L'âme et le corps chez Bergson
Publié le 18/03/2011
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Le problème de la mémoire, — auquel se relient celui du rêve et celui de l'effort intellectuel, — a une grande portée métaphysique. Le Bergsonisme est, sur ce point comme sur tous les autres, « une psychologie qui se prolonge en métaphysique «. La question de savoir si la mémoire n'est qu'une fonction du cerveau, pose le grave problème des rapports de l'âme et du corps. Bergson l'étudié au quatrième chapitre de Matière et Mémoire, et en divers travaux postérieurs, réunis dans l'ouvrage L'Energie spirituelle.
«
psychologique et de son accompagnement physiologique.
« Il y a infiniment plus dans une conscience humaine que dans le cerveau correspondant.
» Celui qui pourraitregarder à l'intérieur d'un cerveau en activité saurait quelque chose de ce qui se passe dans l'esprit, mais il ensaurait peu de chose : « il en connaîtrait tout juste ce qui est exprimable en gestes, attitudes et mouvements ducorps, ce que l'état d'âme contient d'action en voie d'accomplissement ou simplement naissante : le reste luiéchapperait.
Il serait, vis-à-vis des pensées et des sentiments qui se déroulent à l'intérieur de la conscience, dansla situation du spectateur qui voit distinctement tout ce que les acteurs font sur la scène, mais n'entend pas unmot de ce qu'ils disent ».
A un même état du cerveau pourrait correspondre une foule d'états d'âme égalementappropriés, comme des tableaux différents peuvent prendre place dans le même cadre.
Soit une pensée.
Quand nous pensons, il est rare que nous ne nous parlions pas à nous-mêmes : nous esquissonsou préparons, parfois nous accomplissons, les mouvements d'articulation par lesquels s'exprimerait notre pensée ;nous tendons à prononcer les mots correspondant à ces arrêts de la pensée que sont les idées.
— Si nous pouvionsobserver un cerveau qui travaille, nous observerions Y accompagnement moteur de la pensée.
Mais nousn'apercevrions pas la pensée elle-même, le mouvement indivisible de la pensée, qu'on ne peut reconstituer avec desimages ni avec des idées, pas plus qu'avec des positions on ne ferait du mouvement.
Soit une décision volontaire.
Le cerveau paraît bien être un organe de choix.
Il reçoit des excitations de toutessortes, et il est en relation avec les mécanismes de la moelle correspondant à toutes sortes de mouvements.
C'est «un commutateur, qui permet de lancer le courant reçu d'un point de l'organisme dans la direction d'un appareil demouvement désigné à volonté ».
La moelle contenait un grand nombre de réponses toutes faites à la question queles circonstances pouvaient poser ; l'intervention du cerveau fait jouer la mieux appropriée d'entre elles ; elleactionne un mécanisme choisi et non plus subi.
— Mais à côté du cerveau, organe de choix, il y a le choix lui-même,qui ne se confond pas avec un mouvement du cerveau.
Le cerveau n'est pas, à proprement parler, organe de pensée, ni de sentiment, ni de volonté, ni de conscience.
Maisil fait que conscience, volonté, sentiment, pensée restent tendus sur la vie réelle et capables d'action efficace.
« Lecerveau est l'organe de l'attention à la vie.
» — Il est « chargé d'imprimer au corps les mouvements et les attitudesqui jouent ce que l'esprit pense ou ce que les circonstances l'invitent à penser ».
Il mime la vie de l'esprit et lessituations extérieures auxquelles l'esprit doit s'adapter.
C'est « un organe de pantomime ».
On comprend, dès lors, l'erreur d'où procède la thèse du parallélisme psychophysiologique.
Le système nerveux d'unanimal indique, par sa plus ou moins grande complication, le choix plus ou moins étendu qu'il aura entre des actionsplus ou moins nombreuses.
L'éveil de la conscience est, chez un vivant, d'autant plus complet qu'une somme plusconsidérable d'action lui est départie.
Le développement de la conscience paraîtra donc se régler sur celui descentres nerveux.
— D'autre part tout état de conscience est, par un certain coté, une question posée à l'activitémotrice, et même un commencement de réponse.
Ainsi il n'y a pas de fait psychologique qui n'implique l'entrée enjeu des mécanismes cérébraux.
Tout paraît se passer comme si la conscience jaillissait du cerveau et comme si ledétail de l'activité consciente se modelait sur celui de l'activité cérébrale.
— « En réalité la conscience ne jaillit pasdu cerveau ; mais cerveau et conscience se correspondent parce qu'ils mesurent également, l'un par la complexitéde sa structure et l'autre par l'intensité de son réveil, la quantité de choix dont l'être vivant dispose.
»
L'état cérébral n'exprime que ce qu'il y a d'action naissante dans l'état psychologique correspondant.
« Laconscience d'un être vivant est solidaire de son cerveau dans le sens où un couteau pointu est solidaire de sapointe : le cerveau est la pointe acérée par où la conscience pénètre dans le tissu compact des événements, mais iln'est pas plus coextensif à la conscience que la pointe ne l'est au couteau.
»
On comprend qu'à la suite d'une légère modification de la substance cérébrale, l'esprit tout entier puisse, paraîtreatteint.
La conscience s'évanouit si on respire du chloroforme, s'exalte si on absorbe du café.
Une intoxicationmomentanée donne lieu à des troubles.
Une intoxication durable, comme celle que laissent derrière elles certainesmaladies infectieuses, peut produire l'aliénation mentale.
— Dans tous ces cas-là, selon Bergson, ce qui est modifié,c'est le mécanisme de l'insertion de l'esprit dans les choses.
Le fou raisonne à côté de la réalité, comme un hommequi rêve.
Le dérangement cérébral se traduit par un relâchement de la tension, ou plutôt de l'attention, aveclaquelle l'esprit se fixe sur la partie du monde matériel qui intéresse l'activité.
Bergson considère que son hypothèseexplique tous les faits connus.
Surtout elle trouve une confirmation décisive dans l'étude de la mémoire.
La mémoire,notamment la mémoire des mots, est la seule fonction de la pensée à laquelle on ait pu assigner une place précisedans le cerveau.
Or (on l'a vu antérieurement) la thèse soutenant que les souvenirs sont situés dans les cellulescérébrales, se heurte à des difficultés insurmontables.
Elle n'est pas du tout vérifiée par une étude minutieuse desamnésies, des aphasies.
Le cerveau ne sert pas à conserver le passé, mais à le masquer, puis à en laissertransparaître ce qui est pratiquement utile.
La nouvelle théorie de la mémoire impose l'obligation « d'ériger l'esprit en réalité indépendante ».
* * *
Il faut donc revenir à la conception que l'étude de la mémoire suggère sur les rapports de l'âme et du corps, sur leurindépendance en même temps que sur leur union..
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