrivirent dans leurs œuvres.
Les catastrophes annoncées étaient encore plus terrifiantes
qu’elles semblaient privées de sens, non annoncées par des prophètes.
Deux cinéastes de la série
« 2000 vu par… » proposaient ce scénario.
Tsai Ming-Liang tout d’abord dans The Hole : les deux
personnages du film, restaient enfermés dans leur appartement tandis qu’un véritable déluge
s’abattait sur l’île de Taïwan.
Le réalisateur canadien Don McKellar imaginait quant à lui dans The last
night les dernières heures de l’humanité, dans l’attente de la chute sur terre d’un météore
gigantesque.
Les personnages du film erraient dans Montréal victime de l’anarchie, privée de tout
service public.
L’an 2000 a donc suscité des craintes, projections de fantasmes de destruction : effondrement
technologique, apocalypse religieuse ou païenne, qui obligeraient les hommes à réfléchir sur le destin.
L’an 2000 était vécu comme un terme possible à l’existence, ou du moins comme une échéance qui
nous permettrait d’effectuer un vaste bilan du siècle passé.
Cette date fascine les penseurs depuis le
début du XXe siècle, et a été l’objet de lectures prospectives, de projections utopiques très
nombreuses.
Pour ses contemporains, le basculement à l’an 2000 a fait naître une prise de
conscience collective qui a conduit à une lecture rétrospective du siècle passé.
D’une manière plus
abstraite, le passage à l’an 2000 inspira une réflexion sur le chiffre 2000 et sa signification.
II-a Si l’an 2000 nous a tant fasciné, c’est que cette date, et plus généralement le passage au XXI
e
siècle, fait rêver les hommes depuis longtemps, inspirant nombre d’utopies et d’œuvres de science-
fiction depuis le début du XX
e siècle.
Se projetant dans l’avenir, nos ancêtres rêvaient d’un monde où
s’incarnerait enfin la modernité.
La révolution industrielle et le développement de la technologie
moderne faisaient croire en une religion du progrès qui se réaliserait dans un âge d’or, généralement
situé à la fin du XX
e siècle.
On ne compte plus les représentations passées de notre époque, dans
lesquelles les machines affranchiraient l’homme de la plupart des contraintes, lui offrant enfin la
possibilité de vivre dans un monde de loisirs.
A ces visions positives répondaient des utopies
négatives, où l’homme perdrait sa liberté dans un système totalitaire, où la technologie serait au
service du pouvoir.
George Orwell dans 1984 imaginait une société où l’homme serait sans cesse
observé par les écrans de "Big Brother", et dont le langage deviendrait un instrument du pouvoir.
Il
n’aurait d’autre solution que de mourir pour préserver la liberté de sa conscience.
Aldous Huxley dans
le Meilleur des mondes proposa la même vision en se projetant dans les premières années du XXI
e
siècle, après que des guerres eurent ravagé la planète et détruit le monde ancien.
Il était alors logique
que l’an 2000, date en plus symbolique, provoque la crainte des hommes de la fin du siècle.
II-b Sans qu’il soit forcément pressenti comme la fin du monde, l’an 2000, quand il est enfin arrivé,
a provoqué le désir d’effectuer un bilan, puisqu’il marquait un double terme, celui du siècle et celui du
millénaire.
Puisque ce simple basculement de date était si important, indépendamment de toute vision
eschatologique, c’est-à-dire qui concerne la fin du monde et de l’homme, un peu partout dans le
monde furent organisés des manifestations qui effectuèrent une mise au point sur le siècle passé.
Ainsi, l’organisation France 2000 proposa de nombreuses conférences dans le cadre de "l’Université
de tous les savoirs", qui balayèrent tout le champ de la connaissance humaine contemporaine.
On ne
compte pas dans les médias les nombreuses rétrospectives du siècle, qui proposaient des
classements en tous genres : personnalité la plus importante, invention la plus marquante, événement
le plus décisif pour le siècle.
De fort nombreux colloques réunirent des savants prestigieux pour
proposer une réflexion sur le XX
e siècle et une vision prospective du siècle suivant.
Lire le XX e siècle
depuis son terme, c’est le considérer comme achevé, comme figé pour l’éternité.
Désormais, les
manuels d’histoire du XX
e siècle pouvaient être définitivement complétés.
Cette fascination pour le
passage à l’an 2000 ne pouvait que concerner une civilisation pour laquelle la marche du temps est
linéaire ; pour les Occidentaux, le temps a un début et une fin, et l’an 2000 serait une étape possible
vers cette fin.
Pour d’autres sociétés, le temps est cyclique, voué à un éternel recommencement.
Les
dates ne sont alors plus considérées comme des termes, elles sont noyées dans l’ensemble.
On
comprend alors pourquoi les héros de Jusqu’au bout du monde de Wim Wenders partent se réfugier
en terre aborigène : alors que 1999 arrive à son terme, les personnages échappent aux
manifestations au milieu d’un peuple pour qui le passage à l’an 2000 est dérisoire.
On peut donc mesurer l’importance que cet événement a pris aux yeux de ceux qui le
vécurent.
Visions du passé, du présent et du futur, pour reprendre le nom d’une exposition du Grand-
Palais.
Pourtant de nombreuses voix s’élevèrent pour dénoncer l’imposture de l’an 2000..
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